La semaine de Roselyne Bachelot
LUNDI
Ce qui faisait sans doute le plus de peine dans les images des saccages de samedi dernier, c’est qu’elles étaient désolantes d’une insondable bêtise. Entendre les propos affligeants des porte-parole autoproclamés des émeutiers, voir un couple monté de Province exhiber comme des trophées des objets pillés au Fouquet’s, regarder de braves gens aspirés dans l’engrenage de la violence, contempler des manifestants mettre le feu à une agence bancaire au risque de tuer les habitants de l’immeuble, tout cela relevait d’une démarche où l’on ne savait plus si l’on avait affaire à des criminels ou à des abrutis. Il n’y a plus d’un côté les gentils contestataires et de l’autre les affreux black blocs, ces derniers ont été rejoints par des milliers de « gilets jaunes » qui se sont persuadés que seule la violence payait. C’est bien l’erreur d’analyse fondamentale : ce ne sont pas les violences qui ont fait lâcher plus de milliards à Emmanuel Macron, mais bien la sympathie massive que suscitait le mouvement chez les Français. Semaine après semaine, cette adhésion reflue et la condamnation des violences est massive. Les « gilets jaunes » sont passés du côté obscur de la haine et ils en récolteront le pain noir des regrets.
MARDI
Le gouvernement a reconnu des « dysfonctionnements » dans le pilotage de la sécurité lors des émeutes de samedi dernier en particulier sur les Champs-Elysées. C’est le moins qu’on en puisse dire… Cet échec résulte de difficultés conjoncturelles et structurelles. Les commentateurs en chambre ont beau jeu de lancer des préconisations sur le mode bien connu du « yakafokon », n’hésitant pas d’ailleurs à se renier sans vergogne. Certains qui condamnaient il y a peu les LBD (lanceurs de balles de défense, Ndlr) s’étonnaient qu’on en eût point lancé, d’autres réclamaient l’interdiction des manifestations ou le recours à l’armée. Je vous fiche mon billet que les mêmes avant la fin de la semaine diront le contraire.
Outre les caractéristiques totalement inédites et parcellisées du mouvement, les forces de sécurité ont été l’objet d’une mise en cause d’une rare agressivité, d’autant plus injuste qu’elles ont fait preuve de retenue devant des attaques extrêmement sournoises, le dernier must de nos « gentils » étant de les asperger d’excréments. Ce procès fait à nos policiers les a tétanisés psychologiquement dans la crainte d’un dérapage toujours possible. A cela, il faut pointer la question récurrente de l’Etat dans l’Etat qu’est la Préfecture de police. Créée par Bonaparte en , cette organisation – qui n’a d’équivalent nulle part dans le monde – est d’une complexité territoriale, budgétaire et organisationnelle dont de nombreux travaux parlementaires ont pointé les errances. Le terme de guerre des polices est souvent utilisé et à juste titre pour qualifier les rapports entre la PP et le ministère de l’Intérieur. Le limogeage du préfet Michel Delpuech est sans doute injuste mais il serait tout aussi injuste d’imputer ces dysfonctionnements à Christophe Castaner en place depuis quelques mois place Beauvau et qui a hérité d’un « machin » que ses prédécesseurs, de Nicolas Sarkozy à Bernard Cazeneuve, ont échoué à rationnaliser.
JEUDI
Mes amis, nous avons assisté à un véritable jeu de massacre hier soir en regardant le débat qui opposait sur BFM les chefs des partis politiques. Mélenchon, Wauquiez, Le Pen, Faure et dans une moindre mesure Bayrou ont littéralement dépecé le pauvre Guérini, délégué de La république en marche. Nos cinq Raminagrobis utilisaient toutes les ficelles des habitués des plateaux face à un novice qui ressemblait à un lapin pris dans les phares. Comme les spectateurs des matchs de foot lancent des consignes aux joueurs, on avait envie de lui crier : « Vas-y, coco, renvoie les dans les cordes, quitte cet air de chien battu, sers-toi du mensonge, de la mauvaise foi, sois un politicien, un vrai ! » Avec des soutiens pareils, Emmanuel Macron n’a pas besoin d’adversaires…
VENDREDI
Décidément les sénateurs ont fait très fort ! Renvoyer messieurs Benalla et Crase devant la justice pour parjure relevait de l’évidence et d’ailleurs personne ne l’a contesté, même dans les rangs de la majorité. Mais opérer de manière identique pour trois hauts fonctionnaires de l’Elysée suscite l’étonnement. Ceux, peu nombreux je vous l’accorde, qui ont eu la curiosité de lire de bout en bout le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sont éberlués devant la quasi-absence de charges retenues contre ces personnes et certains sénateurs, ceux les moins liés à un appareil politicien, ont publiquement exprimé leur gêne. D’autres, les mains jointes et les yeux baissés, ont argué hypocritement qu’ils ne pouvaient faire autrement en vertu de l’article . Là encore, on se demande si les honorables parlementaires qui font la loi la lisent ! L’article est clair : toute autorité constituée… qui, dans l‘exercice de ses fonctions acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République. Or la commission d’enquête n’a pas établi les faits les accusant, donc ne peut avoir connaissance d’un parjure. Dans un premier temps, la surprise a été grande de voir le sage président Larcher rejoindre une pareille embrouille. En fait, il n’avait pas le choix car il sait mieux que personne que la vénérable institution est en opération survie et que sa suppression est réclamée par une écrasante majorité des Français. En rajouter dans l’agressivité contre le Président de la République était une manière de redorer le blason d’un Sénat jugé obsolète. Quand le bateau coule, on n’est pas très regardant sur la couleur des bouées…
« Il faut pointer la question récurrente de l’Etat dans l’Etat qu’est la Préfecture de police ».