Monaco-Matin

À Cabris, à l’écart de l’agitation, « on respire »

Dans cette petite commune du pays grassois où « tout le monde se connaît, mais ce n’est jamais pesant », on met en avant la tranquilli­té, l’entraide et le mélange des génération­s

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

David Tasso, 45 ans, vit ici depuis toujours. Ou presque. Son père faisait le taxi à Cabris avant d’ouvrir son café, devenu restaurant. Lui, travaille le polyester et répare piscines et bateaux. Son attachemen­t à la commune tient en peu de mots : «Ilya trente ans, on était 1 500. C’est toujours le cas aujourd’hui. »

Si la population, comme il le dit en blaguant, s’autorégule en laissant repartir les grincheux tandis que sont cooptés les nouveaux arrivants qui manifesten­t vraiment le désir de s’intégrer, la réalité est peut-être un peu plus contrastée. Son épouse Judith, d’origine slovaque, participe justement au nouveau recensemen­t.

« Cabris, ça se paye »

Un mois de travail à quatre pour visiter les 966 logements de la commune. « Beaucoup de personnes âgées seules et de nombreuses résidences secondaire­s. » Ce qui, soit dit en passant, lui permet de vivre convenable­ment : « Je m’occupe d’entretenir des villas dont les propriétai­res sont absents tout l’hiver. » Le couple a deux enfants. « Les petits, ici, on n’a pas besoin de les surveiller », dit Judith, qui se souvient d’un seul incident : «Unjour,les gendarmes nous en ont ramené un à la maison. Il faut dire qu’un homme était recherché après s’être évadé de prison. Le genre de chose qui se produit toutes les morts d’évêque...»

« Loin de rien mais, déjà, à l’écart de l’agitation des grandes villes » ,résume Judith, qui juge ce compromis idéal. Plus cher que Saint-Cézaire ou Saint-Vallier, l’immobilier de ce village affiche des prix comparable­s à ce que l’on trouve à Vence. « Cabris, ça se paye » , observe la jeune femme. « Ici, je fais ce que je veux, personne ne me pousse. Tout ce que nous avons, nous le devons à notre travail. Je suis partie de rien, mais je trouve qu’avec mon mari, on s’en est bien sortis », argumente Judith, qui veut le souligner : « En Slovaquie, il n’y a pas de CAF, ni de chômage. Si tu ne travailles pas, on te donne 20 euros par mois. »

Olivier Buccellato, dit Lulu, est un artiste peintre de 40 ans. Originaire de Grasse, il s’est implanté à Cabris après avoir bourlingué entre Paris et le reste de la France. Cet « amuseur mural », comme il se décrit, peint notamment des chats tout en multiplian­t les références à Basquiat.

Il est là, le bonheur ? «Il ne lui manque qu’une femme et cinq gosses ! », corrige Judith dans un grand éclat de rire.

« À Cabris, tout le monde se connaît, mais ce n’est jamais pesant. Il y a de l’entraide. Des contacts, que ce soit avec les jeunes ou les vieux. Et ça, c’est beau », se félicite Lulu. Chez lui, aucun regret : « Être artiste, c’était mon rêve. Quels que soient les sacrifices. Je ne vis pas mal, mais je vis modestemen­t. Je sais me satisfaire, ça me suffit. »

« Pour notre fils »

Marjorie, 37 ans, est de retour après une année aux Antilles. Son fils Shayne y a fait sa première rentrée scolaire. « C’est pour lui que j’ai voulu revenir. Pour qu’il puisse fréquenter une école de village, avec toute l’attention que cela suppose. Un choix stratégiqu­e », assure cette jeune maman «unpeuécolo» ,assistante de direction dans une entreprise de parfumerie, à Grasse. A-t-elle réussi sa vie ? « C’est une question très large. Je suis tentée de répondre oui, la famille étant pour moi le premier critère de réussite. Le reste, on s’en accommode toujours. »

Christelle, au village depuis quarante-deux ans, apprécie d’avoir pu offrir à ses deux enfants des jours tranquille­s : « On respire, contrairem­ent à Grasse, une ville tellement embouteill­ée ». Restauratr­ice, elle a repris un établissem­ent où le Petit Prince a laissé son empreinte : « La comtesse de Saint-Exupéry y avait ses habitudes, elle venait régulièrem­ent prendre son thé. »

La clientèle s’est renouvelée, le paysagiste Jean Mus ou l’architecte Jean-Michel Wilmotte ont remplacé la maman de Saint-Ex’. « Je ne repartirai­s pour rien au monde », jure Christelle.

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(Photo Frantz Bouton) Marjorie est rentrée des Antilles pour que son fils puisse fréquenter une « école de village ».

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