Emmaüs et costumes
L’histoire
Monique (Yolande Moreau) dirige une communauté Emmaüs près de Pau. Après plusieurs années d’absence, elle voit débarquer son frère, Jacques (Jean Dujardin), un bon à rien qui n’a qu’une obsession : trouver l’idée qui le rendra riche. Plus que des retrouvailles familiales, ce sont deux visions du monde qui s’affrontent...
Notre avis
Tenants d’un cinéma punk hérité des Guignols et de Groland, Gustave Kervern et Benoît Delépine accouchent avec I Feel Good de ce qui ressemble le plus, dans leur filmographie, à une comédie grand public. Pour cela, ils ont embauché Jean Dujardin, qui réussit à rendre presque sympathique son personnage de crétin gavé de théories ultra-libérales et persuadé qu’il suffit de le vouloir pour faire fortune. De tous les plans, Dujardin tire un peu (trop?) la couverture à lui, mais fait une prestation convaincante et plutôt gonflée pour son image : vieilli, en surpoids et attifé par Emmaüs. Face à lui, Yolande Moreau, habituée du cinéma du tandem Kerven- Delépine (c’est leur troisième film ensemble), déploie des trésors de générosité, de gentillesse en responsable de village bipolaire, aux antipodes des idées libérales de son frère. L’étonnante communauté Emmaüs de l’Escart Pau fournit un cadre idéal (et très cinégénique) à cette charge politique sans pitié contre l’individualisme, le libéralisme, la surconsommation et la croissance à tout prix. Et pour que les choses soient parfaitement claires, Kervern et Delépine font embarquer leur petit monde pour un voyage organisé croquignolesque derrière l’ex-rideau de fer (Roumanie et Bulgarie), où subsistent les vestiges ridicules d’un communisme défait. Politiquement, I Feel Good est une ode baba-punk à la décroissance et à la solidarité, qui érige la communauté en valeur d’avenir. Utopique, certes mais plutôt sympathique . Porté par les prestations épatantes du duo Dujardin-Moreau, le film est drôle, grinçant, par moment très émouvant et nettement plus maîtrisé que ses prédécesseurs, sur le fond comme dans la forme. Les fans hardcore du tandem K & D le regretteront peut-être. Mais c’est pour la bonne cause : le film devrait permettre au public des multiplexes d’apprécier leur travail. Et lui donner à réfléchir. Ce qui n’est pas si fréquent dans la comédie française...