Monaco-Matin

Le grand malentendu

- de CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Ce n’est pas un pronostic. Tout au plus un pointage sur la ligne de départ. Au moment où toutes les formations politiques se mettent laborieuse­ment en ordre de bataille en vue de ce qui sera, dans neuf mois, le grand rendez-vous politique de  : les élections européenne­s. Un test en grandeur réelle pour un pouvoir macronien qui a perdu de sa superbe. Un crash test pour l’Europe, menacée d’une vague souveraini­ste et euroscepti­que sans précédent. De fait, le sondage Le Figaro-Odoxa dont il est question ici () confirme que c’est bien autour de ce clivage, de ce duel entre pro-européens et europhobes, que la bataille électorale devrait s’organiser. A ce jour, la coalition LREM-MoDem et le Rassemblem­ent national arrivent, en effet, en tête des intentions de vote (avec respective­ment , et %), loin devant Les Républicai­ns ( %) et la France Insoumise (, %). Pour Emmanuel Macron, comme on dit dans les pièces de Pagnol, il y a là du bon et du moins bon. Le bon, c’est que cette polarisati­on valide sa stratégie consistant à se poser, face aux extrêmes, en champion de la cause européenne ; l’incarnatio­n d’une nouvelle euro-espérance, l’anti-Salvini, l’anti-Orban, le barrage contre les populismes. Jusqu’ici, les avancées n’ont pas été à la hauteur de ses efforts (qu’il s’agisse du budget de la zone euro ou de la gestion des flux migratoire­s) ; il n’entend pas pour autant renoncer à ce qui est l’une des grandes ambitions de son quinquenna­t : désembourb­er l’Europe. Le moins bon, c’est que La République en marche paie cash l’été meurtrier de l’Elysée. En deux mois, ses intentions de vote ont chuté de  points ! Elle se retrouve au coude à coude avec le RN (ex-FN) – lui-même en forte hausse (en dépit de la disgrâce persistant­e de Marine Le Pen). Et même distancée par la droite souveraini­ste, si l’on tient compte des scores de Dupont-Aignan et Philippot ( % et , %). Autrement dit, quand le pouvoir boit la tasse, c’est l’Europe qui trinque. L’explicatio­n, on la trouve peut-être dans le même sondage, et elle est très inquiétant­e pour Emmanuel Macron. C’est que les électeurs et lui ne sont pas sur la même longueur d’onde. Ce qui comptera le plus dans leur vote aux européenne­s ? . Le pouvoir d’achat, disent-ils ; . l’immigratio­n ; . La sécurité. Autant dire que l’opposition jouera à domicile. L’avenir de la constructi­on européenne ? Le thème vient en tout dernier. Cité par un citoyen sur dix… Terrible malentendu. Ce sujet sur lequel Macron a tant investi, et sur lequel il compte pour mobiliser son camp, est pour l’heure quasiment absent des radars. Hors champ. C’est souvent ainsi en démocratie : les électeurs se font leur propre agenda. Il reste huit mois au chef de l’Etat pour le remettre au centre de la table et en faire ce qu’en toute logique il devrait être : le véritable enjeu d’un scrutin où se joue l’avenir de l’Europe. Et celui d’un Président qui lui a lié son sort.

« C’est souvent ainsi en démocratie : les électeurs se font leur propre agenda.»

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