Témoignages vibrants pour honorer les «Justes»
Organisé au CUM de Nice, ce colloque a réuni les descendants des « Justes parmi les nations » et les enfants sauvés sous l’Occupation. Comme Raphaël Rappaport qui a raconté son histoire
Ils font partie des invités d’honneur du colloque. Celui organisé par la Ville, mardi soir, au CUM, pour clôturer l’année croisée France Israël en rendant hommage aux « Justes parmi les nations » Dans l’amphithéâtre, Catherine Couton-Mazet et le professeur Raphaël Rappaport sont aux premières loges, assis l’un à côté de l’autre. Unis par une histoire qui les soude à jamais. Elle, petite-fille du Dr Georges Mazet, ancien chef de service de l’hôpital Pasteur, médecin de la congrégation des Clarisses à Nice. Lui, pédiatre à la retraite. S’il habite Paris, c’est à Nice qu’il est né, a grandi. Sous l’occupation nazie. En 1943, il a été caché, protégé par le Dr Georges Mazet, membre actif du réseau Marcel. Créé par Odette et Moussa Abadi avec l’aide de Mgr Paul Rémond, évêque de Nice, ce réseau de résistance a sauvé, à Nice et dans la région, des centaines d’enfants juifs de la déportation et de la mort.
«Au moment des rafles, j’avais ans »
Pour ce colloque monté par Martine Ouaknine, adjointe déléguée au devoir de mémoire, à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, la petite-fille de « Juste » et l’enfant sauvé ont raconté leur histoire commune. Un témoignage parmi d’autres pour rendre hommage à ces hommes et femmes de courage pour beaucoup disparus aujourd’hui. «Avec mes parents et ma soeur, nous habitions dans un appartement de la rue Alberti. En septembre 1943 , les rafles ont commencé à Nice avec de grandes vagues d’arrestations de juifs. J’avais 12 ans, se souvient Raphaël Rappaport. Ma mère s’inquiétait pour notre sécurité. Alors, elle a pris contact avec un membre du réseau Marcel qu’elle connaissait. Je n’oublierai jamais ce jour de septembre où, à 6 heures du matin, elle nous a amenés, ma soeur et moi, à un point de rencontre, près de la vieille ville. Le Dr Georges Mazet était là pour nous réceptionner. Il nous a hébergés quelque temps, chez lui, rue d’Angleterre. Puis, il nous a emmenés dans le couvent des Clarisses à Cimiez, où nous sommes restés cachés jusqu’à la Libération. »
« Le Dr Mazet nous a protégés et sauvés »
Soixante-quinze ans après, Raphaël Rappaport se rappelle en souriant du « Notre Père », seule prière que les religieuses lui ont apprise. « Pour tromper l’ennemi, donner la répartie au cas où. Pas pour nous convertir. Au contraire, les Soeurs voulaient que nous gardions (Photo V.M) notre foi. Que nous soyons fiers d’être juifs. Je me souviens d’un père Franciscain qui venait au couvent nous donner des cours de latin et d’hébreu. » Dans ses souvenirs, le Dr Georges Mazet occupe une place à part. « Pour moi, il incarne une belle image protectrice, lance-t-il d’une voix vibrante. En 1943, nous avons été littéralement jetés à la rue. C’est lui qui a nous a gardés, protégés, sauvés. Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu peur une minute, ce qui, avec le recul, paraît incroyable. » Catherine écoute avec fierté l’histoire de son grand-père. Celle d’un médecin humaniste, gaulliste de la première heure, engagé dans la Résistance, qu’elle connaît grâce à Raphaël Rappaport. « Mon grand-père n’en parlait jamais. Quand je le questionnais sur son rôle dans le réseau Marcel, sur ces enfants qu’il avait sauvés, il répondait qu’il avait fait uniquement son devoir. Qu’il n’y avait là rien d’extraordinaire, que c’était normal. » En l’an 2000, sept ans après son décès, le Dr Georges Mazet a été fait « Juste parmi les nations ». La plus haute distinction décernée par Israël, en gage de reconnaissance éternelle. Cela à l’appui d’un dossier constitué de témoignages, documents, pièces d’archives, réunis avec l’aide de Raphaël Rappaport. C’est tout cela qui a été raconté, expliqué, lors de ce colloque. Avec une question au public et aux lycéens de Don Bosco et des jeunes d’associations présents au CUM. Celle posée par Martine Ouaknine : «Qu’aurions-nous fait à leur place? Aurions-nous mis, comme eux, notre vie en péril ou bien aurions-nous détourné la tête ? La réponse est personnelle » ajoute l’élue. En espérant, toutefois, que les actes des Justes servent d’exemples pour illuminer ce monde troublé par l’égoïsme, l’indifférence et l’obscurantisme. 1. Organisé en partenariat avec le comité Yad Vashem Côte d’Azur et l’association B’nai B’rith Moshe Dayan, ce colloque a été présidé par Anita Mazor, ministre près l’ambassade d’Israël à Paris.