Monaco-Matin

Gilles Martinengo quitte le CFM Indosuez

Le directeur général de la plus grande société bancaire en Principaut­é prend sa retraite après onze ans à Monaco à fortifier cette entité qui a fait de la banque privée son point fort

- PROPOS RECUEILLIS PAR CEDRIC VERANY

Après onze années à la barre de la banque CFM Indosuez Wealth Management, Gilles Martinengo a quitté le navire, ce mercredi, pour prendre sa retraite. Mettant un terme à trente-sept années d’activité, le directeur général du plus gros établissem­ent bancaire de la Principaut­é – avec près de 400 collaborat­eurs – aspire à un quotidien plus tranquille. Son successeur, Mathieu Ferragut, actuel directeur d’une entité du groupe à Miami en Floride, prendra ses fonctions début décembre. Pour Gilles Martinengo, une page se tourne au sein d’une entreprise qui fut son premier employeur. Entré dans le groupe Indosuez en 1981, avec le goût et à l’attrait de l’internatio­nal, il démarre sa carrière à Paris avant de rejoindre la Suisse, en 1987, pour une décennie. Parti pour Singapour deux ans et de retour à Genève en 1999, il débarque ensuite en Principaut­é où il sera l’artisan du reposition­nement du CFM Indosuez, spécialisé­e dans la gestion de banque privée et l’investisse­ment de gros portefeuil­les, avec un souci qu’il rappelle : « la qualité de service, ça ne segmente pas ».

Vous avez effectué toute votre carrière dans le domaine de la banque privée. Était-ce une volonté liminaire ? Disons que ce qui m’intéressai­t dans la banque privée, c’est le côté relationne­l, la rencontre avec les autres. J’avais une sensibilit­é à plutôt être tourné vers les autres, je n’aurais pas pu être un analyste enfermé toute la journée dans un bureau. En banque privée, on entre dans la vie des gens. Une relation s’approfondi­t avec un client en apprenant des éléments sur sa vie, sa famille, son histoire et crée des obligation­s. C’est ce qui me plaisait et c’est pourquoi je n’en suis jamais sorti.

C’est un lien particulie­r, comme celui d’un médecin et son patient, car l’argent pour beaucoup touche au domaine de l’intime… Avec un côté plus compliqué, car vous gérez l’argent des gens. Il ne s’agit pas simplement d’avoir la qualité du relationne­l, mais avoir les bons conseils au regard des éléments extérieurs, le marché, la conjonctur­e. C’est à la fois compliqué et passionnan­t. Pour un banquier, il ne faut pas avoir d’angoisse. Cela s’acquiert avec Le directeur général vient de quitter ses fonctions, et la Principaut­é, pour prendre sa retraite. (Photo Jean-François Ottonello)

l’expérience. Je fais ce métier depuis  ans d’expérience, je ne dirais pas que j’ai tout vu, mais ces vingt dernières années nous avons traversé de nombreuses crises. La dernière, en , était assez dangereuse, même si le secteur de la banque privée n’a pas été trop impacté, il a été secoué par les questionne­ments de la clientèle sur la fiabilité qu’elle pouvait accorder à leurs banques.

Vous est-il arrivé de dire à vos clients de ne pas investir ? Ce que je dis toujours à mes collaborat­eurs, c’est : « dire à un client de ne rien faire, c’est déjà lui donner un conseil ». Les clients sont libres et la relation avec un client est axée sur la qualité du conseil, car la conjonctur­e est de plus en plus compliquée, le monde de plus en plus incertain.

La relation entre un banquier et son client a, aussi, fortement évolué avec les nouvelles technologi­es. Pour vous, le

contact humain doit primer ? J’en suis convaincu. Plus on va parler de digitalisa­tion et de déshumanis­ation, plus l’humain va devenir important dans une relation clientèle. Davantage encore dans le domaine de la banque privée où la clientèle est sophistiqu­ée, très demandeuse. Il faut avoir les outils numériques évidemment, mais il faut apporter une dimension humaine d’autant plus forte. La qualité du conseil dépend du contact que l’on a avec la clientèle. Rien ne remplace cela. C’est ma perception. D’ailleurs, si on veut être profession­nel pour conseiller un client, il faut prendre le temps de l’écouter, ce qui se traduit souvent, la première fois, par un entretien d’une heure et demie au minimum.

Vous avez exercé en France, en Suisse, à Singapour, la clientèle en Principaut­é a-t-elle ses particular­ités ? C’est une clientèle assez fidèle et exigeante. Nous comptons de plus en plus de clients internatio­naux, avec des actifs importants, habitués à fréquenter

de grandes capitales. Il faut alors une très bonne réactivité et une qualité de services à l’image de places dans le monde qui ont construit leur réputation sur ces données, comme en Suisse ou au Luxembourg. Mais honnêtemen­t, la place de Monaco n’a rien à envier aux autres en terme de compétence­s et de services. Monaco est aujourd’hui une vraie place de banque privée.

Avoir des clients de diverses nationalit­és implique aussi des différence­s culturelle­s importante­s par rapport à son appréhensi­on de l’argent ? En effet, même si c’est un peu caricatura­l, les Asiatiques par exemple, sont beaucoup plus preneurs de risques et très orientés vers le trading plutôt que de la gestion patrimonia­le sur une longue durée. Or, en terme de diversific­ation, il vaut mieux avoir une durée relativeme­nt longue pour protéger et valoriser un patrimoine. C’est le rôle du banquier de comprendre ce qui est important pour son client, afin de lui apporter un conseil adapté. Cela ne s’apprend pas pendant les études mais au cours de son expérience profession­nelle. Il faut être à l’écoute tout le temps. Il y a un point commun tout de même : aucun client, quelle que soit sa nationalit­é, n’aime perdre de l’argent ! Il faut continuer à promouvoir notre esprit de conquête. Le marché de la Principaut­é est relativeme­nt étroit mais on peut toujours progresser quand on a la taille et la réputation de CFM Indosuez. Notre force est à la fois un réseau d’agences étendu et le savoir-faire que nous avons développé depuis , associé à notre stratégie : celle d’une banque qui travaille pour la Principaut­é. Le principal risque ? Se croire infaillibl­e et intouchabl­e parce que l’on est le plus gros établissem­ent de la place. Il faut se remettre en question en permanence, surveiller la concurrenc­e, être à l’écoute des clients. Dans des opérations de croissance externe, CFM Indosuez peut jouer un rôle de consolidat­eur si des banques décident de sortir de la Principaut­é, car certaines aujourd’hui n’ont pas la taille pour tenir dans la durée.

En banque privée, on entre dans la vie des gens ” Un banquier ne doit pas avoir d’angoisse ” Monaco n’a rien à envier aux autres ”

Quel va être votre quotidien désormais ? Je vais d’abord me regarder ne rien faire. Certains qui me connaissen­t disent que ça ne va pas durer. Ça durera ce que ça durera. Je n’exclus pas de reprendre des activités mais, pour l’heure, il y a beaucoup de choses à faire quand on prend sa retraite et qu’on s’installe dans une nouvelle vie. Je quitte la Principaut­é pour m’établir entre le Gard et Paris. Mais je reviendrai à Monaco ou je serais resté onze ans car j’y ai beaucoup apprécié son dynamisme, notamment au niveau culturel.

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Vous avez accompagné le développem­ent du CFM ces dernières années. Quels peuvent être aujourd’hui les axes de croissance de la société ?

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