Monaco-Matin

FEMMES VIOLENTÉES: LE DOMICILE, LIEU DE TOUS LES DANGERS

Pour la journée internatio­nale de lutte contre les violences faites aux femmes, une conférence se tiendra ce soir au Lycée technique et hôtelier. Focus, aussi, sur une associatio­n d’aide aux victimes

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIBAUT PARAT

En marge de la Journée internatio­nale de lutte contre les violences faites aux femmes, une conférence abordera librement ce fléau, ce soir, dans l’espoir de l’éradiquer. Preuve effarante de la banalité des agressions et viols, la fréquence insoutenab­le d’affaires en jugement à Monaco.

Jeudi dernier, c’est par le prisme du théâtre que le sujet des violences faites aux femmes était abordé. Le ventre de la baleine, ou comment une histoire d’amour bascule petit à petit dans la violence conjugale. Ce soir, à 18 h à l’auditorium du Lycée technique et hôtelier de Monaco, c’est sous une autre forme que ce sujet – plus que jamais d’actualité avec le mouvement #NousToutes – sera traité. Celui des mots, du débat, des idées, de la recherche. Karine Lambert, vice-présidente du Réseau universita­ire et scientifiq­ue Euro-Méditerran­éen sur les femmes et le genre, animera une conférence sur le thème «Violence contre les femmes: comprendre pour éradiquer ». Rencontre en amont d’une interventi­on très attendue.

Lors de la conférence, vous vous placerez dans une perspectiv­e de déconstruc­tion des violences faites aux femmes. Pourquoi ? En résumé, je pars de la question suivante: pourquoi en est-on toujours là? Pourquoi, en  encore, on égrène les chiffres des femmes tuées sous les coups de leurs partenaire­s intimes? Pourquoi on regarde la question des viols encore de la même façon? On déplore une sous-dénonciati­on. Pourquoi le viol n’est-il pas un crime comme les autres? Pourquoi y a-t-il un permis de violer qui s’accompagne d’une quasiimpun­ité de ces actes-là ? Je parle de ces questions-là avec la volonté d’essayer de comprendre autour de quoi et comment s’articulent ces violences. D’où le thème: «Comprendre pour éradiquer». Avec un focus essentiell­ement sur les violences domestique­s/conjugales et sexuelles. En expliquant, aussi, ce qu’est la culture du viol.

Ces violences faites aux femmes

semblent universell­es… Effectivem­ent, elles n’épargnent aucune classe sociale, aucune ethnie, aucune période historique. De ce point de vue là, d’ailleurs, ce qu’on peut noter, ce sont des variations davantage dans la législatio­n ou la perception de ces violences que dans leur existence même. Mon parti pris est là. En tant qu’universita­ire, je cherche à comprendre pourquoi il y a toujours autant de violences, ce qui les nourrit, où elles s’ancrent. Quelles seraient, selon vous, les solutions pour les éradiquer? En finir avec la culture du viol. C’est

un terme qu’on utilise depuis . Cela part de l’idée d’expliquer tous les faisceaux qui concourent à cette impunité qu’il y a autour du viol. Une infime minorité de viols et de violences sexuelles est dénoncée. Et, du coup, une plus infime minorité encore est poursuivie. Cela donne l’impression que le viol est le crime parfait… Avez-vous déjà vu les films de James Bond ? Vous voyez ce moment où il saisit une femme, cherche à l’embrasser. Elle dit «non, non». Il insiste, elle cède. Deux images plus loin, James Bond sort du lit de cette femme. C’est un viol qu’on décrit. Aujourd’hui,  Français sur  pense que quand une femme dit non, elle dit oui. C’est ça la culture du viol. C’est-àdire le fait qu’on n’apprend pas aux femmes à se défendre mais on leur apprend leur propre vulnérabil­ité, que leurs agresseurs ce sont des inconnus. Alors que dans plus de

 % des cas, ce sont leurs proches. On leur apprend que c’est la rue qui est dangereuse, alors que c’est la maison.

La question du consenteme­nt et du viol conjugal a, récemment, beaucoup fait parler dans les médias… On sait statistiqu­ement que le danger est davantage à la maison, c’est extrêmemen­t documenté. Pourtant, l’image médiatique du viol, c’est tout le contraire. C’est ce qu’on voit dans les séries Les Experts ou Esprits Criminels. C’est-àdire un type anormal, un bourreau, un pervers qui viole et découpe ses victimes. On ne présente jamais Monsieur Tout-le-monde qui fait céder une victime. Le violeur, ce n’est jamais le meilleur ami, ni le partenaire intime… C’est ça la culture du viol… Cette question est à mon sens très importante à popularise­r. Par de la sensibilis­ation ? On a obtenu un budget du Ministère de l’Enseigneme­nt supérieur français pour faire des sessions de sensibilis­ation à l’université sur les violences sexistes et sexuelles. On a travaillé sur les notions de viol ou de sexe sans consenteme­nt. Ce qu’on remarque, c’est que les étudiant(e)s ont une image du viol qui ne correspond pas du tout à la réalité. On remarque aussi, et pas seulement chez les étudiants, qu’il y a énormément de victimes de viols sexuels. Souvent, elles-mêmes n’arrivent pas à l’identifier comme tel. Parlerez-vous de la libération de la parole lors de la conférence? Je vais en parler mais je n’utilise pas le terme de libérer la parole. Je pense qu’il faut que les femmes prennent la parole.

À l’image de #MeToo et du mouvement #NousToutes? A priori, je trouve que cela va dans le bon sens, sauf que le mouvement a déclenché des résistance­s très fortes. Il y a eu une augmentati­on des dépôts de plaintes en France et, en même temps, il y a de très forts mouvements de parole masculine qui se déploie dans l’espace publique. Cette prise de parole de #MeToo est intéressan­te mais il faut voir sur la durée. Il faut suivre cela avec attention, voir si ça va bouger. Je reste sceptique sur la capacité de transforma­tion rapide.

Il faut en finir avec la culture du viol ”

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Selon un rapport de l’ONU, c’est le domicile qui est le lieu le plus dangereux pour les femmes. Chaque heure, six d’entre elles sont tuées par quelqu’un qu’elles connaissen­t. (Illustrati­on Eric Ottino)

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