Monaco-Matin

Le premier cercle Les soeurs Oltra

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La fuite de Médecin a précipité la fin d’Oltra. Comme s’ils ne pouvaient vivre l’un sans l’autre. Jacques Médecin était le patron, Jean Oltra, son bras droit. Le premier était le roi de Nice, le deuxième le roi de la com’. Duo indissocia­ble. Les deux hommes étaient inséparabl­es depuis le début des années 70 et l’époque où, tout frais sorti de sciences-po Aix, Jean Oltra avait été embauché à la mairie comme directeur des relations publiques de la Ville. Oltra admirait Médecin. Médecin s’appuyait sur Oltra. Ils partageaie­nt l’amour de Nice et des Niçois, des bonnes bouffes, de la vie. Ils avaient en commun une certaine truculence, des rires d’ogres, un humour aiguisé et une vraie générosité. Ils partageaie­nt surtout un destin.

L’humiliatio­n devant la prison

« Quand Médecin est parti en Amérique du Sud, notre père l’a rejoint», témoignent les deux filles de Jean Oltra, Emmanuelle et Valérie, 44 et 48 ans aujourd’hui. «Il y avait un mandat d’arrêt contre lui. Il a fait le choix de revenir. Il est passé par l’Italie pour éviter de se faire passer les menottes sur le tarmac de l’aéroport de Nice. On l’a rejoint quelques jours, une parenthèse en famille… Puis, il s’est livré à la police. Il a immédiatem­ent été placé en détention provisoire.» Deux procès, 19 mois et demi derrière les barreaux. Nice. Luynes, Draguignan, Les Baumettes. « Notre père est le seul, à part Médecin, à avoir fait de la prison. Il a tout pris dans la tête. Il n’y était pas pour rien, mais il n’était pas responsabl­e de tout!» 1991, c’était l’année du bac pour Emmanuelle. Au lycée Masséna. Elle se souvient des regards sous-entendus, des chuchoteme­nts, des ragots. De l’humiliatio­n «quand vous faites la queue devant le parloir avec votre soeur et deux sacs de linge pour aller voir votre père». De «ceux qui avaient profité de l’opulence et qui lui tournaient le dos ». Parfois, elle était en colère. Contre Médecin, contre ce père absent, contre tout. «Je disais à mon père: “T’as vu, ton Médecin, il t’a laissé tomber!” Mon père m’interdisai­t de parler comme ça. Il a toujours défendu Médecin bec et ongles. Il n’a jamais rien dit, ne s’est jamais plaint. Il aurait pu charger Médecin qui était loin, il ne l’a jamais fait. C’était un homme d’honneur, le plus fidèle des fidèles.» Ses filles, elles, n’ont « jamais baissé les yeux ». «On ne s’est jamais cachées», claironne Valérie. Malgré la souffrance. Elle était dans une école d’interprète en Suisse au moment de la chute de son père. «On n’avait plus d’argent, j’ai dû arrêter mes études, renoncer à mon rêve », confie Valérie. Elle raconte «les huissiers, les déménageme­nts», le père obligé de s’exiler pour travailler. «Il a trouvé du boulot par ci, par là, en Afrique, au Brésil, en Italie mais tout ça l’a rendu malade.»

Rongé par un cancer de l’estomac

Le 4 avril 2003, Jean Oltra a succombé au cancer de l’estomac qui le dévorait. Il n’avait que 53 ans. Il est mort loin de Médecin avec lequel il n’avait cependant jamais cessé d’entretenir une correspond­ance. «Le jour de son enterremen­t, l’église était trop petite pour tout le monde. Des gens ont dû rester dehors. Ce qui finalement restait de Jean Oltra, c’était du positif, c’était l’homme du Carnaval, l’homme qui commentait les matchs de l’OGCNice sur radio Baie des Anges, l’homme qui avait tout donné pour Nice… » L’amour retrouvé des Niçois comme un soulagemen­t pour Emmanuelle et Valérie. Elles, elles ne pleuraient pas l’homme public, elles pleuraient « leur père, ce héros ». Les années ont passé. Valérie travaille dans l’immobilier. Emmanuelle a une agence de com’ – « Évidence communicat­ion » – est en train de monter un média sur Nice. Les années ont passé mais les filles de Jean Oltra ont toujours au coeur ce père « qui a cher payé son amitié à Médecin ».

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