En conflit avec son patron, l’architecte efface des fichiers
C’est une sorte de « maîtrechanteur 2.0 » qui a comparu devant le tribunal correctionnel. Cet homme de l’art dans l’édification est en conflit avec son patron pour une histoire de salaire et de poste hiérarchique au niveau de l’encadrement dans un cabinet d’architecture de Monaco. Comme son boss n’a pas cédé à ses demandes, l’employé s’est vengé. En juin dernier, il a perturbé le système informatique. Il a d’abord effacé deux fichiers sensibles, puis il a reformaté l’ensemble des ordinateurs. À l’issue du dépôt de plainte, l’enquête fait vite référence à la vidéosurveillance. On voit le prévenu rentrer dans les locaux un dimanche soir, vers 20 h 30, quand le personnel est habituellement absent…
« Je travaillais en confiance »
Quand la menace vient de l’intérieur, voire de l’employé lui-même, les forteresses informatiques, peuplées de pare-feu, d’anti-virus et autre anti-malware ne sont plus de véritables murs infranchissables. Les protections du système d’information sont à la merci de l’agresseur.
Dès lors, le président Jérôme Fougeras Lavergnolle analyse rapidement la situation par la question primordiale posée à cet architecte résidant à Beausoleil : « Cherchiezvous à nuire ? »
Le prévenu reconnaît uniquement la manipulation sur son ordinateur de bureau, « où j’ai dû réinstaller deux fois le système. Pour parvenir à ce que l’on me reproche, il faut avoir les compétences requises. Donc un autre niveau en informatique… »
Le plaignant n’accorde aucun crédit à de telles affirmations. «Cet homme a effacé des projets en cours. J’étais en discussion d’une proposition d’augmentation. Je travaillais en confiance… »
« C’est une vengeance dans le but de nuire »
Plus virulent, Me Christophe Ballerio met en exergue « une sensation de trahison après dix-huit ans de vie professionnelle. L’employé procède à l’altération du système. Puis à la suppression de fichiers et données, avec une incidence pour entraver le fonctionnement de l’entreprise. C’est une vengeance dans le but de nuire. Pour le préjudice moral nous demandons l’euro symbolique. En revanche, sur le plan financier, les dommages sont importants : 4 200 euros. »
Le premier substitut Olivier Zamphiroff ne croit pas au geste enfantin. « Ne vous laissez pas séduire par ce mot. Si ce personnage ne trouve pas son patron assez généreux, il doit aller voir ailleurs. Ce comportement à la fois de juge et partie est inacceptable. Appréciez les conséquences des entraves et altération ! Pensez aux tracasseries ! Historiques, mots de passe, codes… On est dans l’intentionnalité de faire du mal. Entre deux et quatre mois de prison assortis du sursis. » La défense admet le comportement stupide de son client.
« L’informaticien a été un excellent commercial »
« Cette bêtise d’avoir effacé et reformaté deux ordinateurs l’a conduit à son licenciement, admet sans craindre le blâme Me Hervé Campana. Il faut s’interroger sur les problèmes de pièces transmises par la partie civile à la veille de l’audience. Ne trouvez-vous pas étranges ces témoignages de l’épouse du patron et d’une salariée ? Restons dans le dossier pénal. Si quelque chose a disparu, rien n’a paralysé le système informatique. Cet homme a même noté les nouveaux mots de passe afin de les porter à la connaissance du personnel. On évite d’agir de la sorte quand on veut faire mal. Je sollicite la relaxe. Enfin, l’informaticien a été un excellent commercial : 4 000 euros pour changer deux ordinateurs… »
Après en avoir délibéré, le tribunal a requalifié les faits en délit d’entrave avec une peine de 2000 euros d’amende. Il a attribué à la partie civile 1 euro pour le préjudice moral et 4 000 euros pour les pertes financières.