Une équipe niçoise met au point une prostate «artificielle»
Une équipe niçoise associant médecins et chercheurs met au point un système de culture de cellules prostatiques 3D, pour une médecine personnalisée
Quelles «disgrâces» physiques sommes-nous prêts à tolérer ? Quelles douleurs sommesnous disposés à endurer ? De quels progrès technologiques sommes-nous capables de nous passer ? Ces questions s’imposent à nous après la diffusion du magazine
dénonçant la faiblesse des contrôles des dispositifs médicaux. Trois d’entre eux ont fait l’objet d’enquêtes. Mais ils sont bien plus nombreux. Des centaines de milliers. Ils sont ce produit que l’on nous injecte pour nous aider à nous réconcilier avec notre image dans le miroir. Ils sont ces prothèses de genoux, d’épaule, de hanche que nous réclamons pour apaiser des douleurs jugées intolérables. Ils sont de plus en plus ces objets connectés qui veillent sur notre santé... Ne nous voilons pas la face. Jamais aucune réglementation, aussi sévère soit-elle, ne pourra anticiper, prévenir tous les risques liés à leur usage croissant. Pourquoi croissant ? Et si on prenait quelques minutes pour répondre à cette question ?
Reconstituer en laboratoire une miniglande de prostate, ressemblant à s’y méprendre à celle du patient opéré pour un cancer de la prostate. Une miniglande « artificielle » sur laquelle il est possible de tester l’efficacité de médicaments innovants. Cet exploit scientifique est le fruit d’une collaboration étroite entre chercheurs et cliniciens, impliquant les équipes du Dr Damien Ambrosetti, anatomopathologiste, du Dr Matthieu Durand, urologue (CHU de Nice) et du Dr Frédéric Bost, directeur de recherches au Centre Méditerranéen de Médecine Moléculaire (C3M) à Nice Leur objectif : ouvrir la voie à une médecine personnalisée, au bénéfice des patients. « Pour évaluer l’efficacité de médicaments in vitro, on dispose notamment de modèles de culture 2 D. Mais, ils sont très éloignés de la structure complexe de la glande prostatique », relatent ces experts. Autre modèle courant : la souris. « L’expérimentation animale est intéressante pour les études mécanistiques, mais elle a ses limites. De façon générale, 95 % des molécules testées avec succès sur les animaux de laboratoire n’ont pas d’effet, Le Dr Durand (en médaillon), le Dr Ambrosetti (à gauche) et le Dr Bost ont travaillé ensemble à la mise au point de cette prostate artificielle. (Photo N.C.)
lorsqu’elles sont évaluées chez l’homme. Et c’est le cas en particulier pour les pathologies de la prostate. Cela s’explique par différents facteurs ; il existe notamment des différences anatomiques : la glande prostatique de la souris comprend plusieurs lobes, quand celle de l’homme n’est pas lobulaire. On s’est aperçu par ailleurs que les altérations génétiques mises en évidence chez les animaux génétiquement modifiés pour reproduire la maladie, sont nettement moins hétérogènes que celles
relevées chez l’homme. » Toutes ces données pointent la nécessité de développer des alternatives à ces « vieux » modèles. À l’instar de la prostate artificielle, dont nos spécialistes résument la mise au point : «Dans un premier temps, le chirurgien prélève chez les patients opérés pour un cancer de la prostate (à un stade non métastatique) à la fois du tissu prostatique sain et du tissu malade. L’anatomopathologiste va faire une analyse détaillée des tissus. Ceux-ci sont ensuite transmis aux chercheurs qui vont, après tri cellulaire, établir des cultures 3D à partir de ces tissus. » Pour chaque patient, on peut ainsi reproduire une miniglande de prostate saine et une miniglande de prostate tumorale, portant les mêmes caractéristiques que la glande d’origine. « Sur la glande saine, on peut vérifier par exemple l’innocuité d’une molécule. Sur la glande malade, on va pouvoir tester différentes drogues et évaluer les réponses : sont-elles capables d’induire la mort cellulaire ? Les cellules tumorales vont-elles développer des résistances au traitement ? etc. » Au-delà de l’intérêt évident pour le patient lui-même, ces recherches cliniques devraient permettre de faire progresser les connaissances sur le cancer de la prostate, et d’accélérer le développement de nouvelles molécules, pour ce cancer qui est le plus fréquent chez les hommes, avec plus de 50 000 nouveaux cas estimés chaque année. (1) Les trois spécialistes organisaient le 13 novembre dernier à l’occasion de Movember un symposium translationnel sur le cancer de la prostate (STOP: Symposium Translationnel Oncologie Prostate) à Nice.