Les dangers de la polymédication chez les aînés Prévention
Beaucoup de personnes âgées souffrent de maladies chroniques, leur imposant de prendre plusieurs médicaments à la fois. Cela entraîne des risques qu’il faut connaître
Trois, six, huit traitements… Le quotidien de nombreuses personnes âgées est souvent ponctué de la prise de médicaments en grand nombre. Car avec le vieillissement viennent les maladies chroniques. Or l’addition de cachets n’est pas sans conséquence. « On estime que la majorité des plus de 70 ans prend plus de 3 molécules sur ordonnance chaque jour, ce qui augmente les risques d’interaction, constate le Pr Olivier Guérin, chef de pôle réhabilitation, autonomie et vieillissement du CHU de Nice. On estime qu’il y a en France 10000 décès par an liés à l’iatrogénie médicamenteuse (les effets indésirables des traitements, Ndlr), dont 85 à 90 % parmi les plus de 65 ans. » Le problème c’est que le patient âgé est un patient bien spécifique qui devrait être suivi régulièrement par un gériatre capable d’avoir une vision d’ensemble… Sauf qu’on en manque ! «Beaucoup de patients âgés souffrent de plusieurs maladies chroniques à la fois ; et chaque spécialiste d’organe qu’ils consultent prescrit des médicaments par rapport à la pathologie qu’il traite, remarque le Pr Guérin. Aux problèmes d’interaction médicamenteuse s’ajoute le vieillissement physiologique ; la fonction rénale notamment, (Photo Unsplash) qui joue le rôle d’épuration, s’altère avec l’âge. »
Hiérarchiser les priorités
Tout l’enjeu est donc de hiérarchiser les priorités. « Il faut procéder à une évaluation globale. Observer l’environnement dans lequel vit le patient : est-il seul ou accompagné ? Vit-il en ville ou dans un lieu reculé ? Présente-t-il des troubles cognitifs ou de l’humeur, de ce fait, va-t-il correctement prendre ses traitements, présente-t-il un risque de chute ? Se nourrit-il convenablement? L’âge n’est pas le critère déterminant, c’est la globalité de la situation qui doit conduire le médecin à prescrire tel ou tel traitement. » Problème, chaque spécialiste n’a pas toujours connaissance du dossier médical de son patient. Si ce dernier ne mentionne pas les médicaments qu’il prend, s’il n’évoque pas avec le médecin le fait qu’il est suivi par un autre praticien pour une autre pathologie, certaines informations essentielles « échappent ». «Le pharmacien joue un rôle-clé aux côtés des médecins et partenaires de ville, souligne le gériatre. Avec le dossier pharmaceutique, c’est-à-dire un dossier nominatif qui recense les traitements d’un patient et accessible depuis d’autres officines – 40 millions ont été ouverts en France – il peut avoir une vision globale des choses et éventuellement identifier des problèmes d’interaction. En centralisant ainsi l’ensemble des délivrances, le pharmacien peut éventuellement alerter un médecin prescripteur en cas de doute. » Peut-être de nouvelles habitudes pourraient-elles aussi limiter la polymédication des personnes âgées. La visite chez un gériatre (ils consultent en majorité dans les hôpitaux publics) de temps en temps permettrait de remettre en perspectives les enjeux des traitements. « Il faut croiser le projet de soin avec le projet de vie », insiste le Pr Guérin. Car à 70 ou 90 ans, on n’aspire pas aux mêmes choses qu’à 40 ans. En vieillissant, c’est l’autonomie de l’individu qui est en jeu. Et elle est capitale. Se poser la question aujourd’hui, c’est se demander aussi comment on souhaite vivre plus tard.