EN VISITE À LA FAC DE MÉDECINE DE NICE « Giroud est très utile »
Guy Stéphan, le fidèle adjoint de Didier Deschamps depuis bientôt 10 ans, est intervenu hier matin devant les étudiants. Le champion du monde s’est livré sur l’aventure humaine en Russie
Guy Stéphan ne s’est pas adressé à des footballeurs, ni à des journalistes hier matin. L’adjoint de Didier Deschamps a échangé avec la première promotion du service sanitaire de la faculté de médecine de Nice. Le docteur Sandra Lassalle, leur référente pédagogique, est à l’origine de sa venue. « Je l’ai rencontré dans un avion, je lui ai proposé d’être le parrain de cette première promotion car, à la Coupe du monde comme pour notre service sanitaire, le travail en équipe est fondamental ». Celui qui vit à Mougins a accepté ce rôle avec fierté. « D’une part car j’ai été étudiant moi-même au Creps de Dinard pour être professeur de gym (il a été diplômé avant de passer footballeur professionnel), mais aussi parce que c’est une reconnaissance de la cohésion, de l’état d’esprit qu’il y a eu au Mondial et qui a été remarqué même par le monde universitaire ». Voici quelques extraits du “questions-réponses” avec les étudiants.
Pourquoi Giroud reste-t-il titulaire ? Ce n’est pas la première fois qu’on me pose la question (sourire). C’est le meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France. Ceux devant lui (Henry, Platini et Trezeguet) ont arrêté, donc il finira sur le podium. Il n’a pas marqué pendant la Coupe du monde, ça s’est joué à quelques millimètres contre le Pérou, mais il a été et est très utile dans le jeu. Guy Stéphan, maître de conférence d’un jour.
Comment évaluez-vous le comportement de l’individu dans un groupe ? Tu ne peux le savoir que si tu l’as déjà pris. Il faut l’évaluer quand il joue mais surtout quand il ne joue pas. C’est souvent quand le joueur se trouve sur le banc qu’il y a des problèmes. On observe aussi son comportement non-verbal, par ses gestes, sa posture à l’entraînement, quand le ballon n’arrive pas... J’utilise aussi la PNL (programmation neurolinguistique) pour savoir quel footballeur mais surtout quel homme on prend. Quand on part pour une compétition de deux mois, il faut qu’il sorte le meilleur de lui-même au moment où on en a besoin.
Comment faire pour conserver une dynamique de groupe, pour ne pas pointer du doigt un joueur quand les résultats sont moins bons ? A la Coupe du monde, on a vécu victoires et un nul, donc ça ne nous est pas arrivé. Ce qu’il faut, c’est avoir deux communications. Une externe, où il ne faut pas montrer qu’on est en crise, tout en affirmant qu’on a saisi ce qui ne fonctionnait pas. Et une interne, dans le vestiaire, qui est bien plus tonique, plus dure. Après l’Australie (-), avec Didier nous étions insatisfaits. Certains joueurs (Photo Cyril Dodergny)
avaient manqué de volume. Avec l’analyse vidéo à l’appui, Didier leur a dit que ça ne pouvait plus continuer comme ça. Ce débriefing a été fondateur. Ensuite, il y a eu du changement dans l’équipe et le groupe qui a joué contre le Pérou est quasiment celui qui a joué jusqu’à la finale.
Pendant les interviews, les joueurs choisissent leurs mots. Ce sont vos instructions ? On ne donne pas d’instruction, mais des conseils. Les joueurs, dès le centre de formation, apprennent à parler en public. Par contre, après chaque match, Didier fait un débriefing de deux minutes dans le vestiaire, où il évoque les grandes lignes. On retrouve plus ou moins les mêmes mots dans le discours des joueurs ensuite. L’idée, c’est que quand on gagne, ce n’est jamais très bien et quand on perd, ce n’est jamais très mal. Mais c’est vrai qu’avec le zoom médiatique, un mot, une phrase, peut avoir une répercussion énorme.
Depuis votre titre, est-ce plus difficile de motiver vos joueurs ? Après un titre mondial, il y a forcément un relâchement. On ne l’a pas senti en septembre, mais en octobre (- contre l’Islande, - contre l’Allemagne) oui. C’était inéluctable après une telle débauche d’énergie. Quand on gagne, on s’installe dans le confort, on fait moins d’efforts. Mais le haut niveau est impitoyable et le sanctionne tout de suite. C’est notre défi de garder la même intensité pendant les qualifications de l’Euro. Sinon, comme l’Allemagne, on peut passer d’un titre mondial à une défaite contre la Corée et une élimination pendant les poules. Vous arrive-t-il d’utiliser des mots blessants envers un joueur ? Jamais d’humiliation en public. Après l’Australie, Didier a eu une critique collective. Plusieurs joueurs étaient ciblés, pas un seul. Par contre, en tête à tête, il peut y avoir des corps à corps plus toniques. Certains entraîneurs fonctionnent sur le conflit, comme Mourinho, mais pas Didier.
relâchement ”
Avez-vous accordé des moments de relâchement pendant la préparation et la Coupe du monde ? Il y a eu quelques breaks. On a accordé deux jours au staff et aux joueurs pendant la préparation à Clairefontaine. Et en Russie, nous étions à Istra à km de Moscou, donc focalisés sur notre travail. Mais il y a aussi eu quelques quartiers libres de quelques heures pour les joueurs qui avaient besoin de se réhydrater (rires). On connaît l’épisode de l’extincteur à l’hôtel après la qualification contre l’Argentine. Cette nuit-là, Didier n’a pas dit un mot, mais a fusillé les joueurs du regard. Le lendemain, l’auteur (Rami) s’est excusé devant le groupe et on s’est remis au travail. (*) Regroupant des étudiants médecins, kinésithérapeutes,infirmiers,sages-femmes... qui seront chargés de travailler ensemble et de faire de la prévention (alimentation, addictions, sexualité) dans le milieu scolaire.