Monaco-Matin

Deux drapeaux valent mieux qu’un

- PATRICE MAGGIO Directeur adjoint des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

Il est fini le temps des hussards noirs. C’était il y a cent ans, autant dire une éternité, quand les instituteu­rs – bien plus considérés qu’aujourd’hui – élevaient les petits Français dans le culte des valeurs de la République avec un grand V. La liberté, l’égalité, la fraternité, trois petits mots répétés en boucle, à une époque encore plus ballottée que la nôtre. On ajoutait souvent le mot paix pour faire bonne mesure. En ce temps-là, la guerre n’était jamais loin, la dernière comme la suivante. Un siècle plus tard, est-il vraiment nécessaire de coller un drapeau et les paroles de La Marseillai­se sous le nez de la génération , comme le prévoit l’amendement d’Éric Ciotti inclus dans le projet de loi sur « l’école de la confiance » ? Beaucoup en doutent, dans l’opposition comme dans le monde de l’éducation. La députée communiste Elsa Faucillon est montée au créneau en leur nom : « On ne se laissera pas dicter des leçons de patriotism­e par ceux qui invoquent la crise d’identité en ignorant la vraie crise, celle de l’égalité, à l’école et au-delà. » Pourtant, ce n’est pas du tropplein de symboles dont souffrent les gosses d’aujourd’hui. C’est du manque de repères. Ils se laissent si facilement berner ( % des moins de  ans croient à cinq théories complotist­es… ou plus) que çela en est découragea­nt. Le lien qui les rattache à la République est comme ce fil de nylon que l’on tente de couper à la carabine dans les fêtes foraines. On le croit à toute épreuve, mais à force de tirer dessus, de le fragiliser, il est près de céder. Les parents ? Beaucoup, sans forcément l’avouer, ont eux-mêmes perdu foi dans le modèle républicai­n. Ceux qui y croient encore ne font pas le poids, idéologiqu­ement, contre les réseaux sociaux. Reste l’école. Quand les familles sont défaillant­es, elle devient un commode filet de sécurité (backstop comme disent les Britanniqu­es), contre toutes les dérives de la société. Or, à l’évidence, le drapeau tricolore déjà accroché à l’entrée des établissem­ents scolaires flotte, aujourd’hui, dans le vide. Alors, un drapeau de plus, un refrain patriotiqu­e de mieux, au plus près des élèves, non pas pour prendre la poussière mais pour provoquer le débat, pourquoi pas ? La majorité devrait y réfléchir à deux fois avant de torpiller l’idée, comme elle en a l’intention, lors d’un vote de rattrapage, d’ici à la fin de la semaine.

« Ce n’est pas du trop-plein de symboles dont souffrent les gosses d’aujourd’hui. C’est du manque de repères. »

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