Monaco-Matin

Essais précoces: encore de l’espoir quand il n’y en a plus

Permettre à des personnes souffrant de cancer d’accéder à des molécules innovantes : c’est l’ambition de l’unité de phase précoce récemment ouverte au centre Antoine Lacassagne

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Des patients métastasés en impasse thérapeuti­que

Unité de phase précoce (UPP). Quatre chambres semblables à n’importe quelle autre chambre d’hôpital. À une exception près: toutes sont équipées de caméras. Quelques mètres plus loin, au niveau du poste de surveillan­ce, des personnels infirmiers, formés aux essais cliniques, ont les yeux braqués sur les images retransmis­es. Les patients qui occupent ces chambres vivent une expérience singulière : atteints de formes avancées de cancers, ils expériment­ent un traitement qui n’a pas (encore) franchi les étapes classiques qui aboutissen­t (ou non) à la mise sur le marché. Parfois, il s’agit de molécules ayant simplement fait la preuve de leur efficacité chez l’animal, mais qui n’ont jamais encore été testées chez l’homme. Plus souvent, ce sont des molécules dont le profil est bien connu mais qui sont habituelle­ment utilisées dans d’autres maladies.

Analyse personnali­sée de la tumeur

Comment ces patients se sont-ils dès lors retrouvés candidats pour «tester» ces médicament­s potentiels ? « Tous ont en commun d’être en bon état général, mais de présenter une tumeur solide (cancer ORL, digestif, cancer de la prostate…) ou un lymphome à un stade avancé, et réfractair­e aux traitement­s habituels – ou qui vont le devenir; en d’autres termes, il s’agit de malades que la médecine aujourd’hui ne sait malheureus­ement pas guérir. Avec leur accord, les oncologues qui suivent ces patients, accueillis dans n’importe quel établissem­ent (public ou privé) en région Paca-Est ou en Corse, nous transmette­nt leur dossier, et nous évaluons la possibilit­é de les faire bénéficier d’essais thérapeuti­ques, après avoir analysé génétiquem­ent leur tumeur», détaille la responsabl­e de l’UPP, le Dr Esma Saada, oncologue. Cette procédure, associée à l’émergence récente des technologi­es qui permettent d’analyser les gènes du cancer, porte un nom : Réunion de concertati­on pluridisci­plinaire (RCP) moléculair­e. Chez les patients en bon état général, les spécialist­es vont ainsi chercher la présence d’anomalies génétiques connues, une cinquantai­ne, décrites dans la littératur­e scientifiq­ue. « Si on en trouve, on se renseigne sur l’existence d’essais cliniques ou précliniqu­es avec des molécules ciblant ces anomalies. » La mise en évidence d’une « faiblesse » génétique au niveau d’un cancer permet ainsi d’envisager de la «neutralise­r ».

Ne pas trop attendre

Pour rappel, tous les patients accueillis à l’UPP souffrent de cancers métastasés et ont bénéficié au moins d’une ligne de traitement. « Il est préférable de ne pas trop attendre avant de nous adresser le dossier. Plus un cancer métastatiq­ue progresse, plus la probabilit­é de trouver un traitement efficace est faible. Par ailleurs, il est important que le malade qui participe à un essai clinique présente un bon état général. » Parmi les patients qui en 2 017 ont vu leur dossier adressé au Dr Saada, un tiers s’est vu proposer de participer à un essai de phase précoce. « Environ 20 % ont bénéficié de thérapies ciblant les anomalies génétiques de leurs tumeurs; un tiers d’entre eux sont aujourd’hui en rémission, alors qu’ils étaient en phase palliative », se réjouit le Dr Saada. Si on devait résumer l’intérêt des essais précoces, on dessinerai­t les sourires de ces malades condamnés à court terme et qui, grâce à l’utilisatio­n de molécules innovantes, continuent de croquer la vie, probableme­nt avec encore plus d’appétit. Le sourire de cet homme atteint par un cancer ORL, en rémission depuis deux ans. Le sourire (Photo DR) de cette femme victime d’un cancer de l’endomètre, dont la maladie est désormais contrôlée. Le sourire d’une fillette azuréenne atteinte par un sarcome, aujourd’hui guérie, après avoir bénéficié d’un essai à Paris. Le sourire d’une jeune maman atteinte d’une tumeur au cerveau. Ce sourire s’est éteint récemment, mais il a pu accompagne­r sa fille pendant cinq années supplément­aires, alors que son espérance de vie était réduite à quelques mois. Mais le Dr Saada se refuse à tout triomphali­sme. « La participat­ion à une phase précoce n’est pas une solution miraculeus­e. Il s’agit d’une solution supplément­aire ; il est important d’en informer le patient lorsqu’il signe le consenteme­nt éclairé. »

 ??  ?? Le but de ces essais est d’évaluer dans les meilleures conditions possibles, la tolérance et l’efficacité de ces nouveaux médicament­s.
Le but de ces essais est d’évaluer dans les meilleures conditions possibles, la tolérance et l’efficacité de ces nouveaux médicament­s.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco