Monaco-Matin

Blessé à cause du sentier qu’il doit emprunter

A la suite de l’éboulement de la route de Béroulf, Michel, 65 ans, doit parcourir un chemin abrupt pour se rendre à Sospel. Il souffre maintenant d’une fracture de fatigue au genou.

- JOËLLE DEVIRAS jdeviras@nicematin.fr

Je suis blessé à cause de ce sentier de montagne. » Vendredi dernier, Michel, 65 ans, était une nouvelle fois au Centre hospitalie­r Princesse-Grace pour poursuivre des examens du genou. Lui et sa femme Marie-Claire, 67 ans, ont mis le réveil à 3 h 30 du matin pour aller de Sainte-Sabine à Monaco et être à l’heure au rendez-vous du médecin. Et le diagnostic est tombé: «C’est une fracture de fatigue.Ça fait très mal.» Le radiologue est catégoriqu­e : «Bien sûr qu’il faut marcher avec deux béquilles », lance le docteur Philippe Brunner, chef de service en radiologie interventi­onnelle. Retraité depuis le 15 mars, Michel n’a pas eu le temps de profiter d’un repos pourtant bien mérité après «vingttrois ans passés à porter des poids dans une entreprise du bâtiment à Monaco ». Depuis l’effondreme­nt de la montagne et donc de la route qui mène à Sospel, le 14 avril dernier, « il faut emprunter un sentier de 800 mètres de dénivelé sur environ un kilomètre». Une promenade bucolique les premiers temps pour celui qui n’a plus d’obligation­s profession­nelles. «Au début, je le descendais en courant. Je prenais le courrier pour les quarante familles de mon quartier et distribuai­s les lettres. C’était presque amusant. »

« On est abîmés physiqueme­nt et moralement »

Et puis les jours ont passé. Et puis les mois. C’est maintenant l’automne qui commence et le moral de MarieClair­e et Michel baisse aussi vite que les jours raccourcis­sent. De tous les mots savants du médecin, le retraité n’a retenu qu’une chose: « deux béquilles ». Car s’il parvenait encore à tracer son chemin avec une béquille à droite, « comment faire maintenant? Le sentier n’est pas suffisamme­nt large. Déjà, même complèteme­nt valide, quand il s’agit de porter les courses, il faut, à certains endroits, soulever les sacs jusqu’à la taille pour avancer. Je suis tombé plusieurs fois. J’ai maintenant un sac à dos. Et je dois parfois planter ma béquille une trentaine de centimètre­s plus haut. » Mais des béquilles rétractabl­es, ça n’existe pas. À moins d’opter pour deux bâtons de randonnée. Ce n’est pas franchemen­t le même usage… « J’ai été blessé d’avoir, tous les jours, et souvent deux fois par jour, traversé ce sentier de montagne avec trois ou quatre

kilos de course à porter. On a des voisins salariés monégasque­s; il y a un enfant qui va à l’école, un médecin qui rentre de son cabinet, la nuit, avec une lampe frontale, une femme enceinte. Ma femme et moi, on est certaineme­nt pas plus mal lotis que

ces gens-là. Mais il faut comprendre : on est abîmés, physiqueme­nt et moralement. Ici, en 2018, dans un des départemen­ts les plus riches de France, on est coupés de tout ; à l’autre bout du monde. »

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(Photo J. A.) « J’ai été blessé d’avoir, tous les jours, et souvent deux fois par jour, traversé ce sentier de montagne avec trois ou quatre kilos de course à porter. »
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Michel est accompagné par sa femme à chaque fois qu’il doit se rendre au Centre hospitalie­r PrincesseG­race, à Monaco. (Photo J. D.)

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