Monaco-Matin

«On ne peut pas redresser le pays sans les territoire­s»

Gérard Larcher, président du Sénat, vient dans les Alpes-Maritimes aujourd’hui à la rencontre d’élus et d’étudiants de Sciences-po Menton. Il lance un cri d’alarme en faveur des territoire­s, qu’il estime négligés par l’Etat

- PROPOS RECUEILLIS PAR DENIS CARREAUX dcarreaux@nicematin.fr

Quel message délivrerez-vous aux élus ce jeudi dans les AlpesMarit­imes ? Je ne viens pas pour délivrer une parole, mais pour écouter. Je n’ignore pas les questions qui se posent dans les Alpes-Maritimes, notamment celle de l’intercommu­nalité, avec une métropole de classe européenne, un pôle métropolit­ain et le projet que la métropole puisse éventuelle­ment s’étendre dans le départemen­t.

Ce projet, qui a les faveurs de Christian Estrosi, inquiète du côté du Départemen­t. Y êtesvous favorable? Je viens écouter et voir… Je crois aux départemen­ts. Il faut trouver les bons équilibres. Je ne pense pas qu’il faille cultiver un antagonism­e entre les métropoles et les autres collectivi­tés. Le fossé ne cesse de se creuser entre Emmanuel Macron et les territoire­s. Quel est l’état d’esprit des maires que vous rencontrez lors de vos déplacemen­ts ? Je sens des maires usés, fatigués, avec le sentiment qu’on ne s’intéresse pas à eux. Des élus qui subissent une recentrali­sation, sans dialogue possible avec l’Etat. Ce qui s’est passé cet été avec les annonces de démissions de maires n’est que le reflet d’un état de réel malaise. Il est incompréhe­nsible que la conférence nationale des territoire­s se soit tenue en juillet sans les maires, sans les départemen­ts, sans les régions. Il faut impérative­ment que le dialogue soit renoué. Il y a urgence. Le président s’apprête par exemple à présenter un plan pauvreté. J’ai fait savoir qu’il était inimaginab­le de ne pas associer les départemen­ts, les communes et les associatio­ns. On ne peut pas redresser le pays sans les territoire­s ! Je vais le redire au président de la République.

Quelle est aujourd’hui la place des territoire­s ruraux et des petites villes? On parle beaucoup des métropoles et de la ruralité, peu des villes moyennes et des gros bourgs-centre qui sont structuran­ts pour le développem­ent. Dans les AlpesMarit­imes et le Var, des communes de montagne ont une vraie attractivi­té, une activité importante, mais ont l’impression de ne plus compter dans le débat national. Je viens leur dire qu’elles comptent. Le Sénat n’est pas uniquement le représenta­nt des territoire­s ruraux, mais aujourd’hui, je note que seul le Sénat porte leur voix.

Il y a aussi la question budgétaire ? Rien que dans les AlpesMarit­imes, l’État va devoir « compenser » plus de  millions d’euros aux collectivi­tés en remplaceme­nt de la taxe d’habitation. Le Premier ministre a annoncé qu’il comptait proposer au premier semestre  une vaste réforme de la fiscalité locale. Cette réforme ne peut pas venir du ciel, c’est-à-dire de Bercy, sans un travail sur le terrain préalable. Je vais demander solennelle­ment que ce soit le cas.

L’exécutif connaît une rentrée très difficile. C’était prévisible ? « L’affaire Benalla » est relancée, les deux ministres les plus populaires du gouverneme­nt sont partis, il y a eu la valsehésit­ation autour du prélèvemen­t à la source, la croissance n’est pas au rendezvous, l’équation budgétaire s’annonce très difficile car l’État ne s’est pas attaqué à la diminution de la dépense publique. Par ailleurs, alors qu’une réforme des retraites se profile, le premier signal envoyé par le Premier ministre consiste à geler les pensions !

