Frédérique Vidal : «Parcoursup a bien tourné»
Ce matin, la ministre de l’Enseignement supérieur ouvrira à Nice le colloque de la Fage, fédération étudiante pour présenter le bilan de sa plateforme post-bac et les réformes à venir
Plus de 3 000 étudiants de France réunis en congrès. Celui de la Fage, Fédération des associations générales étudiantes, qui s’ouvre, ce matin, à Nice, sur le campus SaintJean-d’Angély, avec pour invitée vedette la ministre de l’Enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation. L’occasion pour Frédérique Vidal d’opérer un retour aux sources. De revenir au sein de son ancienne Université de Nice Sophia Antipolis où cette biochimiste y a passé 27 ans, dont 5 à sa tête. Entre le bilan de Parcoursup, nouvelle plateforme d’orientation post-bac qu’elle a mise en place et les réformes à initier, cette ex-présidente devenue ministre a bousculé son agenda chargé. Pour venir à Nice présider « avec plaisir » le colloque national de la Fage et « consacrer un temps d’échange avec les associations étudiantes et leurs adhérents. » Interview.
Lors de ce congrès, allezvous faire des annonces ? Nous abordons tous les sujets avec les associations étudiantes et nous sommes notamment en train de réformer l’ensemble des études de santé. Une réflexion avec l’ensemble des acteurs sera engagée et un calendrier de travail sera fixé avant Noël. Pour rencontrer et travailler avec les universités, les professionnels de santé et les associations étudiantes.
La suppression en du numerus clausus à la fin de PACES (première année commune aux études de santé) représente une révolution... À la rentrée , nous entrerons dans une nouvelle offre de formations de santé. De fait, nous avons engagé une transformation profonde des études de santé en supprimant, dès l’an prochain, les épreuves classantes nationales (ex-internat) en réorganisant le cycle de médecine, en repensant l’accès aux études en soins infirmiers, en créant des filières d’enseignementchercheurs pour les kinésithérapeutes. Nous nous attellerons ensuite à la réforme du cycle. Un bilan des expérimentations en cours dans certaines universités sera dressé pour préciser ce que l’on peut proposer comme méthode. Il y a eu une grave crise des ECN (épreuves classantes nationales) avec un malêtre réel exprimé par les étudiants qui vivaient leurs études de médecine comme une succession de sélections et de concours permanents. Il était important d’y répondre tout en maintenant la qualité de ces études très techniques.
Est-ce à dire qu’en tous les bacheliers pourront-ils prétendre à faire médecine ? Une régulation doit être maintenue qui est une garantie de plus de qualité et répond aux besoins et attentes des territoires. La différence fondamentale c’est qu’on ne fixera plus un chiffre à respecter à l’unité près.
À l’issue de la procédure Parcoursup, bacheliers en France n’ont pas reçu d’affectation. Un bon bilan ? Près de bacheliers ont obtenu une place de leur choix. Pour la première fois cette année, on s’est intéressé aux candidats sans proposition pour les accompagner au travers des commissions d’accès à l’enseignement supérieur, leur apporter une solution la plus personnalisée possible. À l’issue de cette phase complémentaire, quelque futurs étudiants n’avaient pas encore trouvé leur place. Ils étaient plus de l’an dernier. Or, cette année, ils ne sont pas pour autant « abandonnés » ! On continue de travailler avec eux pour affiner leurs voeux d’orientation et leur faire des propositions. Ces jeunes ont des dossiers compliqués, avec des demandes dans des filières sélectives où leurs dossiers ont été initialement refusés. C’est donc un travail de dentelle qui est engagé et qui demande du temps.
