Deux drapeaux valent mieux qu’un
Il est fini le temps des hussards noirs. C’était il y a cent ans, autant dire une éternité, quand les instituteurs – bien plus considérés qu’aujourd’hui – élevaient les petits Français dans le culte des valeurs de la République avec un grand V. La liberté, l’égalité, la fraternité, trois petits mots répétés en boucle, à une époque encore plus ballottée que la nôtre. On ajoutait souvent le mot paix pour faire bonne mesure. En ce temps-là, la guerre n’était jamais loin, la dernière comme la suivante. Un siècle plus tard, est-il vraiment nécessaire de coller un drapeau et les paroles de La Marseillaise sous le nez de la génération , comme le prévoit l’amendement d’Éric Ciotti inclus dans le projet de loi sur « l’école de la confiance » ? Beaucoup en doutent, dans l’opposition comme dans le monde de l’éducation. La députée communiste Elsa Faucillon est montée au créneau en leur nom : « On ne se laissera pas dicter des leçons de patriotisme par ceux qui invoquent la crise d’identité en ignorant la vraie crise, celle de l’égalité, à l’école et au-delà. » Pourtant, ce n’est pas du tropplein de symboles dont souffrent les gosses d’aujourd’hui. C’est du manque de repères. Ils se laissent si facilement berner ( % des moins de ans croient à cinq théories complotistes… ou plus) que çela en est décourageant. Le lien qui les rattache à la République est comme ce fil de nylon que l’on tente de couper à la carabine dans les fêtes foraines. On le croit à toute épreuve, mais à force de tirer dessus, de le fragiliser, il est près de céder. Les parents ? Beaucoup, sans forcément l’avouer, ont eux-mêmes perdu foi dans le modèle républicain. Ceux qui y croient encore ne font pas le poids, idéologiquement, contre les réseaux sociaux. Reste l’école. Quand les familles sont défaillantes, elle devient un commode filet de sécurité (backstop comme disent les Britanniques), contre toutes les dérives de la société. Or, à l’évidence, le drapeau tricolore déjà accroché à l’entrée des établissements scolaires flotte, aujourd’hui, dans le vide. Alors, un drapeau de plus, un refrain patriotique de mieux, au plus près des élèves, non pas pour prendre la poussière mais pour provoquer le débat, pourquoi pas ? La majorité devrait y réfléchir à deux fois avant de torpiller l’idée, comme elle en a l’intention, lors d’un vote de rattrapage, d’ici à la fin de la semaine.
« Ce n’est pas du trop-plein de symboles dont souffrent les gosses d’aujourd’hui. C’est du manque de repères. »