Son amour, ses emmerdes
Juin 2010. Charles Aznavour, invité d’honneur du Festival du livre de Nice, vient présenter une autobiographie, À voix basse, dans laquelle il veut expliquer aux jeunes ce qui les attend dans le métier. Ce qui les attend ? « Souvent, de
grandes désillusions», confie l’artiste chez qui Johnny Hallyday, tout jeune, avait trouvé gîte et réconfort, quand personne ne le soutenait encore. Aznavour luimême n’avait pas été épargné. A ses débuts, une partie de la critique s’était acharnée, parlant d’un « physique ingrat » et même
d’une «voix horrible» .Une blessure ? « J’ai eu droit à tout. On a même parlé de chansons inchantables»,
nous répondait-il, plutôt détaché. Avec la réussite étaient arrivés… les parasites. « J’en ai connu, des morfales et des lèche-savates ! », se souvenait
le grand Charles, s’amusant de les avoir vus s’égailler dans les années soixante-dix. «Le fisc m’a réclamé de l’argent avec raison. » Son bateau battait pavillon étranger, déclaré au nom d’un beau-frère suédois. «Cette histoire m’a bouffé ma vie et mon argent. En me faisant passer pour un bandit auprès de mon public. » Bilan : une dette énorme à combler sur le champ. « J’ai dû vendre mes tableaux. Un Soutine, un Vlaminck, quatre Rouault, deux Fragonard. Et pour un prix dérisoire. » Quant aux amours, Charles Aznavour a eu son lot de belles histoires. Marié trois fois, père de six enfants dont un garçon disparu prématurément,
en 1956. Depuis 1967, soit plus d’un demi-siècle, il partageait la vie d’Ulla, d’origine suédoise. Qui l’aidait, si besoin était, à prendre du recul sur
le poids de la notoriété. «Je n’ai pas été une révélation, comme on dit. On ne m’a jamais arraché mes vêtements. Et comme j’ai une épouse qui a horreur de la célébrité, je n’ai pas sacrifié ma vie privée. Ulla respecte ce que je fais pour mon métier. De mon côté, je respecte son désir de discrétion. L’équilibre, c’est essentiel et c’est possible. » De fait, Charles Aznavour menait une vie tranquille entre la Suisse et Mouriès, non loin d’Arles. Secondé par un gendre, avec la visite fréquente de ses amis installés pour l’été en Provence. Dont Michel Drucker, qui passait régulièrement en voisin. À vélo.