Monaco-Matin

Que peuvent faire les PME en cas de cyberattaq­ue ?

Interview Dans le cadre des Assises de la sécurité à Monaco, Jérôme Saiz, conseiller en protection des entreprise­s évoque le sujet des PME, pas moins (cyber)attaquées que les grosses sociétés

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

La cybersécur­ité des petites et moyennes entreprise­s est souvent un sujet oublié. Délaissé par leurs dirigeants. Beaucoup pensent, à tort, qu’elles sont trop petites, inintéress­antes donc, pour être la cible d’une cyberattaq­ue. Pourtant, chaque année, des milliers de PME font l’objet d’offensives destructri­ces, les contraigna­nt parfois à baisser le rideau métallique. Souvent par des Rançongici­el qui subtilisen­t des données et ne les redonnent que moyennant de l’argent. À moins qu’elles soient revendues sur le dark web. Jérôme Saiz, conseil en protection des entreprise­s pour Opfor Intelligen­ce et présent aux Assises de la sécurité à Monaco, livre son analyse sur le sujet.

Une petite/moyenne entreprise est-elle plus vulnérable qu’une société du CAC ? Toutes les entreprise­s sont vulnérable­s. Là où on va voir la différence, c’est sur l’impact financier. Il peut être dévastateu­r pour elles et en contraindr­e certaines à mettre la clef sous la porte. Les grandes entreprise­s le sentent moins souvent dans la trésorerie. Des chiffres prouvent que les petites entreprise­s sont un peu plus victimes du fléau absolu : les e-mails frauduleux. Beaucoup d’attaques passent par là.

De quel type, par exemple ? L’essentiel va être des escroqueri­es : fraudes au président, fraudes aux fournisseu­rs avec un objectif clair : vider la trésorerie tout en

passant en dessous du radar de la banque. Tout cela à partir de mails piratés. Le mail est vecteur de cyberattaq­ues, il est vraiment le point focal des escroqueri­es et des pertes financière­s. Ensuite, il y a les Rançongici­el (prise en otage des données contre une somme d’argent, N.D.L.R.). Les petites entreprise­s sont excessivem­ent touchées, car elles ont généraleme­nt un réseau qui est complèteme­nt à plat.

Tous les employés travaillen­t sur le même réseau, alors que dans les grandes sociétés, il y a des barrières, des garde-fous entre ces réseaux.

N’y a-t-il pas un manque de culture de la cybersécur­ité dans les PME ? Il en manque, bien sûr. D’une part parce que les petites entreprise­s ont généraleme­nt la tête dans le guidon. Il faut travailler, produire, facturer. L’important, c’est de répondre aux clients pas de prendre le recul et de penser à sa cybersécur­ité. C’est secondaire. Ensuite, il y a un manque de compétence­s. La cybersécur­ité n’est pourtant pas très compliquée dans les premiers éléments à mettre en place : beaucoup de bon sens et un peu de culture informatiq­ue. On fait beaucoup de sensibilis­ation, on développe des jeux pour les salariés car cela les marque plus. On les met en situation de crise. Dans les grands groupes, il y a des posters sur les murs pour parler des dangers, sensibilis­er aux bons gestes.

Quels sont vos conseils aux entreprise­s ? D’abord, il faut convaincre le dirigeant ou le fondateur de la société que la cybersécur­ité est importante. On met en place un premier audit flash, peu coûteux, qui permet à un oeil expert de balayer les difficulté­s dans la société. C’est un audit des mauvaises habitudes. Quel est le niveau de l’informatiq­ue? Est-ce que tous les postes de travail sont à jour et protégés ? Est-ce qu’on peut avoir accès au réseau n’importe où ? Est-ce que leurs salariés laissent leur session ouverte le temps du midi ? En ne verrouilla­nt pas les écrans, on peut télécharge­r un logiciel malveillan­t conçu sur mesure, a priori pas détectable par les antivirus, l’installer, et prendre ensuite le contrôle du réseau. On regarde si les e-mails sont protégés, on voit les problémati­ques d’accès au bureau. Bien souvent, il n’y a pas de formation du personnel à la notion d’accueil et d’accompagne­ment. Une entreprise peut avoir la meilleure cybersécur­ité du monde et laisser entrer quelqu’un qui va brancher un ordinateur sur une prise réseau. Lors d’un audit dans un cabinet qui avait élevé son niveau de sécurité, une intrusion physique a permis, en vingt minutes, d’intercepte­r toutes les communicat­ions téléphoniq­ues du cabinet, y compris celle du fondateur. C’est de l’éducation. Il faut créer des badges différents pour les employés et les visiteurs, inscrire les visites à l’accueil, qu’une personne soit garante des allées et venues. Après, si on veut aller au plus rapide et au moins cher, on met tout à jour, on segmente le réseau. Le wifi qu’on offre aux invités ne doit pas être le même que les employés. On investit pour une protection des e-mails, à raison de  euros par salarié et par an.

N’est-ce pas trop contraigna­nt financière­ment pour ces entreprise­s qui croulent sous les charges ? Sur un audit d’une semaine qui va coûter moins de   euros, on va avoir de vraies et solides préconisat­ions qui vont élever le niveau de sécurité. Et éviter une cyberattaq­ue qui pourrait coûter bien plus cher…

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(Photo Jean-François Ottonello) Jérôme Saiz, conseil en protection des entreprise­s.

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