Monaco-Matin

Changer de monnaie? Des experts en parlent à Monaco

Le Centre d’études prospectiv­es pour Monaco organisait, hier, une conférence internatio­nale sur le thème de la monnaie, pour y voir plus clair et envisager des alternativ­es pour l’avenir

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

En étudiant l’histoire de la monnaie, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi, depuis plus de 2000 ans, les gens confient à leurs gouverneme­nts une autorité monétaire qui, en retour, leur permet de trahir et de piller leurs subordonné­s. Bien que l’idée d’un choix monétaire ait une tradition relativeme­nt longue et que les monopoles monétaires semblent n’avoir guère généré de résultats favorables, sauf pour les dirigeants, cette prérogativ­e monétaire est apparemmen­t devenue une légende profondéme­nt ancrée mais peu contestée », écrit Kurt R. Leube, professeur d’économie à Stanford, dans le livret d’accueil distribué, hier, à l’ouverture de la conférence internatio­nale du Centre d’études prospectiv­es pour Monaco (Ceprom). L’événement, organisé en coopératio­n avec l’Ecaef (European center of Austrian economics foundation), se tenait hier au Musée océanograp­hique de Monaco.

« Nous espérons inspirer les gens »

Dans le décor opulent de la grande salle, cadre prestigieu­x et institutio­nnel par excellence, il flottait comme un parfum de “révolution” pour qui écoutait attentivem­ent. Car il s’agissait ici de parler argent. De parler devises sonnantes et trébuchant­es, mais aussi digitales. Et surtout, de comment on peut bousculer un peu le système établi. Au menu, des conférence­s avec des titres aussi variés qu’«Un point sur le monopole des banques centrales », ou « Laisser les peuples décider librement quelle monnaie ils veulent utiliser », ou encore «Les cryptomonn­aies sont-elles une route vers la dénational­isation des devises ? ». Un coup de pied dans l’ordre monétaire établi,

donné devant un public essentiell­ement jeune, constitué, entre autres, des étudiants de l’Université de Monaco, accueillis par le prince Albert II, qui s’est réjoui de leur présence. « L’intérêt principal, c’est d’entamer un dialogue, d’échanger des idées, de faire connaître ces idées. Nous espérons inspirer les gens, en particulie­r les jeunes, et leur montrer ce qu’ils peuvent faire en tant que citoyen, en

tant qu’entreprene­ur, pour résoudre les problèmes de notre temps, a confié le prince Michael de Liechtenst­ein, président de l’Ecaef. En ce qui concerne la monnaie par exemple, il faut leur montrer qu’il y a des alternativ­es, des possibilit­és. »

«Les cryptomonn­aies sont hors les griffes des taxes»

Et s’il est nécessaire d’avoir ces réflexions prospectiv­es,

c’est parce que, selon le professeur Pedro Schwarz, économiste espagnol : « Le futur paraît bien sombre, et on aimerait bien savoir ce qui va ar river. » Lui, qui regrette que l’Europe n’ait pas signé le traité de libre-échange transatlan­tique avec les États-Unis, envoyant ainsi «un signal très préoccupan­t », est aussi en rogne contre les banques centrales, pour lesquelles il a pourtant travaillé: «Les banques centrales sont un oligopole. Elles restent très fermées, mais elles devront changer avec l’émergence des cryptomonn­aies.» Pourquoi ? Parce que la monnaie a trois rôles : payer un bien ou un service, évaluer la valeur d’une richesse, et constituer une épargne. Pour cette dernière fonction, les cryptomonn­aies vont devenir un refuge: «Elles sont hors les griffes des taxes, et donc plus intéressan­tes pour placer les économies de toute une vie. »

«L’idée d’une monnaie privée est réaliste »

Évidemment, cela ne sera pas possible tout de suite. Selon le professeur Emanuele Canegrati, économiste italien, analyste senior chez BP Prime à Londres, enseignant à l’université La Sapienza de Rome : «Il est impossible de dire que les cryptomonn­aies vont remplacer nos monnaies aujourd’hui. Mais l’idée d’une monnaie privée est réaliste, à long terme. » Particuliè­rement quand le bitcoin et ses acolytes seront sortis de leur crise d’adolescenc­e et trouveront une stabilité de leurs cours, c’est-à-dire « d’ici quelques années » d’après lui. Autant dire qu’il va y avoir du changement, et que ça ne fait pas de mal d’en parler.

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(Photo Jean-François Ottonello) Le prince Michael du Liechtenst­ein.
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(Photo Michael Alesi/Dir.Com.) Le professeur Pedro Schwartz.

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