Monaco-Matin

L’aéroport de Nice boude le Salon de l’aviation

Fondateur d’APG, leader mondial de fourniture de services aux compagnies aériennes, Jean-Louis Baroux réunit 72 compagnies aériennes au Fairmont et balaye, sans filtre, l’actu du transport aérien

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Des conférence­s passionnan­tes, des débats enflammés et forcément beaucoup de business. Voilà le triptyque offert, dès ce matin et jusqu’à demain au Fairmont, par le salon APG World Connect organisé par APG, le leader mondial de fourniture de services aux compagnies aériennes, et son boss au franc-parler, JeanLouis Baroux. Cette dixième édition, articulée autour du fil rouge « Se connecter avec les clients », réunit pas moins de 525 acteurs du transport aérien de 97 nationalit­és, en présence de 72 compagnies aériennes. Et l’interventi­on de conférenci­ers de renom à l’instar de Tim Clark, président d’Emirates Airline ou de l’astronaute français JeanFranço­is Clervoy. « Une édition relativeme­nt historique avec un record de participan­ts, reconnaît le principal intéressé. Seul regret : l’absence de l’aéroport de Nice qui envoie des gens en missions au bout de la terre pour convaincre les compagnies aériennes d’utiliser son aéroport. Et quand elles sont là, ils ne viennent pas. C’est pour le moins étrange. »

Comment expliquez-vous le succès du salon depuis une décennie ? À Monaco, on s’y sent bien. C’est l’endroit mondial identifié glamour et neutre. Tout le monde peut se l’approprier. C’est la seule conférence au monde où l’on a autant de gens qui viennent d’autant de pays (). Les participan­ts font vingt heures de vol pour venir ici, pas seulement pour écouter les conférence­s mais aussi pour faire du business.

« Se connecter avec les clients des compagnies» sera le fil rouge de cette édition. À quoi doit-on s’attendre ? Je suis toujours frappé d’une chose. Les compagnies aériennes passent leur temps à faire baisser les coûts. Comme elles ne savent pas le faire en interne, elles le font sur le dos du client. À un moment donné, celui-ci se dirige vers d’autres concepts. C’est ainsi qu’on a créé le low cost. Pourquoi le client continuera­it-il à payer le tarif normal alors qu’il peut avoir le même service – qui a été dégradé par les compagnies aériennes – pour un tarif inférieur ? C’est tout le système de relations avec les clients que les compagnies doivent repenser. Et l’on parlera de ça !

Justement, comment évolue le comporteme­nt des clients et comment l’adapter à la distributi­on aérienne ? C’est une vraie très bonne question. Jusqu’à présent, la distributi­on, c’étaient des touropérat­eurs et des agences de voyage. Lesquelles disposaien­t de systèmes de réservatio­ns qui couvraient l’intégralit­é de l’offre. Désormais, les compagnies aériennes pourront elles-mêmes donner cette intégralit­é au client. On peut se demander quel va être le devenir des agences de voyage qui ne voudront pas évoluer. Celles qui vont trouver des niches, c’est parfait. Les autres devront disparaîtr­e.

L’avenir est-il dans les compagnies aériennes à bas prix? Notamment le low cost long-courrier… Une chose est sûre, les compagnies low cost ont gagné le moyen-courrier. Alors que pendant des années, les compagnies aériennes traditionn­elles n’ont pas voulu entendre parler de low cost, elles ont été obligées de s’adapter. Que vous preniez Air France ou EasyJet, c’est le même système de tarificati­on qui est fait à partir d’aller simple alors qu’avant il n’y avait que de l’aller-retour. Qu’est-ce qui va se passer sur le long-courrier? Certains vont réussir et ont déjà commencé à réussir : French Bee, par exemple, qui est partie d’une feuille blanche et qui arrive à gagner grosso modo  % de ses coûts. Quand vous le reliez au prix de vente des billets, ça permet de les faire  % moins cher. Un certain nombre de compagnies aériennes vont devoir passer à la trappe car elles ne vont pas s’adapter. Depuis dix ans, à peu près  compagnies low cost court-courrier ont déposé le bilan. Il y aura aussi des dégâts dans le long-courrier.

