La butée de l’épaule réalisée sous arthroscopie
Le Pr Pascal Boileau a fait la démonstration en direct de la technique qu’il pratique et a approfondi ces dernières années devant un parterre de congressistes... à Pékin
En assistant au déroulement de l’opération, difficile d’imaginer que le Pr Boileau est en train de réaliser une butée de l’épaule devant des milliers de chirurgiens. Le grand spécialiste de la discipline a ainsi opéré en direct du CHU Pasteur 2 à Nice pour les spectateurs qui assistaient au Global Live Surgery Show à Pékin (un congrès d’experts donc)et pour près de 7500 chirurgiens qui étaient connectés via internet. Son patient, un jeune rugbyman de 17 ans, qui souffrait de luxations de l’épaule à répétition, à tel point qu’il ne pouvait plus pratiquer ce sport. L’enjeu était de taille. Le Pr Pascal Boileau a donc réalisé une butée de l’épaule – dite opération de Latarjet, du nom du chirurgien qui l’a développée. Le Niçois a considérablement approfondi la technique : « la pluplart du temps elle est réalisée à ciel ouvert, c’est-à-dire en pratiquant une incision de 5 à 7 cm en avant de l’épaule. La technique que j’ai mise au point permet de la réaliser sous arthroscopie : il n’est plus nécessaire d’ouvrir, tout se déroule sous contrôle vidéo. Cela permet d’être très précis puisqu’on voit nettement mieux qu’en vision directe, grâce au grossissement optique, notamment les nerfs et les vaisseaux.»
Instruments spécifiques pour ce type d’opération
Le Pr Boileau a conçu au cours de la dernière décennie des instruments spécifiques lui permettant de réaliser ce type de chirurgie mini-invasice dans les meilleures conditions possibles. « L’objectif est de réaliser une greffe osseuse pour corriger l’érosion osseuse de la glène de l’omoplate, dûe aux multiples luxations et subluxations. On transfère une partie de la coracoïde – qui est un petit os situé à la partie haute de l’omoplate – en avant et en bas de l’épaule pour la stabiliser. Traditionnellement, la butée est fixée par deux vis. Mais j’ai mis au point un implant miniaturisé qui est un double-bouton. C’est l’équivalent d’un rivet fixé de part et d’autre et reliés par une quadruple suture, ce qui va permettre de comprimer la greffe osseuse.» Ce type d’intervention présente plusieurs avantages. D’abord, il n’y a pas de cicatrice puisque les instruments sont introduits par de micro-incisions. Ensuite, le risque infectieux est moindre : la zone opérée est irrigué par du sérum physiologique pendant toute la durée de l’intervention, ce qui permet de «rincer» en quelque sorte l’épaule en permanence. L’arthroscopie diminue aussi le risque de saignements et donc d’hématomes. Les suites opératoires sont donc relativement simples. Le patient peut regagner son domicile dans la journée (dans le cadre de la chirurgie ambulatoire) ou le lendemain, en fonction de son éloignement (comme ici, ou il venait de Corse). Ensuite, il devra observer deux semaines d’immobilisation durant lesquelles l’épaule est maintenue par un attelle. Progressivement, il pourra faire de l’auto-rééducation (en effectuant des mouvements pendulaires simples) avant d’être pris en charge par un kinésithérapeute . « Au bout de trois à quatre semaines, il peut commencer à nager et au bout de trois mois, la reprise des « sports à risque », comme le rugby, est possible», comment le Pr Boileau. Les taux de réussite sont particulièrement élevés. De plus en plus de chirurgiens à travers le monde se forment à cette manière d’opérer, moins invasive, plus efficace et plus durable dans le temps.