Monaco-Matin

L’attachée de direction licenciée récupère des données confidenti­elles

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Vengeance ou fatale méprise? Tromperie inconscien­te ou mensonge ? Le tribunal correction­nel a eu à trancher un dossier sensible concernant une secrétaire de direction d’une grande banque de la place. L’infraction ? L’atteinte frauduleus­e à des données informatiq­ues. Les raisons? Cette jeune Bulgare semble avoir réagi dans l’urgence pour trouver un emploi à l’annonce de son licencieme­nt, le 23 février dernier. Elle transfère sur sa boîte mail des données particuliè­rement délicates sur les clients de l’établissem­ent. À la barre, on la sent un peu perdue dans ses réponses, face à la pression, à la fois de la justice et des plaignants qui craignent une publicité déshonoran­te dans la sphère financière. Et pour cause: dans ces fichiers classés «top secret » : comptes, montants, patrimoine­s des plus gros investisse­urs y sont répertorié­s minutieuse­ment. Évidemment, si de telles données tombaient entre les mains de la concurrenc­e ou d’investigat­eurs peu scrupuleux, les répercussi­ons sonneraien­t le glas de la succursale monégasque. Alors, l’employeur se couvre et dépose plainte…

« Je ne savais pas comment déchiffrer ces fichiers »

Le président Florestan Bellinzona entreprend l’instructio­n du dossier avec un long chapitre sur «l’expédition discursive» des documents bancaires confidenti­els. La prévenue commente, d’emblée, les conséquenc­es de son licencieme­nt. «Je suis seule! Sans famille ! Je ne m’attendais pas à cette décision aussi brutale. J’ai aussitôt collecté et transféré les courriels afin d’obtenir une liste de contacts pour trouver un prochain emploi… » Selon toute apparence, cette résidente beausoleil­loise aurait récupéré à la hâte les fichiers, sans se rendre compte qu’ils contenaien­t des pièces jointes sensibles. Quand le magistrat estime « l’inutilité de ces fameux documents, sur la situation financière de vingt-trois clients les plus importants, pour trouver une autre place », l’intéressée réfute toute intention de nuire. « Je me suis rendu compte de mon manquement quand j’ai comparu devant le conseil de discipline. Cela dit, à mon niveau, je ne savais pas comment déchiffrer ces fichiers… »

« Je n’ai jamais eu l’intention d’aller voir un rival »

Certes, un concurrent n’aurait eu aucun mal à décoder ces éléments où figurent des précieuses indication­s sur des fortunes colossales… La prévenue s’en défend véhément : « Je n’ai jamais eu l’intention d’aller voir un rival de la banque ou de vendre ces fichiers… D’ailleurs, j’ai supprimé la totalité des cinquante-quatre mails… » Il sera également reproché une déclaratio­n sur les conflits d’intérêts, matérialis­ée par une case mal cochée sur des fonctions parallèles de directrice de société. Finalement, une sottise abyssale l’aura installée dans le chômage de longue durée…

« On se moque de nous ! »

Représenta­nt la partie civile, Me Thomas Giaccardi est amer. « On se moque de nous ! Tous les extraits de publicatio­ns sur l’ensemble des informatio­ns légales, économique­s et financière­s relatives à la vie des entreprise­s est consultabl­e sur le Journal officiel de Monaco. Le concours de circonstan­ce n’est pas convaincan­t ! Le secret bancaire doit être respecté… Nous réclamons l’euro symbolique plus 5 000 euros pour les frais de procédure. » Tout a été calculé pour le procureur Alexia Brianti. « Les données n’ont pas été récupérées par hasard, mais détournées au préjudice de son employeur. Elles pouvaient lui être utiles. 2000 euros d’amende pour les deux infraction­s. »

« Il y a surtout une volonté de vindicte de la banque»

En défense, Me Hervé Campana prend le mors aux dents. « Non ! Je ne partage pas pareilles réquisitio­ns. On prête à ma cliente des intentions qu’elle n’a pas sur la manipulati­on de ces données sensibles. Or, ces noms, tout le monde les connaît en vérité. Licenciée, elle perd toute lucidité. Relaxez-là ! Il n’y a rien de faux. Il y a surtout une volonté de vindicte de la banque et une exagératio­n sur le préjudice subi. Avec cette erreur, elle ne retrouvera plus jamais d’emploi à Monaco. » Le tribunal suivra les réquisitio­ns du ministère public et prononcera une relaxe pour la fausse attestatio­n. Pour sa part, la partie civile percevra l’euro symbolique et 1 500 euros pour le préjudice matériel.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco