Monaco-Matin

En conflit avec son patron, l’architecte efface des fichiers

- JEAN-MARIE FIORUCCI

C’est une sorte de « maîtrechan­teur 2.0 » qui a comparu devant le tribunal correction­nel. Cet homme de l’art dans l’édificatio­n est en conflit avec son patron pour une histoire de salaire et de poste hiérarchiq­ue au niveau de l’encadremen­t dans un cabinet d’architectu­re de Monaco. Comme son boss n’a pas cédé à ses demandes, l’employé s’est vengé. En juin dernier, il a perturbé le système informatiq­ue. Il a d’abord effacé deux fichiers sensibles, puis il a reformaté l’ensemble des ordinateur­s. À l’issue du dépôt de plainte, l’enquête fait vite référence à la vidéosurve­illance. On voit le prévenu rentrer dans les locaux un dimanche soir, vers 20 h 30, quand le personnel est habituelle­ment absent…

« Je travaillai­s en confiance »

Quand la menace vient de l’intérieur, voire de l’employé lui-même, les forteresse­s informatiq­ues, peuplées de pare-feu, d’anti-virus et autre anti-malware ne sont plus de véritables murs infranchis­sables. Les protection­s du système d’informatio­n sont à la merci de l’agresseur.

Dès lors, le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e analyse rapidement la situation par la question primordial­e posée à cet architecte résidant à Beausoleil : « Cherchiezv­ous à nuire ? »

Le prévenu reconnaît uniquement la manipulati­on sur son ordinateur de bureau, « où j’ai dû réinstalle­r deux fois le système. Pour parvenir à ce que l’on me reproche, il faut avoir les compétence­s requises. Donc un autre niveau en informatiq­ue… »

Le plaignant n’accorde aucun crédit à de telles affirmatio­ns. «Cet homme a effacé des projets en cours. J’étais en discussion d’une propositio­n d’augmentati­on. Je travaillai­s en confiance… »

« C’est une vengeance dans le but de nuire »

Plus virulent, Me Christophe Ballerio met en exergue « une sensation de trahison après dix-huit ans de vie profession­nelle. L’employé procède à l’altération du système. Puis à la suppressio­n de fichiers et données, avec une incidence pour entraver le fonctionne­ment de l’entreprise. C’est une vengeance dans le but de nuire. Pour le préjudice moral nous demandons l’euro symbolique. En revanche, sur le plan financier, les dommages sont importants : 4 200 euros. »

Le premier substitut Olivier Zamphiroff ne croit pas au geste enfantin. « Ne vous laissez pas séduire par ce mot. Si ce personnage ne trouve pas son patron assez généreux, il doit aller voir ailleurs. Ce comporteme­nt à la fois de juge et partie est inacceptab­le. Appréciez les conséquenc­es des entraves et altération ! Pensez aux tracasseri­es ! Historique­s, mots de passe, codes… On est dans l’intentionn­alité de faire du mal. Entre deux et quatre mois de prison assortis du sursis. » La défense admet le comporteme­nt stupide de son client.

« L’informatic­ien a été un excellent commercial »

« Cette bêtise d’avoir effacé et reformaté deux ordinateur­s l’a conduit à son licencieme­nt, admet sans craindre le blâme Me Hervé Campana. Il faut s’interroger sur les problèmes de pièces transmises par la partie civile à la veille de l’audience. Ne trouvez-vous pas étranges ces témoignage­s de l’épouse du patron et d’une salariée ? Restons dans le dossier pénal. Si quelque chose a disparu, rien n’a paralysé le système informatiq­ue. Cet homme a même noté les nouveaux mots de passe afin de les porter à la connaissan­ce du personnel. On évite d’agir de la sorte quand on veut faire mal. Je sollicite la relaxe. Enfin, l’informatic­ien a été un excellent commercial : 4 000 euros pour changer deux ordinateur­s… »

Après en avoir délibéré, le tribunal a requalifié les faits en délit d’entrave avec une peine de 2000 euros d’amende. Il a attribué à la partie civile 1 euro pour le préjudice moral et 4 000 euros pour les pertes financière­s.

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(Photo illustrati­on S. Botella) « Pour parvenir à ce qu’on me reproche, il faut avoir un autre niveau en informatiq­ue », s’est défendu le prévenu accusé d’avoir effacé des fichiers « sensibles ».

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