Monaco-Matin

Jeanfi Janssens un drôle de ch’ti aux Sérénissim­es

Hier soir, Jeanfi Janssens, l’ex-steward Ch’ti et étoile montante de l’humour, se produisait au Grimaldi Forum dans le cadre des Sérénissim­es de l’humour. Une interview sans filtres

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Les expression­s sont bien connues. Tutoyer les étoiles, atteindre le septième ciel, décrocher la lune. Jean-Philippe, alias Jeanfi, Janssens a opéré le chemin inverse. De la carlingue d’un avion comme steward, il est retourné sur terre. Sur les planches des théâtres. Pour faire rire les gens. Confortabl­ement en place chez Air France près de deux décennies, il a tout plaqué pour l’humour. Et aujourd’hui, il décolle ! Vous suivez ? Membre de la team des Grosses Têtes de Ruquier, l’humoriste Ch’ti, à l’accent prononcé, est en pleine tournée. Hier, il faisait une halte sur la scène du Grimaldi Forum pour les Sérénissim­es de l’humour. À quelques minutes de son spectacle, nous avons rencontré un quadra affable, sans prises de tête. Les pieds sur terre et la tête dans les étoiles. Un juste retour des choses.

Un Ch’ti à Monaco, comment on se sent ?

Ça fait un gros contraste ! Je connais Monaco dans un autre contexte car je suis venu ici avec des amis médecins au congrès de médecine esthétique. J’ai eu l’occasion de connaître “l’Empire monégasque” (rires). On se sent différent que si on veut bien se sentir différent. Pourquoi Monaco serait à part ?

Est-ce que c’est plus compliqué de faire des vannes ici ?

Je ne sais pas. Est-ce qu’ils ont la même appréhensi­on des vannes et de l’humour ? Je pense que oui car les mêmes sujets nous font rire. Après, est-ce que l’humour populaire fait rire à Monaco ? On verra ce soir. C’est une question que j’appréhende. L’humour est fédérateur. Si on aime les choses authentiqu­es et pas fabriquées, l’humour est l’un des langages les plus simples.

« Jeanfi Décolle », c’est le nom de votre spectacle. C’est aussi votre carrière qui décolle. Vous attendiez-vous à cette ascension ?

Non. La fulgurance est quelque chose que l’on n’appréhende pas. C’est allé tellement vite que cela m’a angoissé et désarçonné. Fin , je me disais : «Çavatropvi­te, on va me le reprendre. Il y a deux mois, il y avait dix personnes dans la salle. Aujourd’hui, il faut que tu ailles au Grand Point-Virgule et que tu fasses une tournée dans toute la France ». Deux émissions des Grosses Têtes ont changé ma vie.

À ce point ?

Je commençais à émerger dans le microcosme parisien mais ça a été l’accélérate­ur de particules. Le tremplin. Je me souviens du Festival d’Avignon où j’ai  personnes dans la salle, dont  invitation­s. J’appelle mon ami Stéphane Plaza et je lui dis que je veux remonter dans l’avion. J’avais six mois de loyer en retard. Il voulait me prêter de l’argent.

J’ai tenu bon. Un mois plus tard, Laurent Ruquier m’appelle pour les Grosses Têtes. Dans la vie, ce n’est parfois qu’une question de timing.

Vous avez pris trois ans de congés sabbatique­s à Air France pour percer dans l’humour. Vous étiez clairement déterminé…

Il fallait forcément prendre du sans solde. Car la première année, je faisais les deux en même temps : les avions et le théâtre.

Je n’avais aucune vie sociale et le cul entre deux chaises. J’ai pris trois ans avec le défi d’en vivre. J’avais la sécurité de me dire que si je me plante, je retourne dans les avions. Je suis arrivé à la plus mauvaise période pour le faire : les attentats, les salles vides, les festivals d’Avignon qui m’ont coûté un bras sans être rentables.

Il fallait bouffer. J’allais partout : les CE d’entreprise, les foires aux boudins. Puis, on se fait un réseau. Les tremplins d’humour m’ont fait émerger, dont celui de Toulouse.

Puis, vous avez définitive­ment choisi l’humour en plaquant tout en juin . Un pari risqué…

J’avais une ancienneté et une carrière confortabl­e à Air France. À  ans, j’ai tout remis dans la balance. L’aventure est au coin de la rue, c’est mon principe. Ce n’est pas le fait que les avions ne me plaisaient plus mais il fallait changer. J’ai connu l’aérien avant le -Septembre. Après, c’est devenu morose : la géopolitiq­ue, le terrorisme, les coups d’État, les escales qui se réduisent… Ce n’était plus le même métier. L’humour me permettait d’avoir une bulle d’air à côté.

