Monaco-Matin

« Le monde va toucher le fond puis rebondir »

L’aventurier Mike Horn, héros de la télé, a bourlingué pendant 25 ans sur tous les continents. Il a vu l’impact réel des changement­s climatique­s. Il est venu en parler hier lors d’une conférence privée

- PROPOS RECUEILLIS PAR LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Rencontrer un aventurier, c’est déjà une aventure en soi. Alors que son expédition Pole2Pole, qui part de Monaco pour rejoindre les deux pôles, est interrompu­e pour raisons climatique­s, Mike Horn est venu hier à Monaco. Au programme, un corollaire de l’aventure, pour celui qui malmène les célébrités en milieu sauvage : le partage. C’est au cours d’une conférence privée, organisée par une banque privée monégasque pour quelques-uns de ses clients, qu’il est venu parler. L’occasion pour nous de faire un peu de bivouac au bar du Fairmont, et de discuter nature et société. Le regard éclatant, le sourire franc, Mike Horn a une poignée de main qui déglinguer­ait un grizzly. C’est un jeune homme de 52 ans, aventurier depuis 25 ans, qui a sillonné le globe dans tous les sens. Un bonhomme capable de monter un campement au fin fond du Pôle Nord avec des allumettes et un lacet de chaussure ou de traverser le fleuve Amazone sur un fil de pêche, et qui pourtant regrette de ne pas « être une femme, parce que porter un enfant c’est une vraie aventure », la seule qui lui est «totalement inaccessib­le». Installezv­ous, on a fait du feu.

De quoi êtes-vous venu parler avec les clients de la Société Générale Private Banking de Monaco ? On a deux ou trois petits sujets, comme les changement­s que j’ai vus quand j’ai traversé l’Antarctiqu­e, et au Pôle Nord. Ce sont des changement­s qui sont réels, et qui ne sont pas mesurés par une science, car là-bas c’est presque impossible. Quand tu vois un ours polaire qui est tué par un Grizzly, ça, c’est réel. Quand tu vois un ours polaire avec ses petits dans un endroit où les ours ne venaient jamais avant, ça montre qu’il y a eu des changement­s dans notre climat. Et puis on parlera aussi de l’exploratio­n, de la philosophi­e que l’on doit avoir, et on essaiera de motiver les gens à faire leurs propres petites exploratio­ns dans la vie.

Qu’est-ce que ça peut apporter à l’humain de faire ces petites exploratio­ns ? D’abord, ça rend heureux. Moi, grâce à ça, je suis vraiment heureux. Et je suis mieux. Si moi je suis mieux, je peux mieux éduquer mes enfants, et les aider à mieux construire leurs vies, parce que je ne vois pas tout en noir, je ne pense pas que tout est de la merde (sic). Je vois du soleil plutôt que de la nuit. Et si je peux transmettr­e ça à mes filles, ça fait la différence. Ça permet d’aider à construire des jeunes qui voient la Terre différemme­nt. Si ça peut aider, inspirer, servir d’exemple, pourquoi pas ?

Qui était votre exemple à vous ? Moi, c’était mon père. Il jouait dans l’équipe de rugby d’Afrique du Sud, et quand on croisait des gens dans la rue, ils lui disaient “C’est vraiment super ce que vous faites.” Alors quand il me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais que je voulais être comme lui. Il m’a dit : “C’est impossible, parce que tu es déjà quelqu’un d’unique. ”Çam’a donné une liberté incroyable ! Je pouvais devenir ce que je voulais. Quand on dit en permanence à ses enfants qu’ils ne peuvent pas faire ci, ou pas faire ça, on ne leur enseigne pas la liberté. Ici, à Monaco, l’éducation est très orientée vers l’environnem­ent. Qu’en pensez-vous ? Je trouve que c’est génial. Je connais un peu les objectifs et les intentions du prince Albert II, que j’ai emmené au Pôle Sud et qui a baptisé mon bateau. C’est ici, à Monaco, que je commence mes expédition­s et que je les finis. Parce qu’il y a dans la culture locale, une très forte intention de sauver la nature. Mais c’est aussi normal que ce soit ici. Quand il y a beaucoup de pauvreté, les gens pensent à manger et à nourrir leurs enfants avant tout. Ici, où il y a plus d’argent, on peut s’occuper de la sauvegarde de l’environnem­ent et c’est ce que l’on fait. Cela peut vraiment influencer d’autres endroits, comme la Chine ou Hong Kong, par exemple, à faire la même chose.

Si vous deviez emmener le prince Albert II en expédition quelque part pour l’une de vos émissions, où l’emmèneriez­vous ? Je l’emmènerais en Alaska, pour voir les ours bruns. Il faut qu’on mange avec eux des saumons qu’on pêche, qu’on s’allonge dans les rivières, qu’on se batte avec les moustiques qui peuvent transforme­r ce paradis en enfer. Ça devrait lui plaire, parce qu’il a fait du bobsleigh et, quand on est dans un canoë dans un rapide, c’est un peu comme le bobsleigh. Il aimerait beaucoup aussi, parce que c’est quelqu’un qui a un vrai regard. Il voit la beauté des choses. Au Pôle Sud, il voyait la beauté de la glace et la formation des cristaux, que normalemen­t les gens ne voient pas.

La pollution et le réchauffem­ent climatique, ça vous préoccupe ? Ça me gêne un peu, mais ça ne m’empêche pas de dormir.

Vous êtes si confiant dans l’avenir ? Je crois que le monde va toucher le fond avant de rebondir. Mais vraiment. Quand on sera tout au fond, tout le monde va se ramasser des claques, et ce sera bien fait. Les gens ont pris conscience de la nécessité de protéger la planète, mais ça ne suffit pas. C’est comme avec les enfants : ils savent qu’ils ne doivent pas courir trop vite, mais ils le font quand même, et ils ne se calment que quand ils sont tombés.

Il semblerait que vous soyez amoureux et prêt à redevenir père… C’est super d’avoir presqu’une deuxième vie. Quand on a partagé toute sa vie pendant  ans avec une seule femme, quand elle était tout pour toi, l’après est très difficile. Mais il ne faut jamais comparer deux personnes. Il faut trouver les qualités de la personne que l’on rencontre. Estce que je ne suis pas trop vieux pour avoir un enfant ? Je ne sais pas. Mais je suis quand même le genre de gars qui aime prendre son temps dans les histoires de coeur.

Porter un enfant, c’est une vraie aventure ” J’emmènerais le prince Albert II en Alaska pour pêcher le saumon avec les ours ”

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(Photos Cyril Dodergny)
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