Monaco-Matin

Pourquoi l’âge de départ à la retraite refait débat

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Emmanuel Macron a promis de ne pas toucher à l’âge légal de départ, le gouverneme­nt l’a réaffirmé cette semaine, mais il envisage de faire travailler les Français plus longtemps pour financer la réforme de la dépendance, au risque de fragiliser celle des retraites. Faisons donc le point afin d’y voir un peu plus clair...

. De quel âge parle-t-on ?

« Il y a une confusion autour de l’âge », a reconnu le haut-commissair­e à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye. L’âge légal, c’est-à-dire l’âge minimal pour partir en retraite, « restera à 62 ans », a-t-il affirmé. C’était la promesse du candidat Macron en 2017, réaffirmée noir sur blanc devant les partenaire­s sociaux en octobre et «le contrat que nous avons avec [eux] ne change pas d’un iota ». Mais rien n’interdit de travailler plus longtemps et, de fait, ceux qui ont fait valoir leur droit à la retraite en 2018 sont partis en moyenne à 62,7 ans, selon l’assurance vieillesse. Un chiffre qui inclut les régimes spéciaux autorisés à partir à 57, voire 52 ans, ainsi que les départs anticipés au titre des carrières longues ou de la pénibilité. Ce qui signifie que les autres catégories de retraités prolongent en réalité leur carrière bien au-delà de l’âge légal. Actuelleme­nt, « 20 % des femmes vont jusqu’à 67 ans parce qu’il y a un système de décote », a rappelé Jean-Paul Delevoye.

. Quel rapport avec la dépendance ?

Le chef de l’Etat a annoncé l’an dernier une loi, d’ici à la fin 2019, pour faire face au choc démographi­que du vieillisse­ment : 1,5 million de Français ont plus de 85 ans aujourd’hui, ils seront 5 millions en 2050. Une réforme qui coûtera « 9 à 10 milliards d’euros », ajoutait-il. Sauf que l’exécutif ne sait toujours pas où trouver cette somme. Sera-t-il tenté d’instaurer une deuxième « journée de solidarité » ou de recycler la contributi­on à la réduction de la dette sociale ou CRDS (prélèvemen­t obligatoir­e destiné à rembourser la dette sociale censée s’éteindre en 2024, une fois le « trou de la Sécu » rebouché) ? L’avenir nous le dira... En attendant, la Mutualité française a avancé la piste d’une assurance dépendance obligatoir­e « à partir d’un âge à définir » entre 50 et 60 ans. Mais le chef de l’Etat estime que « c’est la collectivi­té nationale qui va devoir prendre ce financemen­t à charge ».

. Que devient alors la réforme ?

Officielle­ment, les rencontres entre Jean-Paul Delevoye et les partenaire­s sociaux se poursuiven­t jusqu’à la mi-mai (projet de loi cet été). Mais cette ingérence du gouverneme­nt « fait perdre du crédit à la méthode », estime Philippe Pihet (FO), qui accuse l’exécutif de « torpiller ce qui reste de concertati­on ».

« La conversati­on a été largement occultée » par ce sujet, reconnaît Frédéric Sève (CFDT), qui a rencontré le haut-commissair­e lundi. Un échange « fructueux mais pourri par les propos » des ministres Agnès Buzyn puis Gérald Darmanin, qui ont déclenché la polémique. Sur le fond, les syndicats restent incrédules. « Je ne vois pas pourquoi ce serait la retraite qui financerai­t la dépendance ; je ne vois pas le rapport. C’est gonflé de faire payer à celui qui va travailler plus longtemps sa propre dépendance », peste Pascale Coton (CFTC). En revanche, le Medef y voit l’occasion de remettre sur la table le sujet de l’âge de départ, son président Geoffroy Roux de Bézieux mettant en garde : « Soit on ne touche rien et on va être obligé de baisser les pensions ; soit on se pose la question. »

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