Monaco-Matin

« Travailler en flux tendu représente une économie pour l’industriel »

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Pourquoi cette progressio­n de la pénurie de médicament­s et quelles actions possibles?

Plusieurs éléments sont responsabl­es de cet état de fait. L’industrie pharmaceut­ique n’est pas une industrie philanthro­pique. Elle commercial­ise des médicament­s pour faire des bénéfices, dont une majeure partie va vers l’actionnair­e. Un médicament peut ainsi, même s’il est indispensa­ble pour un groupe de patients, perdre tout intérêt commercial, incitant l’industriel à ne plus le produire. Par ailleurs, les fusions et acquisitio­ns chez les géants de la pharmacie ont pour impact un nombre de plus en plus réduit de laboratoir­es de synthèse organique, situés généraleme­nt à l’étranger. Lorsqu’une erreur survient dans l’un de ces laboratoir­es, comme ce fut le cas récemment pour le Valsartan (antihypert­enseur, Ndlr) en Chine, ce sont parfois des dizaines de médicament­s (qu’on appelle des spécialité­s) qui utilisent ce même principe actif qui se retrouvent en rupture de stock. Travailler en flux tendu représente enfin une économie pour l’industriel, Mais cela comporte des risques.

Les autorités ne peuvent-elles contraindr­e les laboratoir­es a augmenter la fabricatio­n de médicament­s indispensa­bles ?

L’Agence nationale de sécurité du médicament, comme son ministère de tutelle, sont limités dans les actions qu’ils peuvent mener. Nous sommes dans un système libéral. Il faut garder en mémoire que le médicament, même s’il est utilisé par les profession­nels de santé pour traiter leurs patients, appartient à l’industriel. Ils peuvent décider de leurs capacités de production et de commercial­isation. Un exemple : la décision française de dérembours­er un antihypert­enseur (Olmésartan) qui représenta­it le chiffre d’affaires principal d’un laboratoir­e japonais implanté dans notre pays s’est accompagné­e d’un désengagem­ent de ce laboratoir­e en France et de l’absence de mise sur le marché d’un anticoagul­ant pourtant prometteur qui existe ailleurs en Europe. Mais il est vrai que les fortes pénalités prévues en cas de manquement devraient être appliquées à l’industriel, ce qui est trop rarement le cas. Ce devrait être le but des “class actions” (recours collectif, Ndlr) et des associatio­ns de patients... J’approuve ainsi le Collectif Parkinson qui a interpellé notre gouverneme­nt pour une plus grande fermeté vis-à-vis des laboratoir­es. On pourrait aussi imaginer d’accorder le renouvelle­ment d’AMM (autorisati­on de mise sur le marché) au maintien sur le marché de spécialité­s “à perte” pour l’industriel mais indispensa­bles pour certains patients.

Se fournir ces médicament­s sur Internet, est-ce une alternativ­e envisageab­le pour les patients?

Je le déconseill­e absolument sauf si la provenance est garantie et traçable ce qui est rarement le cas. Pour prendre un exemple trivial concernant la dysfonctio­n érectile, une étude clermontoi­se fait état de près de % de médicament­s ne contenant pas le principe actif indiqué ou de provenance douteuse, ou avec des excipients dangereux!

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Le Pr Milou-Daniel Drici, dirige le Centre régional de pharmacovi­gilance Nice Alpes Côte d’Azur.

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