Monaco-Matin

Moussa Coulibaly, récit d’une dérive

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Il est le premier à frapper en France, après les tueries de Charlie hebdo, Montrouge et de l’Hyper casher (du 7 au 9 janvier 2015). L’attentat commis par Moussa Coulibaly survient dans un pays ressoudé par la « marche républicai­ne », dans une ville marquée par l’assassinat d’un Niçois en Kabylie (Hervé Gourdel, le 24 septembre 2014). Dans ce contexte électrique, les militaires attaqués devront tenir la foule à distance pour éviter qu’elle ne lynche l’assaillant. Récit et révélation­s sur sa dérive criminelle conclue dans le sang.

■ Une stratégie de l’évitement Le 25 janvier 2015, Moussa Coulibaly quitte discrèteme­nt son domicile de Mantes-la-Jolie. Il tente de gagner la Turquie via Nice (déjà), Toulon, Ajaccio puis Rome. Le 29 janvier, il est refoulé d’Istanbul et redébarqué à Nice. À ses dires, il comptait faire du tourisme, « visiter un peu » Nice, la Corse et la Turquie, « pays musulman ».

Les juges, eux, sont convaincus qu’il voulait rejoindre les rangs d’une organisati­on terroriste en Syrie. En atteste sa discrétion. Coulibaly n’a parlé à personne de son périple – sa mère le croit mort –, ne réserve rien à l’avance, jongle avec les téléphones portables et les cartes Sim. Tout semble traduire une volonté de passer sous les radars des services de renseignem­ent.

■ Il veut « mourir en martyr » En région parisienne, Moussa Coulibaly s’est fait remarquer pour sa radicalisa­tion et son prosélytis­me. Il somme sa mère de se convertir au « vrai islam », traite ses proches de « mécréants », s’enivre de vidéos de propagande djihadiste et lit L’Absolution, signée du théoricien d’al-Qaïda. Son souhait : « Mourir en martyr ». Soit les strictes consignes d’un État islamique alors en plein essor. Un autre point commun avec Amedy Coulibaly, son homonyme tueur de l’Hyper casher. Moussa s’indigne du nombre d’actes islamophob­es en France et se dit « énormément choqué » par l’interventi­on en Irak – « Il faut s’en prendre à eux et les empêcher de faire ce qu’ils font. » Son prosélytis­me lui vaut d’être évincé de sa salle de sport, où il ne supportait plus la nudité dans les vestiaires. ■ Les mensonges face à la DGSI Refoulé à Istanbul, Moussa Coulibaly est passé au crible de la direction générale de la Sécurité intérieure. Il est relâché, après avoir empilé les mensonges sur ses intentions « touristiqu­es ». Rétrospect­ivement, de multiples signes trahissent ses réels projets.

Il a établi une procuratio­n bancaire au nom de son frère – technique habituelle des candidats au djihad. Il conserve un journal titrant « Sur le pied de guerre », consacré au déploiemen­t de 10 000 militaires pour l’opération Sentinelle. Il collection­ne dans sa chambre d’hôtel à Nice près de 130 piles, très prisées en zone de guerre. Surtout, il fréquente des personnage­s sulfureux : l’un d’eux sera incarcéré dans l’affaire de l’attentat déjoué à Villejuif.

■ Une attaque préméditée ? Nice, 3 février 2015, 14 h 03. Moussa Coulibaly extirpe de son sac de sport deux longs couteaux. Et frappe. En garde à vue à la police judiciaire de Nice, puis face au juge à Paris, il menace « François cochon Hollande » (sic) et vocifère : « Des comme moi, il y en a des millions (...). Les policiers, les militaires, les juifs, vous ne serez jamais en sécurité ! »

Depuis, Moussa Coulibaly a tempéré son propos, répondu aux questions, accepté une expertise psychiatri­que. Il a même exprimé des regrets sur son acte, imputé à une mauvaise interpréta­tion des textes religieux. Mais il persiste à nier toute préméditat­ion.

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Moussa Coulibaly lors de sa garde à vue dans les locaux de la PJ de Nice. (Photo Franck Fernandes)

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