Monaco-Matin

Christophe, le héros qui n’aimait pas nager

Ce chef d’entreprise a sauvé mardi une sexagénair­e de la noyade. Témoignage

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Il n’aime ni la mer, ni nager. Christophe Boyer, Niçois de 46 ans, a pourtant sauvé mardi une femme de 67 ans de la noyade (Nice-Matin d’hier). Un acte héroïque que ce chef d’entreprise, que nous avons retrouvé, prend avec grande modestie : « Je ne suis pas un héros. C’est un devoir civique. Si c’était à refaire demain je le referais. » Nous l’avons interviewé hier sur la plage de la promenade des Anglais, dans le calme d’une belle journée d’automne. Difficile d’imaginer, à voir la Grande bleue si paisible que, la veille, deux personnes ont failli trouver la mort sur cette plage, dans une houle traîtresse. Christophe doit au hasard le fait de s’être retrouvé là mardi : « Je fais régulièrem­ent du footing jusqu’à Villefranc­he. Mon ami Raph n’était pas avec moi pour courir, du coup je suis parti sur la promenade des Anglais. En arrivant sur l’hôpital Lenval, un piéton m’interpelle avec des grands signes : “Arrêtezvou­s s’il vous plaît, il y a une dame à la mer qui se noie !” J’ai jeté un oeil, j’ai vu quelqu’un au loin dans l’eau. »

« J’ai nagé à fond »

Deux jeunes femmes dont Marine Protais, 22 ans, une étudiante, ont déjà courageuse­ment tenté, mais en vain, d’aider la nageuse de 67 ans. Christophe descend sur la plage en courant, tout en se débarrassa­nt de sa montre et de son téléphone. Un peu plus loin, il aperçoit un homme de 77 ans qui, en tentant d’aller porter secours à la victime, se retrouve lui aussi en danger : « On m’avait désigné la dame, alors j’ai nagé à fond vers elle. Je ne suis pas un bon nageur mais je suis très endurant. » À raison de douze heures de sport par semaine, on le serait à moins… Quand il la rejoint, la malheureus­e est en perdition : «Je l’ai prise par-dessous avec mes mains pour la soulever et la maintenir hors de l’eau. Elle me disait : “J’en peux plus, j’en peux plus, je n’y arrive pas, je vais mourir.” Elle avait bu la tasse plusieurs fois, elle recrachait de l’eau. » Christophe, qui avoue ne pas connaître les techniques de sauvetage – il n’a jamais pris de cours de natation – s’allonge et la place sur lui tout en tentant de nager vers la plage. «Je me retournais, je me retournais et je me disais que je m’éloignais encore plus. En fin de compte, j’avais doublé la distance (Photo Éric Ottino) par rapport à laquelle j’étais au départ. »

« J’ai eu vraiment peur qu’elle parte »

Un de nos lecteurs, JeanJacque­s Aiguebonne, nous a écrit hier pour nous indiquer que quand il était jeune, ce phénomène était surnommé la « tiragne » : « Ce courant se formait en cette période hivernale et ce mouvement de la mer était la résultante d’une période de mauvais temps. Cela faisait le bonheur des pêcheurs de poulpes car il entraînait l’appât au large. » Toujours à son sauvetage, Christophe décide finalement de faire du surplace en attendant les secours : « J’ai essayé de la rassurer. Je lui ai demandé comment elle s’appelait, si elle venait souvent. Elle m’a répondu “Lucienne”. Elle a essayé de bafouiller quelques mots. Elle a été très forte. Mais au bout d’un moment elle ne parlait presque plus. J’ai vraiment eu peur qu’elle parte. Je la suppliais de tenir, je lui disais que les secours arrivaient. Je fatiguais et commençais à avoir peur. » C’est finalement la vedette des sapeurs-pompiers Commandant-Croizé qui viendra les tirer de là. L’homme de 77 ans, de son côté, a été sauvé depuis la plage par les pompiers. Christophe reste très ému de ce double drame évité de justesse. Il a tenté d’avoir des nouvelles de Lucienne. Elle serait en soins intensifs. « J’espère vraiment qu’elle va s’en sortir. » Christophe s’est promis de prendre des cours de natation pour mener à bien un rêve : boucler un triathlon. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

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Christophe Boyer, hier.

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