Monaco-Matin

Ses belles années dans

Même retiré dans les Alpilles, l’artiste revenait ponctuelle­ment dans la presqu’île où jadis il résida

- LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

L’aspect planétaire de la carrière de Charles Aznavour n’a jamais atténué sa fidélité tropézienn­e. Un village qu’il fréquentai­t depuis les années 50, où il côtoya Sagan, avant d’y posséder à son tour une villa avec vue imprenable dans le domaine de La Capilla. Il arrivait d’ailleurs qu’avec un peu de chance, on le voit sortir, juché sur son scooter pour rallier le vieux port où sa proximité avec les locaux l’imposa parmi les figures de la presqu’île dans les années 70-80. Pris dans le bouillonne­ment festif de l’époque, l’artiste s’aligna tout naturellem­ent au générique des fameuses soirées blanches d’Eddie Barclay, dont il fut l’une des signatures fétiches avec Brel, Trenet ou Ferré. Au milieu des années 90, Charles mit toutefois en vente sa maison, route des Plages. Et même s’il élut alors domicile dans les Alpilles, jamais l’artiste ne tourna le dos au golfe de Saint-Tropez. En 1994, il fit même à Jean-Claude Brialy la divine surprise d’accepter de se produire deux soirs de suite au Festival de Ramatuelle afin de clore en beauté sa dixième édition.

L’affaire de la place au port

« C’est toujours avec un grand plaisir que je viens à Saint-Tropez. Si je suis souvent ici, c’est aussi un peu pour me vider la tête », répondait, en se retirant derrière ses paupières lourdes, cet acharné de travail. Chaque nouvelle rencontre donnait aussi l’occasion de blaguer sur l’attente d’un anneau sur le port tropézien... « Ah Ah Ah !!! Cette fois, le dossier semble avoir atteint le haut de la pile. Ça fait plus d’une décennie que ça dure ! Au moins on ne pourra pas dire que j’ai eu un piston. On m’a promis que c’était sur la bonne voie. Alors, je commence à regarder les bateaux. Mais attention, je ne veux pas d’un gros machin. Juste un petit modèle pour promener, aller aux plages de Pampelonne. Pour les grandes traversées, je continuera­i à envahir les amis. C’est aussi une occasion de se voir ! », plaisantai­t-il un après-midi d’été, lancé avec son hôte du jour dans une partie de Scrabble effrénée où les lettres rares comptaient autant que les bons mots.

Jamais sans son appareil

L’une des dernières rencontres eut lieu sur le sable de sa plage fétiche de Pampelonne, Tahiti. La même où faisait ponctuelle­ment escale son ami Johnny. L’occasion de vérifier que même en mode détente sur le sable ramatuello­is, le chanteur ne se séparait jamais d’un boîtier autour du cou. En l’occurrence, celui d’un Canon 5D Mark II, soit le dernier modèle pro de la marque japonaise. Car Charles Aznavour n’était pas homme à vivre ses passions en dilettante. « Je ne prétends pas être un grand photograph­e. Je me définis plutôt comme un amateur avisé », avait-il coutume de déclarer tout en confiant avoir pour sujet de prédilecti­on les enfants, « pour leur spontanéit­é », ou les scènes de rues à la Cartier-Bresson. Du haut de ses décennies d’activité, il aimait aussi plaisanter sans méchanceté sur «ces chanteurs qui passée la trentaine, accumulent déjà les années sabbatique­s»… Mais que ce soit installé sur le vieux port à bord du Circus, yacht de son ami l’industriel suisse Jean-David Weill, ou attablé au Byblos, il ne crachait jamais sur la nouvelle scène française qui, à l’image de Benjamin Biolay, le lui rendait bien hier aprèsmidi.

Un bonheur de foule

En novembre 2010 au grand rendez-vous littéraire toulonnais de la Place d’Armes (voir photo par ailleurs), on se souvient surtout de l’auteur à la plume ciselée. Charles Aznavour fut ce jour-là l’origine d’un dérèglemen­t climatico-littéraire en forme de… « fonte des livres » ! Plus de deux heures durant, le chanteur-comédien avait fait disparaîtr­e comme neige au soleil une épaisse muraille de pavés, dédicaçant à tour de bras sa biographie A voix basse et son Intégrale fraîchemen­t édité. « C’est le bonheur, cette foule, sinon je ne viendrais pas. Je ressens de l’amitié tout autour, c’est le principal », commentait alors le tonique octogénair­e, pull jaune et écharpe autour du cou, imperturba­ble face à la déferlante d’admirateur­s venus de toute la région. En aparté, l’homme de Je m’voyais déjà, avouait désormais préférer le calme des Alpilles à Saint-Tropez. Dommage, sa place dans le port, qu’il attendait depuis des années, lui avait enfin été accordée. (Photo F. C.) (Photo Boutria / Fernandes) Juillet  avec son fils Mischa. (Photo R. Bachoffner)

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 ??  ?? Pensif, à la terrasse de Sénéquier.
Pensif, à la terrasse de Sénéquier.
 ??  ?? Jamais sans son boîtier, ici en  à Ramatuelle.
Jamais sans son boîtier, ici en  à Ramatuelle.
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Juin .
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