Le grand malentendu
Ce n’est pas un pronostic. Tout au plus un pointage sur la ligne de départ. Au moment où toutes les formations politiques se mettent laborieusement en ordre de bataille en vue de ce qui sera, dans neuf mois, le grand rendez-vous politique de : les élections européennes. Un test en grandeur réelle pour un pouvoir macronien qui a perdu de sa superbe. Un crash test pour l’Europe, menacée d’une vague souverainiste et eurosceptique sans précédent. De fait, le sondage Le Figaro-Odoxa dont il est question ici () confirme que c’est bien autour de ce clivage, de ce duel entre pro-européens et europhobes, que la bataille électorale devrait s’organiser. A ce jour, la coalition LREM-MoDem et le Rassemblement national arrivent, en effet, en tête des intentions de vote (avec respectivement , et %), loin devant Les Républicains ( %) et la France Insoumise (, %). Pour Emmanuel Macron, comme on dit dans les pièces de Pagnol, il y a là du bon et du moins bon. Le bon, c’est que cette polarisation valide sa stratégie consistant à se poser, face aux extrêmes, en champion de la cause européenne ; l’incarnation d’une nouvelle euro-espérance, l’anti-Salvini, l’anti-Orban, le barrage contre les populismes. Jusqu’ici, les avancées n’ont pas été à la hauteur de ses efforts (qu’il s’agisse du budget de la zone euro ou de la gestion des flux migratoires) ; il n’entend pas pour autant renoncer à ce qui est l’une des grandes ambitions de son quinquennat : désembourber l’Europe. Le moins bon, c’est que La République en marche paie cash l’été meurtrier de l’Elysée. En deux mois, ses intentions de vote ont chuté de points ! Elle se retrouve au coude à coude avec le RN (ex-FN) – lui-même en forte hausse (en dépit de la disgrâce persistante de Marine Le Pen). Et même distancée par la droite souverainiste, si l’on tient compte des scores de Dupont-Aignan et Philippot ( % et , %). Autrement dit, quand le pouvoir boit la tasse, c’est l’Europe qui trinque. L’explication, on la trouve peut-être dans le même sondage, et elle est très inquiétante pour Emmanuel Macron. C’est que les électeurs et lui ne sont pas sur la même longueur d’onde. Ce qui comptera le plus dans leur vote aux européennes ? . Le pouvoir d’achat, disent-ils ; . l’immigration ; . La sécurité. Autant dire que l’opposition jouera à domicile. L’avenir de la construction européenne ? Le thème vient en tout dernier. Cité par un citoyen sur dix… Terrible malentendu. Ce sujet sur lequel Macron a tant investi, et sur lequel il compte pour mobiliser son camp, est pour l’heure quasiment absent des radars. Hors champ. C’est souvent ainsi en démocratie : les électeurs se font leur propre agenda. Il reste huit mois au chef de l’Etat pour le remettre au centre de la table et en faire ce qu’en toute logique il devrait être : le véritable enjeu d’un scrutin où se joue l’avenir de l’Europe. Et celui d’un Président qui lui a lié son sort.
« C’est souvent ainsi en démocratie : les électeurs se font leur propre agenda.»