Monaco-Matin

Thierry Henry, les Bleus, New York et lui

Meilleur buteur de l’Histoire des Bleus, Thierry Henry a tout gagné avec la France malgré une conclusion difficile. Un clap de fin qui aurait mérité un autre scénario...

- MATHIEU FAURE (AVEC V. M.)

Le football est parfois injuste. Meilleur buteur de l’équipe de France avec 51 buts, Thierry Henry n’aura jamais eu la cote de popularité d’un Zinédine Zidane ou d’un Michel Platini. Pourtant, les faits sont implacable­s. Meilleur buteur des Bleus lors du Mondial 98, en jouant ailier, et sans une seule titularisa­tion à partir des quarts de finale. Meilleur réalisateu­r de la France lors de l’Euro 2000, toujours en jouant ailier. Encore meilleur buteur des Bleus lors du Mondial 2006 en jouant enfin en pointe. Le tout sans jamais tirer ces penaltys qu’il obtenait, comme contre le Portugal en demifinale du Mondial 2006.

Henry est le meilleur buteur de l’équipe de France mais c’est à Londres qu’il a sa statue. Ironique quand on sait qu’au début des années 2000, on parlait des « Frenchies » d’Arsenal. Entre le football français et Thierry Henry a toujours existé ce lien si atypique. Entre le rejet et l’incompréhe­nsion. Étonnant de critiquer celui qui a tout donné, tout gagné, tout joué et tout vécu avec le maillot tricolore. Formé à Monaco, son seul club en France, Henry n’a jamais pu bénéficier dans l’Hexagone, de facto, d’un soutien populaire massif. « En France, on n’avait pas le coeur assez grand pour aimer Zidane et Henry, détaille Pierre Ménès, consultant vedette de Canal Plus mais également proche du joueur. Il y en avait que pour Zidane mais il n’a pas souffert de ça. La reconnaiss­ance, il l’avait en Angleterre, ça lui allait très bien ». Pourtant, les Bleus lui doivent une fière chandelle. Henry et les grands rendezvous, c’est un sans-faute. Ménès encore : « L’Euro 2000 et la Coupe du monde 2006, ce sont ses sommets en équipe de France. A l’heure où on parle, c’est encore le meilleur attaquant français de tous les temps. On verra par la suite avec Mbappé, mais c’est toujours lui ». Henry, lui, ne s’en est jamais ému publiqueme­nt. Par fierté, sans doute. Certains ont toujours avancé son ego surdimensi­onné comme compagnon de vie. En réalité, Henry est avant tout un compétiteu­r. Un travailleu­r. « On ne te donne jamais rien, il faut aller le chercher. Et je suis toujours allé chercher ce que j’ai eu, par le travail » ,détaille-t-il à Emmanuel Petit dans un entretien diffusé sur L’Equipe TV en 2012. Au début de sa carrière, Henry se définissai­t lui-même comme « un type qui n’avait pas de pied gauche et qui ne savait pas tirer les coups francs ». Ou comment le jeune ailier supersoniq­ue de 1997 est devenu le numéro 9 le plus complet et le plus moderne du football français entre 2000 et 2010. Pourtant, Henry a dû cohabiter avec Zidane pendant la majorité de sa carrière en Bleu. « Avec Zidane, ça marchait moins bien mais il y avait une explicatio­n technico-tactique. Titi se déplaçait de l’axe vers la gauche, Zidane faisait l’inverse. Ils étaient trop près », détaille Ménès. Leader technique, leader offensif comme ce soir de victoire à Nantes, en octobre 2007, où d’un doublé il dépasse les 41 buts de Michel Platini chez les Bleus. Une légende. Mais comme Zidane, qui quittera le football sur un coup de tête, Henry finira sa carrière en Bleu sans la moindre main tendue. Tout commence un soir de novembre 2009 au Stade de France lors du barrage retour contre l’Eire. Dans la prolongati­on,

Gallas égalise - et qualifie les Bleus pour le Mondial 2010 à la suite d’une passe de Thierry Henry... de la main. « La main contre l’Irlande ? Il a très mal vécu le déferlemen­t de haine en France, son propre pays. La remise en cause du peuple lui était insupporta­ble. Quand Maradona a fait main avec l’équipe d’Argentine, personne ne l’a traité d’assassin et de voleur chez lui. Mais c’est très français... Le lendemain, on était resté six heures au téléphone. Il voulait arrêter l’équipe de France. Aurait-il dû ? J’aurais trouvé dégueulass­e d’arrêter sur ce fait de jeu », rembobine Pierre Ménès. C’est donc un Thierry Henry meurtri qui file en Afrique du Sud pour la Coupe du monde. Surtout, Henry est fragilisé sportiveme­nt puisqu’il perd son brassard au profit de Patrice Evra et sa place dans le onze de départ au bénéfice de Nicolas Anelka. Le leader charismati­que devient silencieux. Absent. En retrait. Alors quand la grève des joueurs débute

à Knysna, Henry ne bouge pas. Ne dit rien. S’efface. Persuadé que les mots d’une icône déchue et sur le déclin ne changeront rien. C’est en tout cas sa ligne de défense. « Il était désabusé, se souvient Ménès. Je lui ai demandé pourquoi il n’était pas intervenu. Il ne jouait pas et son message ne serait pas passé dans un groupe aussi pourri. Personne n’aurait accepté sa prise de parole, c’est ce qu’il pensait. » Thierry Henry jouera le dernier de ses 123 matches avec les Bleus le 22 juin 2010 face à l’Afrique du Sud, il remplace Djibril Cissé à la 55ème minute de jeu. Les Bleus, battus (1-2) sont éliminés sans gloire. En France, Roselyne Bachelot, alors ministre des Sports, dénonce à l’Assemblée nationale cette équipe de « caïds immatures ». Vraiment, Thierry Henry aurait mérité une autre sortie avec l’équipe de France. 51 buts, quand même...

C’est encore le meilleur attaquant français de tous les temps”

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