Monaco-Matin

Ce patron qui promet  % de pouvoir d’achat en plus

Ce n’est pas son premier coup d’éclat. Précurseur des 35 heures, le Niçois Max Alunni, inventeur de la carrosseri­e rapide, passe la vitesse supérieure. Il promet 20 % de mieux sur 4 ans à ses 230 salariés

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Il ne souhaitait pas que ces quelques « détails » soient évoqués. Max Alunni, 68 ans, nous pardonnera. Car il n’est pas si fréquent de voir un patron renoncer volontaire­ment aux attributs de son succès. C’est pourtant bien le cas, puisque cet entreprene­ur azuréen vient de commencer l’année 2019 avec trois étonnantes résolution­s. Petites ou grandes, chacun appréciera.

Il fait d’abord une croix sur les deux tiers de sa rémunérati­on. Promet de troquer son Porsche Cayenne « statutaire », comme on l’écrit hâtivement dans les magazines spécialisé­s, contre une Fiat 500 automatiqu­e et populaire. Se résout enfin à disperser une demi-douzaine d’automobile­s de collection. Dont un cabriolet Alfa Romeo Giulia et une Rolls-Royce Silver Cloud à faire se damner tout amateur de belles carrosseri­es. La carrosseri­e, précisémen­t, est son métier. C’était déjà celui de son grand-père et de son père. Lui, après s’être essayé à la boucherie comme apprenti, a exploité un restaurant italien pendant dix ans, avant de se rallier à la cause familiale.

Une ascension non-stop

Mais à sa sauce. En 1978, il ouvre son premier atelier dans le quartier Estienned’Orves, à Nice. Et, très vite, développe son concept de carrosseri­e rapide en déparant les flux pour traiter plus vite les petites bosses, deux équipes se succédant sur chacun des postes de travail. Design moderne, infrastruc­tures propres et insonorisé­es, accueil en façade pour éviter aux conductric­es, de plus en plus nombreuses, de traverser tout l’atelier : la réussite est à la clé. Les compagnies et mutuelles adhèrent. Les agréments pleuvent et les commandes s’enchaînent. Malgré quelques vicissitud­es économique­s, Albax prospère. Quarante ans plus tard, Max Alunni est à la tête d’un réseau de quatorze entités, de Nice à Paris. Sans compter le fleuron de la restaurati­on de voitures anciennes, qu’il rachète à André Lecoq en 2006 et transfère de Saint-Ouen à Bezons (Vald’Oise). S’y ajoute depuis peu l’antenne de Mandelieu-La-Napoule, dédiée aux supercars. Soit, au total, 230 salariés pour un chiffre d’affaires de 27 millions d’euros.

Et puis, les « gilets jaunes ».

« Un métier pauvre »

Un électrocho­c. «Ceque j’entends sur les ronds-points me révolte. Je donne raison à la plupart d’entre eux. Des gens qui se lèvent tous les matins pour aller travailler et qui, tout en ayant un bulletin de salaire, ne bouclent plus leurs fins de mois. Je me rends compte que chez moi, certains connaissen­t le même sort. Et je me dis que non, ce n’est pas possible. » « Que faire ? Comment répondre à leur attente tout en satisfaisa­nt aux besoins de l’entreprise ? », se demande Max Alunni.

La carrosseri­e est « un métier pauvre » ; les marges ont rétréci comme peau de chagrin, le turnover est important. Sans avoir jamais vécu lui-même « comme un Américain », l’entreprene­ur réduit provisoire­ment son train de vie. Non pas pour l’exemple, mais pour se donner les moyens du plan qu’il a lui-même échafaudé. « Moi qui sors d’une HLM de Saint-Roch à Nice, ce n’est pas parce que j’ai gagné quatre sous dans ma vie que je me sens à l’abri. Pas un seul jour je ne me suis dit que c’était gagné. Demain, je peux tout perdre. »

Il pose surtout cette équation : « Un effectif qui augmente, c’est un coût de revient qui diminue. Donc de la croissance. Mais pour grandir, il faut de l’attractivi­té. Notre vrai problème, c’est la pénurie de personnel. En augmentant le pouvoir d’achat de 20 % sur quatre ans, et en formant deux fois plus d’apprentis, je peux faire venir des gens et les fidéliser. »

Sa recette reste secrète. Des primes, des avantages et des incitation­s doivent, par effet d’entraîneme­nt, contredire le pessimisme ambiant. Une certitude : «Je dois recruter. Beaucoup. Au moins cinquante personnes. Chaque salarié à 100 % de productivi­té représente une marge nette de 55 000 euros par an. Plus j’embauche et plus je suis dans le vrai. À condition que les clients choisissen­t Albax. »

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(Photo Eric Ottino) Max Alunni : « Pas un jour dans ma vie je ne me suis dit que c’était gagné. Demain, je peux tout perdre. »

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