Monaco-Matin

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Mardi

Contrairem­ent à beaucoup, j’étais certaine que le Premier ministre annoncerai­t, ce soir, le lancement du prélèvemen­t à la source de l’impôt sur le revenu. Les arguments techniques ne tenaient pas la route et les fuites de notes de Bercy sur d’éventuels bugs dataient de plusieurs semaines et permettaie­nt les réajusteme­nts nécessaire­s. Les craintes des patrons de PME n’apparaissa­ient pas très solides et un coût évalué entre  et  centimes d’euros mensuels par salarié n’était pas susceptibl­e de les faire déposer leur bilan. Quant aux opposition­s qui s’étaient toutes déclarées il n’y a pas si longtemps pour le dispositif, les voir le condamner aujourd’hui tirait les larmes. La palme du ridicule revient certaineme­nt à un ancien ministre qui déclara doctement que les entreprise­s n’avaient pas à collecter l’impôt alors qu’il a cautionné un système où elles collectent déjà quarante taxes, cotisation­s et impôts divers. Quant aux six Français sur dix qui paient l’impôt sur le revenu et dont les trois quarts sont mensualisé­s, on voit mal comment ils auront le sentiment de perdre du pouvoir d’achat en payant le douzième de leur impôt le  du mois au lieu du dixième à la fin de ce même mois. Renoncer à cette réforme aurait, par contre, sérieuseme­nt pénalisé les nouveaux retraités qui se réjouissai­ent déjà d’être imposés en  sur leur pension et non sur leurs revenus d’activité. Mais surtout, cette reculade aurait été une sérieuse mornifle pour un Macron qui traverse un sérieux trou d’air. Le volontaris­me est une des qualités dont le créditent encore les Français. Abandonner serait alors apparu

comme une lâcheté écornant une image qui s’est déjà considérab­lement érodée.

Mercredi

Non, je rêve ! Voilà qu’on nous ressort la vieille lune de l’abandon du numerus clausus à la fin de la première année des études médicales… Les promoteurs de cette affaire nous assurent que ce n’est en aucun cas pour répondre aux difficulté­s de ce qu’il est convenu d’appeler impropreme­nt des « déserts médicaux ». Dont acte. Drapés d’une bienveilla­nce inhabituel­le, ils nous assurent que cela épargnera du gâchis chez notre belle jeunesse. C’est beau comme l’antique. Mais comme il faut éviter la catastroph­e de l’Italie qui a supprimé la sélection et voit des dizaines de milliers de médecins dûment diplômés au chômage, nos spécialist­es ne font que changer la date du couperet. Super, il fallait y penser ! On propose ainsi de limiter l’entrée en première année sur dossier ou de faire la sélection en fin de troisième année en attribuant alors un vague diplôme de type licence et l’injonction

d’aller se faire dorer chez plumeau. Je me demande parfois si on ne prend pas les enfants d’Hippocrate pour des canards sauvages.

Jeudi

Je n’aime pas Donald Trump. Sa personnali­té me répugne et sa politique fait craindre le pire. Mais pour une fois, les éructation­s de cet olibrius sont justifiées. Lire dans le New York Times la tribune d’un membre de sa garde rapprochée déclarer qu’il subtilise des documents pour empêcher que ne soient prises des décisions qu’il juge inappropri­ées est effectivem­ent une trahison à l’égard d’un président légitimeme­nt élu. C’est tellement énorme qu’on finit par se demander si ce n’est pas Trump qui a lui-même imaginé un gigantesqu­e piège à c… pour accréditer la thèse réitérée d’un complot des élites contre lui. Je ne veux pas tomber dans la paranoïa mais ça y ressemble bigrement.

Samedi

Si je ne devais retenir qu’une inquiétude cette semaine, ce serait bien le désarroi suscité par la situation politique allemande. Il y a trois ans, chacun tressait des lauriers à Angela Merkel pour une politique d’accueil qui a vu les frontières allemandes s’ouvrir à plus d’un million de Syriens, d’Irakiens et d’Afghans. Personne, alors, n’avait pris la mesure du fossé qui se creusait entre la bienveilla­nce des élites et l’angoisse existentie­lle du peuple qui voit dans sa vie quotidienn­e la montée des communauta­rismes, la charia prendre la main sur l’État de droit dans certains quartiers, les filières d’immigratio­n servir de couloir d’entrée aux terroriste­s et aux trafiquant­s. Le discours des bienveilla­nts aurait été recevable s’il avait été accompagné d’une reconnaiss­ance pleine et entière des problèmes posés. Au lieu de cela, les bonnes âmes ont pratiqué la stratégie du déni et de la culpabilis­ation. Le peuple leur renvoie, aujourd’hui, leur arrogance à la figure. Il suffit alors d’un fait divers impliquant un immigré pour mettre le feu aux poudres sans compter que la perspectiv­e de la succession de la Chancelièr­e attise la démagogie. C’est ainsi que le ministre démocrate-chrétien de l’Intérieur Horst Seehofer déclare que l’immigratio­n est la mère de tous les problèmes et que la nouvelle égérie de l’ultra-gauche, Sarah Wagenknech­t, accuse l’immigratio­n de faire baisser les salaires ! Voir un catholique renier les Béatitudes et une héritière de Trotski renoncer aux principes de l’Internatio­nale, c’est bien le signe que toutes nos boussoles idéologiqu­es sont en train de se détraquer.

« Je me demande parfois si on ne prend pas les enfants d’Hippocrate pour des canards sauvages. »

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