Monaco-Matin

Condamné par contumace pour meurtre, il est acquitté après douze ans de cavale

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

(Photo F. L.) D’abord accusé d’avoir assassiné en 2004 un jeune trafiquant du Cannet à qui il fournissai­t de la drogue, Pierre Baraud a été acquitté hier par la cour d’assises des Alpes-Maritimes. L’avocat général Valérie Tallone, écartant la préméditat­ion, venait de requérir quinze années de réclusion. En 2010, Baraud avait été condamné à vingt ans. Par contumace, ayant pris la fuite en 2005 après treize mois de détention préventive. Sa cavale au Maroc aura duré douze années. À l’audience, c’est un homme abîmé que l’on voit comparaîtr­e. Grand, sec, taiseux, ce fils de harki met en avant sa séropositi­vité et son hépatite C pour expliquer son mal-être. Rien à voir avec le gaillard que l’on décrit en 2004 comme un boxeur amateur au physique athlétique. « En raison de son état de santé, celui que vous avez devant vous a beaucoup changé », souligne à l’intention du jury Me Mélanie Junginger. L’avocate des parties civiles ne cherche pas à brosser devant la mère et la soeur de Kamel Laaroussi le portrait angélique d’une victime de la fatalité. Ce jeune homme n’avait pas 25 ans lorsqu’il a été abattu dans la nuit du 1er au 2 mars 2004, au pied de la résidence Saint-Pierre, au Cannet. Connu pour dealer, il a été criblé de balles. Neuf impacts, dont trois dans le dos et le dernier dans la tête. L’auteur des coups de feu était déterminé à tuer. Kamel a été achevé. Pierre Baraud non plus n’est pas un saint, loin s’en faut. Deuxième d’une fratrie de six, il n’a pas fait grand-chose de sa vie, sinon réparer des voitures. « Au black » puisque, dit-il, «ça suffisait largement ». Surtout, il est sujet à toutes les addictions. Accro à l’héroïne, à la cocaïne, au cannabis. Et au jeu. « Sur le plan psychologi­que, sa séropositi­vité l’a détruit », se souvient enfin un expert qui l’a examiné à l’époque. Sur la nuit du meurtre, on sait juste que Kamel a enregistré une conversati­on au cours de laquelle Baraud fait pression. Le jeune homme lui doit de l’argent, l’autre entend rentrer dans ses fonds. Le reste est flou. Et le témoin désinvolte que les forces de l’ordre ont contraint à venir déposer n’est pas d’un grand secours. A-t-il entendu, cette nuit-là, Baraud menacer Kamel Laaroussi de le « refroidir » ? Ce n’est plus si sûr, constate le président Patrick Véron.

Faute de preuves

Les charges sont-elles suffisamme­nt lourdes pour renvoyer Baraud en prison ? En 2005, son avocat, Me Jean-Louis Keita, avait eu la satisfacti­on de voir le magistrat instructeu­r le remettre en liberté, faute de traces de poudre pouvant l’incriminer. Mais on n’avait aucune chance d’en trouver sur ses mains ou sur ses vêtements, trois jours après les faits. Ce n’est pas la seule carence du dossier. Un habitant du quartier, alerté par les coups de feu, a vainement tenté de joindre la police. Absorbée, au même instant, par le braquage du bar Le Claridge ,à Cannes. Me Keita rappelle également qu’une piste corse a, un temps, été étudiée. Il souligne enfin que le cousin de Baraud, Azedine Seraf, aurait pu être amené à répondre du meurtre. Ce dernier étant mort en 2006, la question ne se pose plus. Oui, Pierre Baraud s’est enfui. «Il préférait mourir libre », dit Me Keita. « La vie a continué », ajoute le défenseur en se tournant vers les jurés : « En l’absence d’éléments probants, vous serez obligés de l’acquitter.» Quatorze ans après, la famille de Kamel Laaroussi ne sait toujours pas qui l’a tué.

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«Vous serez obligés de l’acquitter», avait conclu Me Jean-Louis Keita, l’avocat de Pierre Baraud.

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