SAMEDI TENDU MAIS SANS CASSE À NICE
Cette journée à hauts risques à Nice n’a pas connu de débordement grave hier, à la veille de la visite du président chinois en Principauté et en France.
Soudain, ça court dans tous les sens. Sans crier gare. Hurlements. Gestes brusques. Et la bouffée de tension surprend les gardes mobiles qui ont pris position, boulevard Grosso, à Nice. Coup de chaud, coup de force. Il est 15 h 30 passées. Depuis le matin 10 heures, «gilets jaunes» et forces de l’ordre se regardaient en chiens de faïence. Multipliaient les face-àface. Les confrontations. Parfois tendues. Sans plus. Mais, là, ça dégénère... Tirs de bombes lacrymogènes, gazeuze. C’est la confusion totale. « Rejoignez-nous au lieu de nous taper dessus. Vous êtes les pions de Macron ! », crache un militant, proche de Cédric Herrou. « Révolution, révolution », s’égosillent certains « gilets jaunes », qui s’échappent autour.
Puis, les forces de l’ordre font usage de lanceurs de balles de défense (LBD). Combien ? Au moins une fois. « Ça y est, ils l’ont fait à Nice. Fallait bien qu’ils s’en servent aussi », se désole un manifestant resté à l’écart. Alors que plus bas sur le boulevard Grosso, la police procède à de nombreuses interpellations (lire par ailleurs). Certaines sont musclées. A terre, des manifestants ont le visage en sang. « J’ai été matraqué », hurle Sylvain, la tempe ouverte. À côté, une jeune femme pleure. Et une autre, habillée de noir, perd complètement ses nerfs. Elle boite en remontant le boulevard et hurle : «Jen’airien fait, ils m’ont poussée, marché dessus, c’est une honte. Je suis une mère de famille, je suis pacifiste »... Trente minutes de chaos. Pas plus. Comme un fusible qui saute d’en avoir trop encaissé. Comme une cocotte-minute qui lâche la pression... Et c’est le retour au calme. « On s’est occupé des meneurs et des agités, ça va aller maintenant », assure un gendarme.
« Collabos, collabos, escrocs... »
Par groupes, guidés involontairement par les hommes en bleu qui balisent le chemin de leur corps et de leur bouclier, les manifestants se retrouvent, de nouveau à la gare à peine plus d’une heure après. Retour à la case départ. Ils s’étaient massés devant Thiers vers 14 h 30. Assis ou debout. Certains en colère. D’autres moins. Mais tous contre le pouvoir. Emmanuel Macron, Christophe Castaner et Christian Estrosi : ils en prennent pour leur grade. « Collabos, collabos, escrocs », conspuent les « gilets jaunes», avant d’entonner une Marseillaise. D’autres sur le parvis ont déployé une banderole : « L’insurrection est le plus sacré des droits ». Les hommes de la BAC rejoignent les forces déjà en place, sous les huées. Ordre est donné de fermer la gare. « Les LBD en protect derrière », lance une policière. Et le canon à eau des CRS s’avance lentement. Mis en place. Activation imminente. Le coup de bluff fonctionne, c’est là que les manifestants se décident à partir vers Gambetta. Puis vers Grosso.
Ambiance étrange place Garibaldi
Les «gilets jaunes» avaient lancé, hier, leur acte XIX place Garibaldi. Dès 9 h 30, ils sont arrivés au compte-gouttes. Les forces de l’ordre, elles, en masse. Et le ballet étrange des colonnes de bleu réussissant à scinder en quatre la poche de manifestants aura duré moins de deux heures. «Je vous annonce qu’on ne fera rien, mais qu’il y aura quand même des incidents. Vous allez voir, ils vont nous provoquer, je ne sais pas encore comment, mais ils vont le faire », prévient un grand costaud, « gilet jaune» depuis le 17 novembre. Ordres, contrordres. Les colonnes des forces de l’ordre reculent. Les manifestants avancent. Puis les policiers « chargent », après les « dernières sommations ». « Dispersez-vous, cette manifestation est interdite », avait prévenu le big boss dans son porte-voix. Trop tard. « On pousse, on pousse », s’exclame un gradé. A gauche et à droite, des interpellations. Les bleus s’avancent. Poussent. Et au milieu Geneviève, un drapeau arcen-ciel à la main, chute à l’entrée de Jean-Jaurès. Elle ne bougera plus jusqu’à l’arrivée des pompiers. « C’est scandaleux, elle ne faisait rien », tempête un jeune homme. « Vous n’aviez pas le droit de manifester, on vous a prévenu plusieurs fois », soupire un policier.