Le Brexit ou l’histoire à tâtons
Méfions-nous quand l’Histoire est trop belle, comme écrite à la plume sur du papier soyeux, que les aspérités ont été gommées, pour ne garder que le grand roman national qui plaira à tous, aux peuples comme à leurs dirigeants. L’Histoire authentique sent la sueur et les ratures. Elle ne se prédit pas, elle se débat comme elle peut dans les méandres de son époque.
Le Brexit l’illustre si bien. Il engage l’avenir de toute l’Europe, et impactera celui des autres continents. Et à quoi la décision finale est-elle conditionnée ? Peut-être à un député distrait ou tétanisé par l’enjeu qui confondra le yes et le no, lors de l’ultime vote à la Chambre des communes, provoquant, par effet domino, la naissance d’un nouvel ordre économique mondial. Souvenons-nous que le mars, les deux camps n’étaient séparés que par quatre voix, lors d’un vote excluant de quitter l’Union européenne sans accord. Dans cette Histoire, la politique n’est même plus un combat de catch, c’est un match d’improvisation permanente. Ce n’est pas forcément mauvais signe. En temps de guerre comme en temps de paix, de franches défaites ou de beaux cafouillages ont débouché sur des victoires aussi nettes que surprenantes. Et pas seulement pendant la Seconde Guerre mondiale quand la France laminée en se débarrassait cinq ans plus tard de l’envahisseur nazi. L’Histoire ne se décrète pas. Elle se partage, avec le plus grand nombre. La querelle autour de la date de sortie : mars – dans une semaine ! – au mois de mai ou en juin, était, hier, au coeur de la réunion des chefs d’État et de gouvernement à Bruxelles. Elle est somme toute secondaire. Le véritable défi est surtout de retrouver de la légitimité populaire, pour redonner du sens à ce processus. Ou y renoncer. La pétition signée en vingt-quatre heures par plus d’un million d’anti-brexiteurs témoigne de cette envie de reprendre la parole. Faudra-t-il un nouveau référendum ? Mieux vaudrait, en effet, un second vote qu’un tour de mistigri entre partis. C’est ça l’Histoire, du moins celle que connaissent les pays démocratiques. Elle n’est pas toujours glorieuse mais au moins, elle ne dépend pas des foucades des dictateurs. A choisir, mieux vaut une Histoire à tâtons mais en liberté qu’un destin rectiligne sous la lumière des miradors.
« Le véritable défi est surtout de retrouver de la légitimité populaire, pour redonner du sens à ce processus. »