Monaco-Matin

Solidaires des «gilets jaunes»: «Eux, c’est nous, le peuple»

Ils ont de quoi tenir un siège au rond-point de Saint-Isidore, où ils sont installés à Nice. Les soutiens sont nombreux : quelques pièces, de la nourriture ou un geste d’encouragem­ent

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Si, selon les « gilets jaunes », Emmanuel Macron a été longtemps sourd au mouvement, nul doute que certains des rebelles le seront aussi dans peu de temps. Et comme des pots ! Au rond-point de Saint-Isidore, où le mouvement a installé l’un de ses «camps retranchés» à Nice, du matin au soir, c’est un concert de klaxons. Tout au long de la journée, un joli petit embouteill­age se forme sans déclencher la colère des automobili­stes, bien au contraire. Ils passent tous, ou presque, pouce levé, grand sourire. Ou encore poing en l’air, façon « on les aura ». Et la main appuyée sur l’avertisseu­r (très) sonore. Soutiens tous azimuts ! Belles bagnoles ou vieilles guimbardes. Camions. Pétrolette­s. Jeunes, vieux. Hommes ou femmes. Les « gilets jaunes » ont la cote. Dans la cabane au fond du rondpoint, ils entassent les denrées apportées par les automobili­stes. Entasser ? C’est le mot : ça déborde de tous les côtés.

« Une leçon pour mes enfants »

Katia, une Niçoise, est venue avec ses enfants, « c’est mercredi ». Elle leur a expliqué que « c’est une bonne cause ». La jeune femme a apporté de l’eau et des brioches. Un geste. Et une leçon pour ses enfants. « Ils voient que tout le monde est solidaire, que les citoyens soutiennen­t les “gilets jaunes” car ils sont gentils et qu’ils ont raison de se battre », dit-elle, accoudée à la barrière qui permet aux gens de s’arrêter un instant pour déposer une « offrande ». C’est ce que fait d’ailleurs Samy. Il n’est pas « gilet jaune », mais il est derrière eux. À fond. « Eux, c’est nous, c’est vous, c’est le peuple », crie-t-il pour se faire entendre dans le brouhaha. « Il faut qu’ils continuent ! C’est eux qui vont sauver la France. » Sur le rond-point, deux compères rigolent. Jean-Louis, 70 ans, et Joseph, 68 ans, deux Carrossois. Un autre « gilet jaune » passe et les chambre : « Ces deux-là on dirait le Muppet show, ils se disputent toute la journée ! » Des piliers du mouvement. « Ce matin, une vieille dame malade s’est arrêtée et elle a sorti son porte-monnaie pour nous donner quelques pièces, on n’a pas osé refuser, car elle le faisait de bon coeur et c’était tellement touchant », racontent les deux grandes gueules du camp.

« Une vraie solidarité, il a réussi ça, Macron »

Un camp qui prend de l’ampleur. Façon meubles en kit Ikea, des « gilets jaunes » agrandisse­nt la baraque ! De bric et de broc. Sur une immense table, des cagettes de pommes, du pain, des croissants, du jambon, des bonbons. Tout et n’importe quoi. Mais de quoi tenir un siège. «Ça tombe bien on va le tenir », plaisante un « gilet jaune » d’à peine 18 ans. Nono et Flo sont légèrement plus âgés. Les deux Niçois ne sont pas des « gilets jaunes ». Ne le portent pas. Mais ils sont des soutiens. Indéfectib­les. Des gilets jaunes « dans l’âme », lancent-ils. Ils rectifient : « Ou des citoyens en colère, comme vous voulez. » Ils se justifient : « Il faut changer les choses et ça va marcher. Il a réussi ça, au moins Macron : créer une vraie solidarité, Car en fait, on veut tous la même chose, s’en sortir. » Mimoun est d’accord. Et sa première satisfacti­on est autour de lui : « Regardez les gens qui viennent nous remercier de ce que l’on fait. On le fait pour eux, pour nous, c’est le peuple qui parle. » Nathalie en a conscience. Elle n’a rien apporté aux « gilets jaunes », mais s’arrête un instant : « La prochaine fois je le ferai, ce sera ma contributi­on. Ils donnent d’eux-mêmes pour que notre vie à tous soit meilleure. Alors, même si on ne porte pas un gilet jaune, on peut les soutenir. Je vais en parler autour de moi. » Derrière, deux joyeux larrons jaunes se passent des cagettes en riant. « Les paysans de la vallée du Var nous soutiennen­t, ils nous ont apporté des produits», marmonnent-ils, applaudis par des automobili­stes. « Ça fait chaud au coeur. » Un point important pour eux: « Les gens ils ont bien compris que les casseurs, c’est pas nous. D’ailleurs, il y en a qui sont venus pour foutre la merde hier, on les a fichus dehors. »

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(Photos Sébastien Botella) Comme Katia, ils sont des dizaines chaque jour à apporter à manger ou à boire aux « gilets jaunes » du rond-point de Saint-Isidore. À droite, l’un des « porteparol­e » du mouvement à Paris, venu pour la journée, Maxime Nicolle, dit « Fly rider ».
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 ??  ?? Toute la journée, dans un concert de klaxons, les « gilets jaunes » reçoivent le soutien des automobili­stes.
Toute la journée, dans un concert de klaxons, les « gilets jaunes » reçoivent le soutien des automobili­stes.

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