Monaco-Matin

SAMEDI TENDU MAIS SANS CASSE À NICE

Cette journée à hauts risques à Nice n’a pas connu de débordemen­t grave hier, à la veille de la visite du président chinois en Principaut­é et en France.

- STEPHANIE GASIGLIA

Soudain, ça court dans tous les sens. Sans crier gare. Hurlements. Gestes brusques. Et la bouffée de tension surprend les gardes mobiles qui ont pris position, boulevard Grosso, à Nice. Coup de chaud, coup de force. Il est 15 h 30 passées. Depuis le matin 10 heures, «gilets jaunes» et forces de l’ordre se regardaien­t en chiens de faïence. Multipliai­ent les face-àface. Les confrontat­ions. Parfois tendues. Sans plus. Mais, là, ça dégénère... Tirs de bombes lacrymogèn­es, gazeuze. C’est la confusion totale. « Rejoignez-nous au lieu de nous taper dessus. Vous êtes les pions de Macron ! », crache un militant, proche de Cédric Herrou. « Révolution, révolution », s’égosillent certains « gilets jaunes », qui s’échappent autour.

Puis, les forces de l’ordre font usage de lanceurs de balles de défense (LBD). Combien ? Au moins une fois. « Ça y est, ils l’ont fait à Nice. Fallait bien qu’ils s’en servent aussi », se désole un manifestan­t resté à l’écart. Alors que plus bas sur le boulevard Grosso, la police procède à de nombreuses interpella­tions (lire par ailleurs). Certaines sont musclées. A terre, des manifestan­ts ont le visage en sang. « J’ai été matraqué », hurle Sylvain, la tempe ouverte. À côté, une jeune femme pleure. Et une autre, habillée de noir, perd complèteme­nt ses nerfs. Elle boite en remontant le boulevard et hurle : «Jen’airien fait, ils m’ont poussée, marché dessus, c’est une honte. Je suis une mère de famille, je suis pacifiste »... Trente minutes de chaos. Pas plus. Comme un fusible qui saute d’en avoir trop encaissé. Comme une cocotte-minute qui lâche la pression... Et c’est le retour au calme. « On s’est occupé des meneurs et des agités, ça va aller maintenant », assure un gendarme.

« Collabos, collabos, escrocs... »

Par groupes, guidés involontai­rement par les hommes en bleu qui balisent le chemin de leur corps et de leur bouclier, les manifestan­ts se retrouvent, de nouveau à la gare à peine plus d’une heure après. Retour à la case départ. Ils s’étaient massés devant Thiers vers 14 h 30. Assis ou debout. Certains en colère. D’autres moins. Mais tous contre le pouvoir. Emmanuel Macron, Christophe Castaner et Christian Estrosi : ils en prennent pour leur grade. « Collabos, collabos, escrocs », conspuent les « gilets jaunes», avant d’entonner une Marseillai­se. D’autres sur le parvis ont déployé une banderole : « L’insurrecti­on est le plus sacré des droits ». Les hommes de la BAC rejoignent les forces déjà en place, sous les huées. Ordre est donné de fermer la gare. « Les LBD en protect derrière », lance une policière. Et le canon à eau des CRS s’avance lentement. Mis en place. Activation imminente. Le coup de bluff fonctionne, c’est là que les manifestan­ts se décident à partir vers Gambetta. Puis vers Grosso.

Ambiance étrange place Garibaldi

Les «gilets jaunes» avaient lancé, hier, leur acte XIX place Garibaldi. Dès 9 h 30, ils sont arrivés au compte-gouttes. Les forces de l’ordre, elles, en masse. Et le ballet étrange des colonnes de bleu réussissan­t à scinder en quatre la poche de manifestan­ts aura duré moins de deux heures. «Je vous annonce qu’on ne fera rien, mais qu’il y aura quand même des incidents. Vous allez voir, ils vont nous provoquer, je ne sais pas encore comment, mais ils vont le faire », prévient un grand costaud, « gilet jaune» depuis le 17 novembre. Ordres, contrordre­s. Les colonnes des forces de l’ordre reculent. Les manifestan­ts avancent. Puis les policiers « chargent », après les « dernières sommations ». « Dispersez-vous, cette manifestat­ion est interdite », avait prévenu le big boss dans son porte-voix. Trop tard. « On pousse, on pousse », s’exclame un gradé. A gauche et à droite, des interpella­tions. Les bleus s’avancent. Poussent. Et au milieu Geneviève, un drapeau arcen-ciel à la main, chute à l’entrée de Jean-Jaurès. Elle ne bougera plus jusqu’à l’arrivée des pompiers. « C’est scandaleux, elle ne faisait rien », tempête un jeune homme. « Vous n’aviez pas le droit de manifester, on vous a prévenu plusieurs fois », soupire un policier.

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