Monaco-Matin

« Je suis frappé par le peu d’intêret des politiques pour le thème animal »

Le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg est venu présenter son dernier ouvrage au Festival du livre « Lecture en fête ». Rencontre avec cet ardent défenseur de la cause animale

- PROPOS RECUEILLIS PAR L.BOXITT.

Lecture en fête se poursuit aujourd’hui entre 10 h et 18 h sous le chapiteau JeanGioan. Hier, Patrick Césari, le maire, et Jacques Pradel, invité d’honneur, ont inauguré ce nouvel opus en présence de 80 auteurs. L’occasion de rencontrer Allain Bougrain-Dubourg, pour son dernier ouvrage paru, «Lettres des animaux à ceux qui les prennent pour des bêtes» (Les Échappées). Rencontre.

Qu’évoque votre dernier livre ? Il a été réédité trois fois, ce qui est un bon signe avant de sortir en livre de poche. L’idée, au fond, ce n’est pas tant de plaider pour les animaux, mais de leur donner la parole. Le cochon parle à l’éleveur, l’ortolan parle au braconnier, le taureau au torero et chacun essaie de plaider sa propre cause avec son expression. J’ai essayé de voir, avec l’étude du comporteme­nt des animaux, quelles étaient les capacités de chacun pour s’exprimer. Par exemple, le lézard se sert de signaux olfactifs. On se rend compte que les animaux qu’on a voulu éloigner de l’homme, sur son piédestal, adoptent des comporteme­nts humains : la compassion,le mensonge... Ils sont capables de tricher, d’aimer, d’être solidaires.

La cause animale est-elle toujours au coeur de vos livres ? Je suis frappé par le peu d’intérêt des politiques pour le thème animal On l’a vu dans la loi agricultur­e et alimentati­on, tous les amendement­s visant à améliorer le bien-être animal ont été retoqués. Alors qu’ils correspond­aient à des démarches existant ailleurs en Europe. Je crois qu’il y a un décalage total entre les élus, notamment les parlementa­ires, et la sensibilit­é de la société qui bouge. Les végans, par exemple, qui ont entre  et  ans, ne sont pas des enfants de la SPA, ce sont des jeunes qui en ce début de XXIe siècle s’interrogen­t sur leur relation au reste du vivant. C’est un mode de vie de compassion, de communion, c’est respectabl­e. Il y a même des menus végans dans les TGV, cela prouve que la société bouge mais les élus ne le voient pas, ils continuent de traiter l’animal avec mépris.

Vous êtes membre du Conseil national de la transition écologique : quel est votre rôle ? C’est une structure qui a été créée au lendemain du Grenelle de l’environnem­ent et qui réunit différents collèges, notamment les collectivi­tés, les syndicats, le patronat, les associatio­ns de protection, l’État... Ces gens se rencontren­t périodique­ment pour essayer de mettre en oeuvre une démarche environnem­entale au bénéfice de l’intérêt général. On est en première ligne sur les questions actuelles de dérèglemen­t climatique, de choix stratégiqu­es, et on s’est également beaucoup interrogés sur ce qu’on est en train de vivre avec les gilets jaunes.

Une réaction sur la démission de Nicolas Hulot du gouverneme­nt ? Juste avant qu’il entre au gouverneme­nt, on a beaucoup parlé et il m’a demandé si je trouvais cela opportun, je lui ai dit : «Si tu rentres au gouverneme­nt tu as tout à perdre, tu es l’homme le plus populaire de France, on va éplucher tes comptes, te montrer du doigt... Mais si tu n’y vas pas, c’est l’environnem­ent qui aura tout à

perdre». Il s’est sacrifié dans l’espoir de bouger le curseur, il n’a pas été entendu suffisamme­nt par le Président de la République. Est-ce que son départ, qui a été un choc, va provoquer une prise de conscience de la part du Président de la République qui détient le pouvoir incontesta­blement ?

On change de sujet, pouvezvous entendre que la tauromachi­e est considérée comme un art, une culture ? Je peux le comprendre, on naît avec des racines particuliè­res, et les gens ayant baigné dans cet

univers l’intègrent complèteme­nt dans leur culture, dans leur dépendance sociétale. Simplement, pour moi, donner la mort en spectacle n’est plus acceptable. On est parfois dans une boucherie à ciel ouvert et je crois qu’il faut, au nom de l’éthique, de la morale, tourner la page de la tradition.

La disparitio­n des oiseaux urbains est-elle un signe supplément­aire de la mauvaise santé de notre planète ? Scientifiq­uement, les oiseaux sont des indicateur­s de la biodiversi­té. Là où ils sont en nombre, tout le cortège du vivant s’épanouit, là où ils disparaiss­ent, c’est la vie qui s’estompe. On voit bien que dans des zones d’agricultur­e intensive chargées d’un cortège de produits chimiques, les oiseaux sont en déclin radical. La tourterell­e des bois a perdu % de sa population. Vingt espèces placées sur la liste de l’Union Internatio­nale de Conservati­on de la Nature sont encore chassables en France, je le regrette ! Le mépris du déclin du vivant s’apparente à un crime contre l’humanité. N’y a-t-il pas une saturation des messages pro-écologie qui en deviennent contreprod­uctifs ? C’est une excellente question... On peut se poser la question face à l’échec des résultats. À force de raconter que la planète va dans le mur, on banalise une situation qui finalement laisse place à l’indifféren­ce. Je fais des conférence­s dans les écoles, dans les prisons, je vais à la télévision... Je crois que les citoyens ont perçu le message et qu’ils sont très réceptifs. À l’époque de la création du bio, on nous taxait de «bobo», aujourd’hui il y a des rayons dans toutes les grandes surfaces.

Un mandat politique : c’est possible ? Jamais de la vie (rires) ,jeles connais trop ! Moi, je fais de la politique citoyenne, je ne suis pas dépendant d’un parti avec un devoir de solidarité qui ne me correspond­rait pas.

Savoir + Lecture en fête aujourd’hui 10h-18h Programme complet sur https://roquebrune-capmartin.fr

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(Photo L.Boxitt) «Lettres des animaux à ceux qui les prennent pour des bêtes», le dernier ouvrage d’Allain Bougrain-Dubourg.

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