L’an passé, le thème était « Compagnies low cost versus compagnies régulières : de la compétitio­n à la coopératio­n ? » Un an après, quelle est votre analyse ? La coopératio­n a commencé. Les premiers accords ont été signés entre EasyJet et Air Caraïbes, par exemple, pour faire de l’interconne­xion pour les passagers. Elles ont tout intérêt à le faire. Jusque-là, les compagnies low cost ne pouvaient pas car elles n’émettaient pas de billets. Ça ne fera que se développer. Les hubs européens seront largement alimentés par les compagnies low cost plutôt que par les compagnies traditionn­elles, car ça leur coûte trop cher.

Quels sont les sujets qui agitent actuelleme­nt le monde

du transport aérien ? Survivre. Il faut survivre. Les opérateurs du monde du transport aérien sont en concurrenc­e frontale les uns avec les autres. Ils ont tous considéré que leur survie passait par la baisse du prix de vente. Il y a un vrai sujet dans le futur: va-t-on pouvoir continuer à faire cette baisse là sans que les compagnies aériennes ne se cassent la figure ? Le sujet majeur, en dehors de la sécurité, c’est la survie économique. Il faut retrouver un équilibre entre l’offre que l’on fait au client et le prix qu’on lui fait payer. Pendant des années, on a déconnecté le prix du produit. On peut vous faire payer du simple au décuple. Pour revenir à la sécurité, celle-ci est bien entendu fondamenta­le.

Justement, que penser du crash survenu en Indonésie le  octobre ? Les acteurs du salon sont touchés par cela, se sentent tous concernés car cela peut arriver à tout le monde. Se promener à   mètres d’altitude à  km/h ce n’est, par essence, pas naturel. Tant qu’on ne saura pas ce qui est arrivé à cet avion, qui au passage était le plus moderne qu’il soit, on aura des inquiétude­s. Donc la sécurité, la sécurité, la sécurité… Sans distinctio­n? Les compagnies low cost ne sont pas moins sûres... Absolument pas ! Elles sont gérées par les aviations civiles avec les mêmes critères que les compagnies traditionn­elles. Elles ne rognent pas sur la sécurité. Parmi les conférenci­ers de renom, il y a notamment l’astronaute Jean-François Clervoy. Le voyage spatial est-il une solution viable pour les futurs clients ? Avec sa présence, nous voulions faire rêver le monde de l’aérien, lequel a tendance à se regarder le nombril. Le business du tourisme spatial va-t-il réussir ? Il y aura une grosse sélection par l’argent et il faudra attendre que tout soit prêt techniquem­ent. Virgin Galactic n’est pas encore tout à fait prêt. Ce sera très marginal.

Quel sera l’impact des nouvelles technologi­es sur l’expérience de voyage de l’avenir ? Je pense qu’elles ne vont pas changer grand-chose à l’expérience du voyage. Reste que le système aéroportua­ire va sans doute évoluer dans le sens de la simplifica­tion, c’est tout au moins ce qu’on peut espérer. On massacre les passagers, on les fait passer par des écrans, on leur empêche de prendre  ml de parfum. Il faudrait revenir aux fondamenta­ux. C’est d’ailleurs frappant qu’il y ait une telle contrainte avec les passagers aériens que l’on ne retrouve pas avec ceux du ferroviair­e. Les problèmes sécuritair­es sur les TGV sont probableme­nt aussi importants que pour les avions.

EasyJet va faire voler son premier avion électrique en  sur une courte liaison pour une éventuelle exploitati­on commercial­e entre  et . Une bonne chose pour l’avenir ? Les experts sont très partagés sur les avions électrique­s. Certains pensent que c’est l’avenir ; d’autres que ça ne marchera jamais. Pour décoller, l’avion a besoin d’une énorme puissance que l’électrique ne peut sans doute pas donner. Mais je ne suis pas un expert sur le sujet…

Les compagnies low cost ne sont pas moins sûres ”

Le tourisme spatial sera très marginal ”

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(Photo Jean-François Ottonello)

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