En parlant de temps, le délai de réponses de Parcoursup est jugé « anxiogène » par les lycéens, car trop long. Comment y remédier ? (DR)
Ce ressenti, je l’ai entendu. Dans la pratique, ce temps supplémentaire était nécessaire pour faire cet accompagnement personnalisé. L’an dernier, beaucoup de bacheliers n’avaient rien eu. Fin juillet, cette année % d’entre eux avaient obtenu l’affectation dans la formation dans laquelle ils seraient à la rentrée. Pour répondre à ce ressenti, j’ai demandé aux équipes de Parcoursup, un nouveau calendrier s’arrêtant fin juillet. Pour Parcoursup, c’était la première année d’application. Il fallait vérifier que le système tournait et il a bien fonctionné. Et je pense qu’il faut se rendre compte d’où l’on est parti : c’est la première fois que les jeunes ont le choix. La première fois qu’ils ont eu des professeurs principaux pour réfléchir, en classe, à leur orientation. La première fois qu’ils ont été accompagnés dans des parcours personnalisés. La philosophie de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE), que j’ai portée, a été respectée, et nous avons tiré un trait sur le tirage au sort. Beaucoup de jeunes sont là où ils souhaitaient l’être et ils en sont heureux. L’enseignement supérieur doit être regardé dans la diversité de son offre. Avec des filières longues à bac + , d’autres plus courtes comme les IUT et BTS. C’est le chantier que je porte : accueillir les bacheliers professionnels qui le souhaitent dans l’enseignement supérieur. Pour cela des classes passerelles ont été ouvertes – il y en a trois dans l’académie de Nice – pour accompagner ces jeunes pendant un semestre ou une année afin qu’ils aient toutes les chances d’intégrer des BTS, qui sont des filières sélectives. Des quotas ont été instaurés pour favoriser l’accès des bacheliers professionnels et technologiques aux BTS et IUT. Cela a porté ses fruits, car ils sont beaucoup plus nombreux que l’an dernier à avoir obtenu l’affection de leur choix.
Parcoursup a instauré des prérequis à l’entrée de l’Université avec des cours de soutien, des années zéro pour les bacheliers ayant reçu la réponse « oui si ». Pour certains syndicats étudiants, c’est une forme de sélection... La sélection c’est ce qui se passe dans les classes préparatoires, les IUT, BTS. Avec des réponses « non, vous n’avez pas le niveau pour l’intégrer ». À l’Université, c’est le contraire. Nous avons fait des propositions pour aider les bacheliers à réussir leur
année de licence. Aujourd’hui, en L, % des jeunes échouent ou abandonnent leurs études. Autant regarder la réalité en face et proposer un accompagnement à la réussite. C’est exactement l’objectif de la loi ORE. Les parcours « oui, si » c’est donner sa chance à ceux qui aspirent à entrer dans une filière sans avoir forcément toutes les chances d’y réussir, c’est donc plus de liberté avec plus de choix.
Le coût du logement reste le problème majeur rencontré par les étudiants azuréens. Avez-vous des solutions ? Nous avons beaucoup travaillé sur la question du logement. Dès cette année, la garantie « Visale » a été étendue à tous les étudiants avec une caution apportée par l’État. Nous allons créer un observatoire national du logement étudiant pour recenser, dès l’an prochain, toutes les offres de logement étudiant. Comme nous allons soutenir la colocation dans les parcs de logements sociaux, favoriser la cohabitation intergérationnelle [hébergement chez une personne âgée, ndlr] en la rendant plus simple, plus transparente.
Outre la fin du régime social étudiant, avez-vous d’autres pistes pour améliorer la qualité de vie des jeunes ? Cette rentrée étudiante est la moins chère depuis de nombreuses années. En supprimant ce régime spécial qui existait pour les étudiants, le coût de la rentrée a diminué de plus de M€ tout en garantissant le même accès aux soins. Ce sont donc M€ qui ont profité directement aux étudiants et à leurs familles. En outre, cette économie comprend la cotisation «vie étudiante » que nous avons créée pour améliorer les soins de santé préventive mais aussi développer une offre culturelle et sportive plus développée dans les campus. Par ailleurs, les étudiants en médecine seront formés aux gestes de prévention dans le cadre du Service sanitaire, l’objectif étant d’améliorer le bien-être des étudiants et d’accompagner les futurs médecins pour qu’ils deviennent des professionnels autonomes.