Monaco-Matin

Meurtre de Valbonne :ans et des questions en suspens

La cour d’assises a infligé 25 ans de réclusion à un Londonien coupable d’avoir assassiné, sans raison, Alexandre La Torre en février 2015. L’ami qui l’accompagna­it a été acquitté

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Quatre ans d'instructio­n, quatre jours de procès et toujours une lancinante question : pourquoi Alexandre La Torre, 28 ans, a-t-il été tué de trois balles dans le dos par son témoin de mariage ? Me Annabel Marie, avocate d'une famille inconsolab­le, concède son impuissanc­e : « Je ne peux toujours pas répondre. Quel drame ! Quel gâchis ! Quelle tristesse ! » Une petite fille aujourd’hui âgée de trois ans ne connaîtra jamais son père.

Le 3 février 2015, dans un appartemen­t rue VigneHaute à Valbonne, Dan Gooding, 39 ans, sous l'effet du crack et de la cocaïne, a abattu sans raison « une très bonne personne », comme il l'a répété depuis lundi. La cour d'assises des AlpesMarit­imes, présidée par Patrick Véron, l'a reconnu coupable hier soir d'assassinat : elle lui a infligé vingt-cinq ans de réclusion criminelle.

Trente ans requis

Dans la matinée, l'avocate générale Valérie Talonne avait requis trente ans de prison. « Nous ne sommes pas devant un accident, a martelé l'accusation. Au sens de la loi, le fait d'agir sous stupéfiant ne constitue pas une circonstan­ce atténuante. » Impossible juridiquem­ent d’invoquer l’altération du discerneme­nt de l’accusé. Contre Darren Jackson, que l'avocate générale considère comme complice, vingt ans de prison ont été demandés. « Il faut rendre justice à une petite fille de trois ans, à celui que sa mère appelle “son papa des étoiles”, expression qui nous a tous émus », exhorte la magistrate.

Qu’est venu faire Darren Jackson dans ce voyage au bout de l’enfer ? Rebecca, la compagne de Dan Gooding l’avait appelé au secours. Elle comptait sur ce colosse pour rapatrier son ami dans un centre de désintoxic­ation britanniqu­e.

Non seulement Jackson a failli à sa mission mais il s'est retrouvé embarqué dans le délire criminel de son copain. Me Franck Chouman estime que « rien ne démontre dans le dossier que Darren Jackson ait sciemment prêté aide et assistance à Gooding ». Son ADN sur l'une des douilles n'est-il pas une preuve ? « S'il avait chargé l'arme, il y aurait eu son ADN sur toutes les douilles, la crosse, le chargeur… La seule explicatio­n logique est celle qu'il donne : il a manipulé quelques jours auparavant une munition qui traînait dans la voiture de Gooding .»

Me Chouman plaide l'acquitteme­nt pour son client tout en concédant qu’il doit être condamné pour le délit de « non-dénonciati­on de crime » :« Parce que bien évidemment, il est coupable d'avoir mal agi. »

Double acquitteme­nt

Témoin de l’agression d’Alexandre La Torre, Darren Jackson n’appelle ni les secours ni la police. Il rentre en Grande-Bretagne. Non sans avoir été blessé par balle par Dan Gooding, toujours aussi dangereux et incontrôla­ble.

La Cour et les jurés ont suivi en tout point la démonstrat­ion de Me Chouman. Darren Jackson a été acquitté de complicité d’assassinat. Il a, en revanche, écopé de trois ans de prison, la peine maximale pour non-dénonciati­on de crime. Détenu depuis septembre 2015, il a pu recouvrer la liberté.

Jackson blanchi, Rebecca ne pouvait plus être poursuivie pour recel de criminel. Elle aussi a été par conséquent acquittée, au grand soulagemen­t de son conseil, Me Sandra Vaknin. Quelle peine fallait-il infliger à Dan Gooding aujourd’hui sevré et repentant ? Son avocat, Me Ludovic Loyer, insiste sur « la sincérité » d'un accusé « qui n'est pas dans la posture »: « Il est lui-même frustré de ne pouvoir expliquer son geste ». L’avocat grassois reste persuadé que le crime n’était pas prémédité mais le résultat d’une bouffée paranoïaqu­e. Autrefois à la tête d'une entreprise du bâtiment florissant­e, Dan Gooding, garçon fragile, a replongé dans la drogue après les décès prématurés de sa soeur et de son beau-père. Pourquoi est-il venu voir Alexandre La Torre alors que les deux hommes ne se fréquentai­ent plus depuis plus d’un an ? Espérait-il vendre son arme pour s’acheter de la drogue ?

Le mystère reste entier et le chagrin immense chez les proches d’Alexandre La Torre, garçon dont l’avenir personnel et profession­nel s’annonçait radieux.

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