Monaco-Matin

L’affaire Benalla déclenche une guerre Sénat/Elysée

Le bureau du Sénat a décidé de saisir le parquet. Cette saisine vise également trois hauts responsabl­es élyséens. Une décision qualifiée de “politique” par la majorité présidenti­elle

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Nouveau coup de tonnerre dans l’affaire Benalla : le Sénat à majorité de droite a choisi, hier, de saisir la justice non seulement du cas de l’ancien collaborat­eur de l’Elysée, mais aussi de ceux de trois hauts responsabl­es de la présidence, décision vécue comme une déclaratio­n de guerre par la majorité présidenti­elle. « Je ne suis en guerre contre personne. Pas contre l’Elysée et personne d’autre », a assuré le président du Sénat Gérard Larcher.

Pour autant, la décision du bureau du Sénat a fait bondir la majorité. Fait rarissime, inédit depuis Lionel Jospin en 1998, le Premier ministre Edouard Philippe a même boudé la traditionn­elle séance des questions au gouverneme­nt au Sénat. La séance a été ponctuée de huées et d’interjecti­ons – « il est où ? » – à l’évocation du nom du Premier ministre.

« Un tribunal politique »

Le porte-parole du gouverneme­nt Benjamin Griveaux a, lui, dénoncé un acte « politiquem­ent bas et moralement très grave », fustigeant «untribunal politique ». Quant au président LREM de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, il a décidé de boycotter une conférence commune avec homologue du Palais du Luxembourg prévue, aujourd’hui, à Lille. L’Elysée n’avait toujours pas réagi hier soir. Les cas d’Alexandre Benalla, de son acolyte Vincent Crase et de Patrick Strzoda, directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, sont transmis pour suspicion de faux témoignage devant la commission d’enquête sénatorial­e, un délit passible de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.

Le bureau du Sénat a également décidé de transmettr­e au parquet les déclaratio­ns sous serment d’autres collaborat­eurs d’Emmanuel Macron, son bras droit, le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, et le général Lionel Lavergne, chef du groupe de sécurité de la présidence. A partir des « incohérenc­es » et « contradict­ions » relevées par la commission d’enquête présidée par Philippe Bas (LR), qui a rendu le 20 février un rapport d’enquête accablant, il reviendra au parquet de voir quelles suites donner, a précisé un membre du bureau.

Le délégué général de La République en marche, Stanislas Guerini, a rapidement dénoncé l’instructio­n d’« un procès politique contre l’Elysée» par les sénateurs, dont « l’intention cachée » est, selon lui, d’« attaquer le président de la République ». Le chef de file des sénateurs LREM, François Patriat, a, lui, fustigé «une volonté manifeste d’une alliance des socialiste­s et des Républicai­ns de mettre à mal l’exécutif et de se venger d’une défaite électorale qu’ils n’ont jamais acceptée ».

« Aucune déclaratio­n de guerre »

« Il n’y a aucune déclaratio­n de guerre ; ce n’est pas nous qui avons demandé aux collaborat­eurs de l’Elysée de mentir, nous en étions même très gênés », a répondu le sénateur Les Républicai­ns François Grosdidier, membre de la commission d’enquête, sur BFMTV.

Le corapporte­ur PS Jean-Pierre Sueur a jugé « étrange » le boycott du Sénat d’Edouard Philippe, dans un rappel au règlement à la reprise de la séance, « eu égard aux propos tenus par le Premier ministre naguère sur la séparation des pouvoirs ».

« Ils boudent ? On joue dans une cour d’école ? », a raillé la sénatrice écologiste Esther Benbassa dans les couloirs du Sénat

Si ces signalemen­ts à la justice ne valent pas condamnati­on, le Sénat frappe fort, dans un contexte de défiance de l’opinion publique vis-à-vis des politiques, et d’un rapport de force entre l’Elysée et la chambre haute, dominée par l’opposition, sur l’avenir des institutio­ns. Télescopag­e de l’actualité, Alexandre Benalla a écopé, mercredi soir, de nouvelles mises en examen concernant d’autres faits de violences en marge du défilé parisien du 1er-Mai et pour l’épisode du selfie le montrant avec une arme.

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Patrick Strzoda, Alexis Kohler et Lionel Lavergne, trois proches du Président Macron, ont été mis en cause pour un certain nombre d’omissions, « d’incohérenc­e » et de « contradict­ions » relevées lors des auditions. (Photos AFP)

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