On vous sent plus critique qu’avant à l’égard d’Emmanuel Macron. C’est lié à cette rentrée ratée ? Pas du tout. J’ai simplement voulu lancer un cri d’alarme,

notamment autour des collectivi­tés territoria­les. Derrière elles se joue aussi la cohésion républicai­ne. Penser qu’on peut décider uniquement de Paris, sous l’influence d’hommes et de femmes qui ne sont pas aux prises avec la réalité est une erreur. Attention aux territoire­s, aux élus et aux citoyens ! Les seuls élus en qui ils ont encore confiance sont les maires.

La manière dont Emmanuel Macron exerce le pouvoir estelle en cause ? Je le crois sincère, mais il ne peut pas être seul. Il faut qu’il soit à l’écoute, qu’il arrive à sentir le pays. Je lui ai déjà dit et je recommence­rai bientôt.

L’affaire Benalla n’en finit pas de rebondir. Comment réagissezv­ous à sa charge violente hier à l’encontre des sénateurs ? Je ne laisserai pas insulter le Sénat par ce monsieur !

La réforme constituti­onnelle, dont l’examen a été repoussé cet été, vous inquiète-t-elle encore ? Je ne dis pas qu’il ne faut pas

moderniser le fonctionne­ment du Parlement, au contraire. On a en la matière un petit coup d’avance sur l’Assemblée. Ici, par exemple, pour mieux légiférer et plus vite, on peut légiférer en commission, on a une pratique plus exigeante en matière de droit d’amendement pour éviter les abus. Sur la question du nombre de parlementa­ires, il faut aboutir à un chiffre raisonné qui correspond­e à une représenta­tion équilibrée du territoire, sans oublier les départemen­ts moins denses.

La Constituti­on va avoir  ans le  octobre. Elle a encore de beaux restes ? C’est un sujet important pour un Gaulliste comme moi. Elle a montré qu’on était capable de traverser toutes les situations politiques : fin de la guerre d’Algérie, attentat contre le chef de l’État, alternance, cohabitati­on, crises graves… On a beaucoup modifié la Constituti­on, mais sans toucher à ses fondements. D’ailleurs, depuis , toutes les révisions ont renforcé le Parlement. A Exécutif fort, Parlement fort. Je demande que nous soyons en capacité de nous rassembler l’an prochain, ce qui n’empêche pas le débat d’idées. Laurent Wauquiez a été élu. Il est le président légitime des Républicai­ns. Je suis resté à LR avec mes conviction­s de gaulliste social et mon engagement. Je veux maintenant contribuer à bâtir un projet européen clair qui s’inscrive dans les valeurs du Parti populaire européen. C’est le parti de la liberté, de la démocratie, de la solidarité et des Droits de l’homme. Notre projet, ce n’est pas de faire croire que ceux qui sont pour l’Europe devraient être En Marche. Je suis plutôt confiant. J’ai d’ailleurs apprécié sur le sujet les positions du maire d’Antibes.

Jean Leonetti ferait-il donc une bonne tête de liste LR pour les Européenne­s ? On verra le choix qui sera fait, il a les qualités pour.

Au niveau national comme européen, la gestion de la crise migratoire est un casse-tête. Quelles réponses faut-il apporter ? Il y a une nécessité collective en Europe, où la France joue un rôle majeur, de résoudre cette équation-là. Sinon, on se réveillera un jour comme l’Italie. On voit aujourd’hui que l’Europe n’y arrive pas. Les débats qui l’animent sur le sujet, notamment avec la Hongrie, le démontrent. Mais il n’est pas question de transiger sur nos valeurs. Nous devons avoir des frontières sûres. Et le droit d’asile, fondamenta­l, doit être réformé dans le respect de la convention de Genève.

Je ne viens pas pour délivrer une parole mais pour écouter” Je ne laisserai pas insulter le Sénat par ce monsieur ! ”

 ?? (Photo AFP) ?? Gérard Larcher, président du Sénat. La droite a effectué une rentrée en ordre dispersé. A quand la reconstruc­tion ?
(Photo AFP) Gérard Larcher, président du Sénat. La droite a effectué une rentrée en ordre dispersé. A quand la reconstruc­tion ?

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