Le chantier du scandale entrevoit le bout du tunnel
Un groupement d’entreprises italiennes attend le feu vert pour relancer le chantier titanesque de Tende, stoppé par la justice en mai 2017. Ouverture en 2023 dans le meilleur des scénarios
Il vire du vert au rouge toutes les vingt minutes, contraignant automobilistes et chauffeurs poids lourds à ronger leur frein. Positionné à 1 270 m d’altitude, ce feu tricolore est installé là par défaut. Mais il rend de fiers services. C’est lui qui autorise les usagers à s’engager dans le tunnel historique de Tende, et à circuler entre France et Italie via le col du même nom.
À côté, un vaste chantier roupille depuis bientôt deux ans. Celui du second tunnel. Cette nouvelle galerie était espérée pour 2020. Ce sera au mieux en 2023... si les nouveaux maîtres d’oeuvre obtiennent, là encore, un feu vert. La décision est attendue d’un jour à l’autre.
La bonne nouvelle ? Un groupement d’entreprises de Turin est prêt à relancer le chantier. La mauvaise ? Des péripéties administratives risquent de faire capoter ce scénario. Mais avant de l’évoquer, un rappel des faits s’impose.
La moitié du chemin
En 2014, un chantier à plus de 200 millions d’euros démarre de part et d’autre de la frontière. Un chantier XXL, financé par la France (41 %) et l’Italie (59 %), mais piloté par cette dernière. La Fincosit, géant du BTP italien, est chargée de percer cette galerie longue de 3,2 km et large de 6,5 mètres. Objectif : répondre aux normes européennes post-incendie du tunnel du Mont Blanc.
En mai 2017, près de la moitié du tunnel a été creusée (plus de 1 000 mètres côté italien, 480 côté français). Et puis, patatras. Coup de filet dans le milieu du BTP. Une rocambolesque affaire de vol de métaux plombe le chantier. Les parquets de Cuneo et Nice enquêtent, les travaux sont stoppés net, et les malheureux ouvriers sont renvoyés chez eux.
Le deuxième vire en pôle
Au printemps 2018, l’Anas (société italienne en charge du réseau routier) rompt le contrat avec la Fincosit pour faute grave. Problème : qui va reprendre ce chantier bien mal embarqué ? Faute de candidat, la presse italienne évoque le spectre d’un nouvel appel d’offres européen. Le chantier pourrait alors redémarrer à l’horizon... 2027. Depuis, les lignes ont bougé. Le Turinois Edilmaco, arrivé deuxième lors de l’appel d’offres, est finalement prêt à reprendre le flambeau. « Edilmaco a dû calculer s’il était opportun et avantageux économiquement d’intervenir, avec ses moyens, dans un chantier où une entreprise avait commencé les travaux », explique le service de presse de l’Anas.
Contretemps administratif
Passé au peigne fin depuis, le tunnel inachevé ne présente « pas de risque d’écroulement » dixit l’Anas. Coût des travaux restants : environ 100 millions d’euros. « Théoriquement, Edilmaco devrait signer le marché ce mois-ci pour reprendre au printemps. Il y a le feu vert pour reprendre », se réjouit le maire de Tende, Jean-Pierre Vassallo. Feu vert technique, oui. Mais pas encore administratif. Ultime contretemps : une entreprise affiliée à Edilmaco a activé une procédure d’alerte économique. Et bloqué la situation à nouveau.
« Edilmaco voudrait néanmoins engager les travaux, précise l’Anas. Nous avons demandé au procureur général de pouvoir conclure un contrat avec eux. Nous sommes dans l’attente, pour reprendre dès que possible. Si nous avons le feu vert, ce sera avant l’été. »
Le chantier est donc prêt à se réveiller. Angelo Frutterro, le maire de Limone, le confirme. Non sans un soupir résigné. « La volonté politique est là. Mais les normes contractuelles sont très compliquées... »