Epiceries russes à Nice : un business conquérant
Depuis quelques années, les alimentations spécialisées dans les produits de l’Est poussent comme des champignons. Elles régalent les consommateurs de l’ex-Union soviétique
L’impérialisme des épiceries russes à Nice. Depuis près de quinze ans, ces alimentations prolifèrent dans la capitale azuréenne. Particulièrement dans le périmètre Gambetta-France-Dante-Grosso. «J’en ai compté dix, rien que dans le quartier », confirme Sergueï, patron de l’enseigne Saint-Pétersbourg, sise rue Andrioli depuis quatre ans. Mais il y en a d’autres rue d’Angleterre, rue Arson, route de Turin, etc. Pourquoi autant de supérettes, petites ou spacieuses et au charme slave ? Et pour qui d’abord ? «Principalement, des clients originaires de l’ancienne Union soviétique : Russes, Ukrainiens, Arméniens, Tchétchènes, Biélorusses, Géorgiens… Une dizaine de nationalités. » La même « russophonie » d’ailleurs, qui concerne les responsables ou les employés de ces établissements colorés, éclairés, achalandés, presque tous rangés, ordonnancés selon un schéma identique. Regina Merengone est russe. Native de Smolensk, elle habite en France depuis dix ans. Mariée à un Niçois, elle travaille chez un notaire. Très friande des produits de son pays, cette jolie blonde connaît toutes les boutiques par coeur et maîtrise parfaitement le phénomène de cette multiplication. «Il s’agit de russophones immigrés à Nice. Plutôt dans la classe moyenne. Les magasins sont tenus par des familles. Ce sont des gens qui veulent s’intégrer dans la ville en créant des épiceries. » Une envie de se nissardiser malgré des saveurs si particulières. Un besoin également, car « la communauté est très importante entre les personnes qui vivent ici, ont des résidences secondaires, passent quelques jours de vacances ». (Photos Éric Ottino) À Gambetta, sous l’enseigne Gastronomie russe, Lena Hovhannissian, confirme et justifie cette montée en puissance: «Beaucoup de demande et de gens qui cherchent à travailler et donc, s’investissent. » Si 20 % de Français franchissent le seuil de ces magasins par goût d’un exotisme venu du froid, les autres consommateurs partagent un ressenti commun. «Ils veulent retrouver les produits auxquels ils sont habitués », note Sergueï. Regina va dans le même sens : « Certains restent attachés à des articles précis. D’autres sont nostalgiques. Moi j’y vais régulièrement pour le fromage en grains ou les cornichons. »
« Made in » Allemagne
Il existe des produits spécifiques. Estampillés d’Arménie, de Georgie… « Mais à quelques exceptions près, poursuit Regina, tout vient d’Allemagne. » En effet, importer directement de Russie, coûterait trop cher. Afin de garantir des prix publics raisonnables, le crochet par l’Allemagne semble plus intéressant. « Tous les produits frais sont fabriqués là-bas. C’est un copiécollé de l’ex-Union soviétique », précise la jeune femme. Un garde-manger qui sent bon les racines. Mais qui exprime également une finalité sociale : « Ce sont des lieux de contacts et de renseignements. Certains laissent une carte : “Je suis plombier”... “Je garde les enfants” .... Ça permet de nouer des liens et d’échanger. »