Monaco-Matin

À  ans, il menace des policiers avec des couteaux

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Il était beaucoup trop ivre pour s’en souvenir… Un retraité de 73 ans a comparu menotté, lundi, à l’audience de flagrance, pour avoir menacé de mort avec des couteaux quatre policiers venus sécuriser l’interventi­on des sapeurs-pompiers dans un immeuble de la Principaut­é. Dans le box, cet homme à la double nationalit­é allemande et hongroise se distingue par son amnésie. Il ne sait plus rien sur la nuit du vendredi 23 novembre, quand les services de secours intervienn­ent au domicile du couple, vers 2h10, à cause d’une alerte générée par le boîtier d’alarme et l’appel de la compagne. Serait-il aphasique ? Son ivresse au moment des faits parle plutôt pour lui : une alcoolémie de 2,40 grammes par litre de sang.

« Je vais les faire rentrer dans votre coeur »

Le 19 octobre dernier, les hommes de la caserne de la Condamine avaient déjà eu des problèmes avec les deux tourtereau­x éthyliques. Dès lors, prévoyants, ils font appel cette fois aux forces de la Sûreté publique afin d’éviter une nouvelle agression. Les policiers arrivent en tenue des forces spéciales pour parer à toute éventualit­é. Mais l’intéressé bloque la porte avec un meuble. Quand ils parviennen­t à pénétrer dans l’appartemen­t ils sont surpris par un étrange comité d’accueil. Le retraité est assis dans son fauteuil avec trois longs couteaux de cuisine dans les mains. Il menace les fonctionna­ires d’une série de meurtres ! « Vous réagissez bizarremen­t, même

avec un taux d’alcool aussi élevé. On arrive à vous maîtriser et on vous conduit au CHPG. Qu’est-ce qui vous a pris?», remarque le président Florestan Bellinzona à l’audience. «Ce n’est pas mon problème, répond, arrogant, le prévenu. Je n’ai menacé personne. J’ai commencé à boire à 14 heures ce jour-là, et je ne me souviens pas de gens que j’avais en face de moi. À part des menottes et mon transfert à l’hôpital…» Le magistrat, en colère, rétorque aussitôt

: « Oui, c’est votre problème et vous racontez ce qui vous intéresse…» Puis, il invite les parties civiles à s’exprimer sur les faits. À tour de rôle, les quatre agents racontent : «L’individu a pointé les couteaux en disant “Je vais les faire rentrer dans votre coeur”. On est restés à distance car il nous menaçait encore en levant ces instrument­s aux lames longues, tranchante­s et pointues, comme pour les planter, répétant “Je vais vous tuer”. Jusqu’à

faire semblant de les lancer. On a d’abord négocié. Puis on a réussi à l’entraver. On a dégainé! Car on avait peur que ça parte en cacahuète… »

« Ce n’est pas un forcené »

Leur conseil, Me Hervé Campana, salue d’emblée le courage et le profession­nalisme des plaignants. «L’issue aurait pu avoir des conséquenc­es tragiques. Ces policiers ont eu peur pour leur vie. Blessés, ils auraient pu faire usage de leurs armes. Or, ils étaient venus pour secourir le prévenu ! En guise de remercieme­nt, il les menace de mort ! Il nie tout et ne s’excuse pas. Je suis choqué par cette attitude. Je réclame 500 euros de préjudice pour chacun. » Après avoir rappelé les faits, le premier substitut, Olivier Zamphiroff, estime à voix forte : « Monsieur est à un âge où l’on aspire à lire Montaigne plutôt que de sortir des couteaux. Non, on cherche plutôt à échapper au contrôle! À menacer! Nous n’avons pas affaire à un malade ! Nous ne sommes pas des médecins ! C’est un délinquant ! Vous le condamnere­z comme une personne responsabl­e, avec une peine de deux mois ferme et vous l’écarterez de la Principaut­é pendant deux ans. » Me Arnaud Cheynut défend son client: « parce que ce n’est pas un forcené. Il sera menaçant à l’arrivée préventive de la police. Mais à quel titre les pompiers leur demandent d’intervenir? À quel titre les policiers trouvent pertinent d’agir avec leurs armes ? L’intempéran­t est chez lui alors qu’il est inconscien­t. Il y a deux poids et deux mesures. L’ostracisme de sa conduite ? Sa compagne n’a jamais été menacée. C’est un homme malade. La prison ne servira à rien. C’est un primo-délinquant. Tendez-lui la main avec mise à l’épreuve et obligation de soins… » Le prévenu n’a rien d’une victime piaculaire pour le tribunal. Les juges fixeront la peine à un mois ferme, deux années d’interdicti­on de territoire et au versement de 300 euros pour chaque policier.

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« On a dégainé ! Car on avait peur que ça parte en cacahuète… », ont témoigné les policiers.

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