Les Merveilles entrent dans une nouvelle dimension
Durant quatre jours, des équipes du musée des Merveilles – à Tende – et du Département réalisent dans le Mercantour une opération de modélisation 3D des sites de gravures rupestres
L’information n’aura échappé à aucun montagnard : le survol de drones est désormais interdit dans le coeur du Parc du Mercantour. À quelques exceptions près. Dont une, tout à fait exceptionnelle. Depuis mardi, et jusqu’à demain, les équipes du musée des Merveilles – implanté à Tende – et de la section « Solutions & Diffusion 3D » du Département réalisent une opération inédite de modélisation tridimensionnelle du site des gravures rupestres – de part et d’autre du Mont Bego. Soit dans les vallées des Merveilles et de Fontanalbe. Demandée il y a un an auprès de la commission territoriale de recherche archéologique, l’autorisation vient de leur être accordée pour le mois de septembre. Mais les questions de logistique ont conduit les deux organismes – travaillant évidemment en étroit partenariat avec le Parc national – à opérer cette semaine.
Entre science et médiation
« L’idée, c’est de constituer une base de données du site qui soit globale et que l’on puisse enrichir indéfiniment, résume la responsable scientifique et documentaire du musée des Merveilles, Silvia Sandrone. Il s’agit à terme d’essayer d’associer à un point (une roche) toute la documentation dont on dispose: photos, résultats de recherches, publications… Comme des sous-dossiers rattachés à un dossier. » Le musée propose déjà aux visiteurs de s’offrir une visite tactile, à l’aide d’une tablette. Cette opération d’ampleur devrait permettre de franchir un nouveau pas. Avec, toujours, la volonté d’allier deux volets complémentaires : scientifique et de divulgation des connaissances. « Nous ne sommes pas un centre de recherches, mais un centre de conservation et d’études. C’est-à-dire que nous aidons les chercheurs, mais notre mission première reste la médiation. » La campagne de modélisation relève elle-même du triptyque. Les prises de vues sont en effet réalisées avec divers outils : un ULM d’une société prestataire (Neodym) pour une vue d’ensemble du paysage, à pied pour les principales roches gravées – en utilisant la photogrammétrie, une technique de modélisation 3D réalisée grâce à une série de photos haute qualité – et par drone pour les grandes dalles. « La captation par drone – en plein essor depuis quatre ou cinq ans – s’est imposée comme la bonne technique pour ces roches. Il vole entre 2 et 5 m au-dessus du sol et offre une excellente résolution. Nous avions fait des tests à la perche qui n’avaient rien donné », souligne le responsable de la section solutions et diffusion 3D au Département, Vincent Madelain. Précisant que ses équipes ont investi les lieux depuis trois ans – mais à l’aide des seuls moyens terrestres jusqu’à maintenant. Le défi de cette opération tient en partie au peu de temps dont dispose l’équipe. « On ne peut venir travailler sur un tel site que les trois mois d’été. La fenêtre temporelle est courte. L’idéal aurait été de le faire autour du solstice d’été mais nous n’avons pas eu les autorisations, pour ne pas déranger des périodes de reproduction », note le géomaticien. Conscient que la qualité des prises de vue dépend également de l’éclairage, capricieux en cette saison. Suivra une phase de post-traitement, qui pourrait aboutir à de premiers résultats dès la fin de l’année. « Créer une vallée virtuelle prend du sens quand on sait que les gravures se trouvent à un endroit peu facilement accessible, assure Vincent Madelain. Et il y a clairement un intérêt de sauvegarde du patrimoine. Des gravures disparaissent chaque année. Avec cette modélisation, on disposera ainsi d’un double, d’une trace de ce qu’elles ont été. » La mise en place d’un inventaire quasi exhaustif devrait par ailleurs ouvrir la voie à un vaste champ des possibles. « On peut envisager des algorithmes d’intelligence artificielle pour sortir des gravures selon un thème… » Quand le protohistorique entre de plain-pied dans le XXIe siècle.