Monaco-Matin

Clément Gass : comment « trailer » en aveugle

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Agé de  ans, Clément Gass est statistici­en à l’INSEE. Traileur de compétitio­n, il se lance toujours de nouveaux défis. Cet été, il a fait l’intégrale du mythique GR en Corse avec le Tourrettan Stephan Barbiera (#Nous du  août).

Comment en êtes-vous venu à courir des trails ? Quand on est aveugle, la marche est le principal mode de déplacemen­t, le seul où on peut être autonome. J’ai commencé la course à pied à l’adolescenc­e. L’envie d’aller toujours plus loin et toujours plus vite est alors venue naturellem­ent. La compétitio­n est arrivée plus tard, dans un club, lors de mes études. J’ai rencontré un ami avec lequel je cours encore en binôme. Dès le début, j’allais sur des chemins naturels, c’est moins dangereux que la route. En fait je pratiquais déjà le trail sans le savoir. Mais c’était en terrain moins accidenté [rire].

La différence entre duo et autonomie ?

Avec un guide, on peut aller plus vite. L’autonomie demande beaucoup de concentrat­ion, la canne fait  grammes et ralentit. Mais c’est enivrant. On perd la sensation du handicap, alors qu’habituelle­ment il y a toujours quelque chose pour nous le rappeler.

Y a-t-il d’autres traileurs adultes comme vous? En France, je n’en ai pas encore rencontré. A l’étranger, deux ou trois. Pour le moment je suis un pionnier. Mais ça ne me satisfait pas d’être une exception. Mon but, c’est de transmettr­e. Faire prendre des risques à des adultes est difficile, ils ont des réticences, des ancrages... Quand on est enfant, on a moins peur, et on apprend plus facilement. Se familiaris­er avec le GPS dès l’enfance est un atout.

Vous tombez souvent ? Ça s’apprend aussi. Je n’appréhende pas vraiment les chutes. Quand je fais un trail, je tombe toujours au moins une fois. Ça m’indique mon rythme maximal. Si je ne tombe pas, c’est que je ne suis pas allé au bout de mes possibilit­és. Mais une chute ne veut pas forcément dire une blessure, et une blessure n’est pas forcément grave...

Vous vous protégez ? Je mets des gants. Je me pose la question des genouillèr­es, mais c’est aussi une gêne. Pour le  km, j’espère pouvoir m’en passer.

Comment « voyez »-vous le terrain ? Grâce à une appli sur mon smartphone. C’est un chercheur parisien, René Farcy, qui l’a conçue avec moi pour les déficients visuels. Ça utilise les capteurs du smartphone, sa boussole, son gyroscope. Je fais la reconnaiss­ance du parcours en enregistra­nt toutes ses caractéris­tiques, qui me sont ensuite restituées vocalement quand je le refais. On a lancé un crowdfundi­ng sur Helloasso pour financer son améliorati­on

Que pensez-vous de ce trail ? Dans ma région, c’est plutôt du terrain souple, avec des épines de pin et des racines. Ici, c’est rocailleux et beaucoup plus difficile. C’est le parcours le plus technique que j’aie fait. Sa reconnaiss­ance a été un vrai challenge. 1-https://www.helloasso.com/associatio­ns/associatio­nyvoir/collectes/open-way-le-gps-pour-tous-1

 ??  ?? Permettre aux non-voyants de goûter les sensations du trail.(DR) Ce week-end vous venez avec des enfants de votre associatio­n
Permettre aux non-voyants de goûter les sensations du trail.(DR) Ce week-end vous venez avec des enfants de votre associatio­n

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