Dominique A en scène : « Je ne suis pas à vendre »
Plus inclassable, tu meurs ! L’auteur-compositeur, rocker et poète investit ce samedi la scène du Théâtre Croisette de Cannes où il se livrera, intime, mais dans une scénographie très léchée
Contempl-actif ! » Ce qualificatif choisi pour le désigner ne le rebute pas, à condition d’y ajouter un riff de « nervosité ». Il faut dire qu’il lui sied à ravir. Il n’aime rien de moins prendre du recul pour humer, ressentir la nature humaine. Toujours un pas de côté. Pour mieux la retranscrire dans ses compositions mélodiques. En évitant soigneusement de se faire happer par « l’instantanéisme et le présentisme » effrénés de notre société consumériste. C’est grâce à cela que son caractère est resté entier, inaltéré ! Seule entorse à sa discrétion : lorsqu’il se lance dans ses tournées marathon.
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Depuis 1991, ce cofondateur de la
« Nouvelle scène française » fait la nique à la critique et conspue les codes de la variet’. Sans relâche, cet amoureux de littérature cultive le verbe et ses sonorités propres. En acoustique ou en beatbox. Déclamées ou chuchotées du bout des lèvres. La guitare jamais bine loin. Ce samedi, ce jeune quinqua “post-underground” se produira pour la première fois à Cannes, sur la scène du Théâtre Croisette. L’occasion d’une découverte pour certains. Une récompense jubilatoire inespérée pour les autres. Un concert assurément original pour tous. Et, pour l’artiste, d’achever une tournée nationale « sur une touche d’inédit avant de repartir pour l’Espagne en avril, puis jusqu’à Nouméa » Nous l’avons “réquisitionné” pour une poignée de questions entre deux balances de concerts.
Samedi, vous allez interpréter les titres de votre dernier album La fragilité. Comment a mûri ce nouvel opus ?
C’est un album plus acoustique, à la base, que le précédent [Toute latitude] qui était un album vraiment de groupe. Là, l’idée, même s’il y a beaucoup de traitements sonores, c’est de jouer rock. C’est pas un cours de chant à l’ancienne que l’on va proposer samedi ! Il y a une implantation scénographique assez conséquente avec des vidéos. Sur scène, à la différence de l’album où il y a une recherche de musicalité, la priorité est donnée à l’intensité de l’interprétation. Et ça, pour moi, c’est une constante de mon travail. Pas question d’être pépère, plan-plan, soporifique. Les gens doivent être embarqués dans un
Vous prenez davantage votre pied en créant ou sur scène, en tournée ?
C’est franchement complémentaire. Même si le coeur de mon métier reste la phase de création, d’écrire des chansons. Après, la vie de tournée, j’adore ça. J’aime autant les planches pour la scène ellemême que pour l’ambiance, à partir du moment où je suis bien entouré. Et c’est le cas depuis des années, avec une équipe technique stable. C’est le plaisir de retrouver les copains et repartir sur la route.
La poésie est profondément ancrée en vous. C’est d’ailleurs le er titre de votre album. C’est aussi un bel hommage ?
Absolument. Clairement. Assez direct à Leonard Cohen. Le fait d’axer l’album sur un son de guitare classique, joué en arpège, c’est une manière assez revendiquée, avec sinon une filiation, au moins une influence marquée. J’ai pas peur d’identifier et donner mes sources d’inspiration. Et puis, Leonard a beau être une référence incontournable, l’oubli est là tout le temps, pour tous. Même pour les plus grands. Et, à ma façon, c’est une manière de les faire exister un petit peu.
Comme Alain Bashung, qui vous a aussi beaucoup inspiré ?
Pas sur cet album, mais c’est vrai que c’est quelqu’un d’important, C’est la dernière grande référence, la figure tutélaire. Il n’y en a pas eu d’autres depuis. On est encore dans l’après Bashung. L’ombre de son dernier album plane toujours. Mais elle est bienveillante. Pour moi, Bashung c’est une queue de comète !
La tonalité de votre dernier album est-elle vraiment née d’une vieille guitare désaccordée ?
C’est plus une histoire de fainéantise, de paresse naturelle de ma part. Il y avait chez moi une vieille guitare qui traînait. Je devais en racheter une. Puis, j’ai commencé à enregistrer avec celle-là. Finalement, le son me plaisait bien. Et j’ai attendu de finir le disque pour en acheter une autre… Après, je me suis dit : «Si tu veux garder une cohérence de son, tu dois fonctionner jusqu’au bout avec cette guitare ». Et voilà. C’est vrai qu’à la fin, les cordes étaient quand même bien rincées. [Rires]. Votre sentiment sur les autres artistes de la scène française, peu-être plus exposés que vous ?
Dans le registre de la chanson, on fait partie d’une même famille, avec certains jeunes auteurs-compositeurs (trices), comme Amandine Messiat ou Barbara Carlotti. Mais ce ne sont pas les plus exposés. Parmi ceux que l’on voit beaucoup plus, je reconnais de la valeur, un certain talent à des personnes comme Eddy de Pretto ou Bigflo et Oli. Ils ont une façon originale de parler aux gens. Même si, musicalement, ça ne me touche pas vraiment, c’est un peu pauvret, mais ils savent faire un vrai liant entre la musique populaire et d’autres, plus marginales. Il y a beaucoup de belles choses qui émergent en France. Moi, j’ai bien conscience que je fais partie de l’arrière-garde par rapport à cela. Je ne suis pas exposé de la même manière. C’est normal. Mais je ne me sens pas lésé ni sous-exposé pour autant. Quand, dans une année, vous enquillez une centaine de concerts, comme discrétion on fait un peu mieux, non ? En revanche, je me réjouis de voir, par exemple, que des artistes comme Bertrand Belin (Hypernuit) rencontrent enfin un plus large public !
Que diriez-vous à ceux qui ne vous connaissent pas encore, pour les inviter à venir vous découvrir ?
Je ne suis pas à vendre. Je ne viens pas vendre ma soupe. Ça a toujours été ma ligne de conduite. Je propose, les gens disposent. En tout cas, ce que je peux dire, c’est que si les gens qui s’imaginent venir voir un concert contemplatif, tout calme, ils seront surpris ! [Eclat de rires
Bashung, c’est une queue de comète” mouvement vif.
Je propose, les gens disposent !”