Vos proches vous ont soutenu dans cette transition ?

Quand j’ai dit à mon père, qui a été ouvrier syndicalis­te toute sa vie, que je voulais faire du théâtre. Il m’adit: « T’es cinglé. L’autre, il est fonctionna­ire, il va faire saltimbanq­ue » .Mamèreadit:

« Puisque j’te dis qu’il va percer le gamin ! ».

Les passagers étaient votre premier public. Avez-vous pioché dans les anecdotes là-haut pour votre spectacle ?

C’était le premier public sur lequel je pouvais m’entraîner. En plus, ils étaient enfermés avec moi et ils ne pouvaient pas s’échapper. Je me suis beaucoup inspiré d’eux. Dans un avion, vous avez des gens, assis les uns à côté des autres et qui, dans la vie, n’auraient rien à faire ensemble. Vous avez des disparités sociales et culturelle­s énormes. Il y

‘‘ a ceux qui vont à des enterremen­ts et d’autres en vacances. Et nous, on est aux premières loges. L’avion, c’était déjà du théâtre.

Votre enfance dans le Nord, aussi, est une source d’inspiratio­n. Sur ce sujet, en quoi vous démarquez-vous de Dany Boon ?

J’attaque un univers qui n’est pas le sien. Je mets en opposition le milieu ouvrier du Nord avec les codes du luxe à la française dans une compagnie aérienne. A la base, on ne m’attendait pas dans un avion mais sur un tracteur chez mes parents. Le fait d’être gay, ma différence, m’a fait partir pour ne pas indisposer mes parents et devenir steward. Ma différence a été ma force. Dany Boon a rendu ses lettres de noblesse au Nord. Avant, on en parlait plus pour les faits divers et la pédophilie.

Il a rendu ce côté convivial au Nord. Cela a donné une aura sympathiqu­e à tous les Ch'tis.

Votre accent est une arme pour faire rire ?

Ça m’a toujours servi, même à bord, pour désamorcer les conflits. Ça donne un truc comique à tout ce que vous allez dire. C’est moins formel. Des passagers sont venus me voir en spectacle et m’ont dit qu’ils étaient sûrs que ça se terminerai­t comme ça.

Sous quelle forme abordez-vous l’homosexual­ité dans votre spectacle ? Vous disiez ne pas vouloir être le fer de lance d’une communauté.

Être dans une communauté, c’est déjà clivant. Je ne suis pas militant. C’est une indication que je donne aux gens pour qu’ils comprennen­t mon parcours. J’explique mon coming out et celui de ma soeur dans ma famille. Je reçois des courriers de jeunes qui me disent que je les ai aidés à s’assumer. Ces messages me touchent car je ne pensais pas être utile de cette façon-là.

‘‘

Stéphane Plaza voulait me prêter de l’argent ”

Ma différence a été ma force ”

Après votre participat­ion à Danse avec les Stars ,vousavezdi­t que cela avait été thérapeuti­que pour vous. Pourquoi ?

Je fais de l’humour car ça a toujours été une façon de plaire aux gens sans avoir à parler de moi et d’intégrer des groupes, car je n’avais pas confiance en moi physiqueme­nt. Par le rire, j’arrivais à faire tomber des barrières. Danse avec les Stars m’a apporté la gestion de la pression, le rapport au corps, l’occupation de l’espace. Il n’y a rien de plus compliqué que de se lancer sur un parquet devant  millions de téléspecta­teurs dans un art que vous ne maîtrisez pas.

Cinéma avec Dany Boon, théâtre, écriture d’un livre, des émissions de télévision et une tournée. Le rythme est intense…

C’est là où je me rends compte que j’avais du temps libre comme steward. C’est un luxe de faire ces choses pour moi. J’ai une carrière tardive dans l’artistique donc je n’ai pas de temps à perdre. Il faut pérenniser tout cela. Il ne s’agit pas de faire la fusée et de retomber derrière. Il faut rester créatif. J’ai déjà la trame du second spectacle : mon arrivée dans le show-biz.

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(DR) Jeanfi Janssens a quitté les avions pour l’humour.

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