VITESSE « Apprendre et rester calme »
Vainqueur de sa première course en Moto2 cette saison, Fabio Quartararo garde la tête sur les épaules, à 19 ans, pour évoquer l’immense défi MotoGP qui l’attend en 2019 avec Yamaha
Dans moins de six mois, il deviendra le second porte-drapeau tricolore sur la piste aux étoiles estampillée MotoGP. A ans seulement, Fabio Quartararo le Niçois va en effet rejoindre Johann Zarco le Cannois tout là-haut, au sommet de la pyramide. Comme quoi le monde de la vitesse est petit... et la Côte d’Azur une terre fertile. En début de saison, sa deuxième en Moto entamée avec une autre équipe et un autre châssis « made in Italy » (Speed Up), l’enfant terrible de la baie des Anges ambitionnait juste de voir enfin le bout du tunnel après avoir mangé pas mal de pain noir. Qui aurait alors parié sur une telle accélération de son destin en l’espace de quelques semaines ? Personne. Même pas lui, probablement. Depuis, pourtant, la roue de la fortune a bel et bien tourné. Première victoire mondiale à Barcelone, remontée fantastique à Assen Il n’en fallait pas plus pour que le nouveau team satellite de Yamaha (SIC Petronas) appelé à remplacer Tech décide de miser sur son talent. Comment espère-t-il négocier ce sacré virage ? Quelle cible visera-t-il en ? Avant de redécoller, destination Buriram et le Grand Prix de Thaïlande, Fabio répond sans ambages. En gardant la tête froide...
Cinq semaines après l’annonce officielle, avezvous vraiment pris conscience de cette opportunité rare qui s’offre à vous ? Pas tout à fait (Large sourire) Les discussions avaient débuté lors du GP des Pays Bas juillet, ndlr). Deux semaines plus tard, en Allemagne, c’était décidé ! Là, aujourd’hui, franchement, j’ai encore du mal à réaliser que je monterai en MotoGP l’an prochain avec Yamaha et Petronas. C’est une occasion fantastique. Donc à moi de donner le maximum cet hiver pour apprendre le plus vite possible.
La décision a été prise sans aucune hésitation ? Oui. Lorsque mon manager Eric Mahé m’a demandé de réfléchir à cette éventualité, je n’ai pas
cogité longtemps. En Moto, un grand changement se profile à l’horizon avec l’arrivée du moteur Triumph en . Il aurait fallu repartir d’une feuille blanche, ou presque. Alors quitte à faire un grand saut, autant plonger dans le grand bassin, la cour des grands, puisqu’on me donne cette chance.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que découvrir la catégorie reine à ans, c’est trop tôt ? Je leur dis juste : « Mettezvousàmaplace!»Iln’ya que quatre guidons Yamaha en MotoGP. Voilà, on m’en propose un maintenant. Qui sait si une telle opportunité se représentera plus tard ? Peut-être qu’elle est unique. Alors, même si ça arrive plus vite que prévu, je suis obligé de la saisir. C’est sûr que j’ai hâte d’arriver là-bas pour commencer à mesurer le potentiel de cette machine. Mais à vrai dire, aujourd’hui, je pense surtout à la fin de saison. A ce que je dois faire pour la réussir, pour retrouver le chemin du podium.
Quelle sera la priorité lors de cette prise en main ? Apprendre ! Nous avons quatre jours d’essais en , à Valencia puis à Jerez. On sait qu’il s’agit d’une moto beaucoup plus puissante : chevaux ! Il faudra se familiariser illico avec l’électronique, les freins en carbone, la vitesse... Nul doute que tout ça va m’impressionner au début. Mieux vaudra rester calme et concentré.
Le principal challenge : technique ou physique ? Les deux (Rires). D’un côté, j’ai beaucoup de questions à poser à mes futurs ingénieurs. Apparemment, la difficulté numéro , c’est de comprendre les pneus. Avoir la meilleure motricité possible, la meilleure adhérence. De l’autre, cet hiver, je vais bosser spécifiquement ma condition physique, renforcer certains muscles, les bras. De quoi favoriser mon adaptation au pilotage MotoGP. Connaissez-vous déjà certains membres du staff de la nouvelle équipe Yamaha satellite ? J’ai déjà parlé plusieurs fois avec Wilco Zeelenberg (le team-manager néerlandais). Il possède une expérience énorme, forgée notamment durant dix ans au sein du team officiel Yamaha. Si la structure SIC Petronas-Yamaha est neuve, elle compte beaucoup de personnes très aguerries. Des gens qui vont faciliter mon apprentissage.
Et votre coéquipier ? Avec Franco Morbidelli, le premier contact s’avère positif. Il m’a l’air très calme. Sa première saison en MotoGP marque une belle progression. Il est de plus en plus rapide cette année. A Valencia et Jerez, je serai un observateur attentif. Je vais regarder ses réglages, son approche, sa méthode. En espérant être vite aussi performant que lui. Et même plus lors des premières courses (Rires). Peut-être, oui, surtout si Yamaha résoud ses soucis électroniques. Avec une machine au top et un bon feeling en piste dès le top départ au Qatar, on peut viser ça. Mais avec des gars comme Joan Mir (Suzuki), Francesco Bagnaia (PramacDucati) et Miguel Oliveira (Tech -KTM) ,la concurrence s’annonce féroce.
La sensible baisse de régime actuelle de Yamaha vous inquiète ? Je pense que ce gros coup de mou les empêche de dormir la nuit. Voir Rossi et Viñales à la peine comme ça, c’est fou ! Alors, sûr qu’ils vont faire le nécessaire pour relever la tête en . Ces deux dernières saisons, Johann Zarco a fait pas mal d’étincelles avec une Yam’ satellite. Craignez-vous la comparaison ? Je sais que certains vont comparer. Franchement, à quoi bon ? Johann, quand il a pris l’ascenseur, il était plus âgé, plus expérimenté. Double champion du monde Moto ! Moi, je vais débarquer avec un bagage bien moins épais. Aujourd’hui, j’ai le rythme du top du Moto. Alors, répétons le, l’objectif, c’est d’apprendre. Et rester calme ! (Photos AFP) Peut-on dire à présent que le pari Speed Up est gagné ? Oui, je pense. L’hiver dernier, il y avait plusieurs pistes. On a choisi celle-là. Bon, face à l’armada des châssis Kalex, nous ne sommes que deux à développer ce cadre (avec son coéquipier britannique Danny Kent). Pas facile. Certains tracés nous conviennent bien, d’autres moins bien. Mais l’excellent dialogue établi avec mon chef mécanicien m’a permis de faire un vrai bond en avant.
La victoire à Barcelone, l’avez-vous ressentie comme une délivrance ? Quelque part, oui. Surtout que nous sommes parvenus à confirmer dès l’échéance suivante, à Assen, où j’ai réalisé une course encore plus belle
après un départ en position). Jusque-là, mon parcours en Moto ne comprenait aucun résultat marquant. En Catalogne, je me suis senti à l’aise dès les premiers essais. La pole position concrétisait cette progression. Et puis, lors du warm-up, un exercice qui ne me sourit pas trop en général, j’ai compris que c’était possible. Couper la ligne d’arrivée en tête, quel frisson ! Même si les derniers tours furent les plus longs de ma vie...
Couper la ligne d’arrivée en tête, quel frisson !”