Un procès dans une ambiance de guerre froide
On se serait cru en pleine guerre froide ! À l’audience du tribunal correctionnel, une victime est venue conter les coups reçus au visage à la suite d’éclaboussures d’eau le 9 juillet 2018, à la Villa Paloma. L’affrontement concerne une concurrence rivale entre un collectionneur d’art, le prévenu, et un spécialiste du monde de l’art, le plaignant. Ce drôle de tableau, sur fond de lutte d’influence, met en scène l’agresseur né à Moscou et résidant à Londres. Il est présenté par le demandeur comme un tueur, un trafiquant de devises, un prisonnier de droit commun condamné à huit ans d’incarcération, un homme d’appareil de l’ex-Union soviétique recruté par le KGB… qu’il connaît depuis quarante ans.
« Pas de légitime défense »
Cet « apparatchik » n’est pas présent à la barre. Mais il a envoyé une déclaration lue par le président Jérôme Fougeras-Lavergnolle. Il ne nie pas les deux coups de poing au visage de la victime. Mais c’est en réaction au jet d’un verre d’eau reçu en pleine figure au cours d’un cocktail dînatoire au Nouveau Musée National de Monaco.
« J’ai voulu laver mon honneur. Des personnes confirment le geste de celui qui m’accuse, le barman en témoigne. Il n’y a jamais eu de contentieux entre nous. Je le connais depuis 1983… » Le magistrat, dubitatif : « Ce jet d’eau est-il volontaire ou accidentel ? »
La partie civile : « Je me suis avancé vers le buffet pour boire. Un personnage s’approche et me bouscule. Avec mon verre à la main, c’est certainement une éclaboussure. En réaction, il me frappe en pleine tempe. Il a voulu me tuer car j’en sais beaucoup trop sur lui ! Je suis un miraculé… Puis je l’ai vu partir en courant. Le lendemain, j’ai consulté à la clinique Saint-George. Voilà un certificat médical de trois jours d’ITT. Tout est faux dans les assertions de mon agresseur et je n’ai pas bu d’alcool. C’est un mensonge de A à Z : il y a bien un contentieux latent. Je demande une somme de 10 000 € .» Ce choix d’attaque et le procédé de provocation inspirent au procureur Alexia Brianti une phrase très remarquée dans le prétoire : « Victime n’est pas synonyme de vérité absolue. Toutefois, la réaction du prévenu est disproportionnée. Il n’était pas en état de légitime défense et ce n’est nullement une excuse de provocation. C’est un délit de violence, sans vouloir le tuer, comme le prétend le plaignant. Une peine d’amende de 2000 € est adaptée. »
« Une menace »
La défense va gêner les plans très controversés du demandeur qui semble omettre une partie de l’histoire. « On peut comprendre la stupeur, quand le mis en cause reçoit le verre d’eau, admet Me Stephan Pastor. Il n’a pas réfléchi. Ce personnage présent à la barre est coutumier du fait et ce n’est pas la première fois qu’il agit de la sorte. Je demande la relaxe car mon client a pu considérer ce geste comme une menace. Sinon, il n’aurait jamais donné deux coups de poing. »
Le tribunal a suivi les réquisitions du ministère public et minoré la somme demandée par la partie civile : 500 €.