Monaco-Matin

La fermeture de classe à Doumer inéluctabl­e ?

Les enseignant­s de l’école Paul-Doumer étaient en grève, hier, pour protester contre la fermeture d’une classe annoncée seulement la semaine dernière. Les parents d’élèves se sont rendus au rectorat

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr * Réseau d’éducation prioritair­e renforcé

Àl’heure où vous lisez ces lignes, une poignée de gamins de 6 ou 7 ans sont en train d’apprendre à quel point l’absurdité administra­tive peut être brutale. Preuve qu’on est jamais trop jeune pour ça, ils vont devoir changer de classe, parce que le rectorat a décidé, la semaine dernière, de fermer celle à laquelle ils avaient été attribués, en fonction de nombreux critères. « Il ne faut pas croire, quand on fait les classes, ce n’est pas à la louche : on prend en compte l’autonomie, le comporteme­nt, et les résultats scolaires. Ça prend au moins dix jours pour équilibrer et garder les fratries ensemble », peste Michel Tcherniati­ne, le directeur de l’école PaulDoumer.

Enfants en larmes

Hier matin, l’école était fermée: affiches et banderoles avertissen­t de la grogne qui a conduit les enseignant­s à la grève. Même si c’est l’école primaire qui a été touchée, c’est tout le groupe scolaire qui se mobilise. Les parents n’ont pas pesté. Ils ont même signé la pétition. Ils sont solidaires, et ulcérés, comme l’explique Sylvie Morgado, présidente de l’associatio­n des parents d’élève : «Ce sont des méthodes scandaleus­es de fermer des classes juste après la rentrée. Ce sont des enfants de CP, qui viennent de changer d’école, d’enseignant­e, et ils doivent de nouveau subir le stress et l’angoisse d’une rentrée scolaire». Bye bye les nouveaux copains, il faut changer et ce ne sont pas les seuls. Car les enfants vont être répartis dans des classes, où des enfants vont eux-mêmes être répartis. « Lorsque nous avons expliqué cela aux enfants vendredi, il a fallu insister sur le fait qu’ils n’avaient rien fait de mal, qu’ils n’étaient pas méchants, et que ce n’était pas de leur faute. Mais plusieurs étaient en larmes », confie une enseignant­e.

Confiance brisée

Et puis il y a la confiance des parents, souvent nonfrancop­hones, si difficile à acquérir, et qui est brisée : « La rentrée, c’est aussi un stress énorme pour les parents. Ils ne comprennen­t pas pourquoi on leur a dit que leur enfant était dans une classe lundi dernier, et pourquoi maintenant ils changent. Ils ne vont plus faire confiance à l’école », explique Ivone De Souza, une parent d’élève. Car Beausoleil, on vous le répète à longueurs de colonnes dans ce journal, a la particular­ité d’accueillir plus de 70 nationalit­és. Ils sont nombreux les gosses qui n’entendent pas parler français à la maison, et ceux qui enseignent la langue à leurs parents à mesure qu’ils l’apprennent à l’école. « Beausoleil pourrait faire partie d’un réseau d’éducation prioritair­e, mais elle n’en remplit pas tous les critères », explique Michel Tcherniati­ne. Alors la commune doit se contenter d’être traitée comme une autre ville, tout en ayant des difficulté­s majeures, comme l’intégratio­n en cours d’année d’enfants réfugiés irakiens. Un succès malgré le manque de moyens. À l’heure où les communican­ts de l’Éducation nationale se gargarisen­t dans les médias des dédoubleme­nts de classes de CP dans les réseaux d’éducation prioritair­e, Beausoleil perd une classe, parce qu’elle ne concerne que 17 élèves. Tant pis pour l’apprentiss­age du français en plus de celui de la lecture.

Soutien du maire

Dans un courrier adressé à l’inspecteur d’académie Michel-Jean Floch, Gérard Spinelli, le maire de la ville, a exprimé tout son soutien aux équipes enseignant­es. Il a ajouté : « Si je ne remets pas en question les effectifs de cette rentrée scolaire, je souhaite cependant insister sur le fait que Beausoleil a la spécificit­é d’avoir plus de 60 % des enfants scolarisés qui n’ont pas le français comme langue maternelle. N’étant pas classées REP+ les écoles de Beausoleil n’entrent pas dans le dispositif du dédoubleme­nt des enseignant­s en classe de CP. Il est cependant indispensa­ble que les services de l’Éducation Nationale soutiennen­t les équipes éducatives dans leurs engagement­s au profit des enfants de notre Cité. » Ni ce courrier, ni la détresse de la délégation de parents d’élèves reçus hier aprèsmidi au rectorat de Nice, n’auront ému l’administra­tion. Ce matin, les enfants changeront de classe, pour aller vers celles que les enseignant­s leur ont attribuées hier en urgence, sur leur jour de grève, non payé.

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(Photos L.M.) Enseignant­s et parents l’ont mauvaise. Ils iront manifester demain avec les écoles de la Roya, de Villeneuve­Loubet ou encore de Saint-Laurent-du-Var, victimes elles aussi de la coupe post-rentrée.
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Les parents ont été reçus hier au rectorat de Nice.

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