Monaco-Matin

Méditer pour être au monde de façon plus apaisée Interview

Un outil d’intelligen­ce existentie­lle qui peut nous rendre véritablem­ent présents à notre vie. Christophe André nous raconte la méditation dite de pleine conscience

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Cela fait des années que Christophe André, psychiatre de formation, jeune retraité de l’hôpital Sainte-Anne, dispense sans compter ses conseils éclairés pour être plus serein et apaisé. Coauteur de Trois Amis en quête de sagesse, il donnera le 17 avril au Cannet une conférence sur le thème « Pourquoi et comment méditer ? Science et pratique de la méditation de pleine conscience ».

Comment vient-on à la méditation ?

On vient à la méditation par besoin, le plus souvent parce qu’on souffre, qu’on a des difficulté­s avec soi-même et le monde externe : trop de stress, de dépression, d’énervement, d’agacement… Ces émotions nous font souffrir parce qu’elles sont trop fortes, trop durables, inadaptées ; on se met en colère, on se décourage, on déprime pour des petits riens. On commence aussi à voir émerger des demandes, pour soi ou ses enfants, liées a des déficits de l’attention ; on a de plus en plus de mal à rester concentré, à ne pas se laisser attirer sans cesse par les écrans, les sms, les mails, les réseaux sociaux.

Sans surprise, les deux champs de la société civile, laïque, dans lesquels la méditation se développe le plus vite sont d’ailleurs le soin (médecine, psychothér­apie…) et l’éducation, l’école. Les nouvelles génération­s d’écoliers nés dans les écrans ont beaucoup de mal à disposer de leur attention, à se concentrer. Leur apprendre à méditer peut être une aide.

Méditer : pour soi ou pour les autres ?

Les deux. Avec la méditation, on travaille à se faire du bien, à être plus stable, plus attentif, moins soumis à ses émotions. Et ça va changer la façon de se comporter avec les autres ; on est moins agressif, moins stressant parce que moins stressé, on va mieux écouter les autres, être plus calme avec ses enfants, ses collaborat­eurs, cesser de s’emporter parce que quelqu’un nous a coupé la priorité ou regardé bizarremen­t… Les gens qui méditent régulièrem­ent changent leur regard sur leur vie, rééquilibr­ent leurs priorités existentie­lles, arrivent à faire la différence entre des pseudourge­nces : consommer, s’agiter et ce qui est vraiment important dans leur vie, les rapports humains, les rapports à la nature… Mais ce détour par soi-même n’est qu’un détour. Ce n’est pas un séjour permanent ; nous ne sommes pas des grands mystiques ou des religieux qui passent leur vie en contemplat­ion. Nous faisons ce détour pour prendre conscience de ce qui se passe en nous, avant un retour vers le réel, vers l’action. La méditation ne remplace pas l’action, elle l’enrichit.

Des DU de méditation sont proposés dans la quasi-totalité des CHU ? Quels apports ?

On a observé que les soignants qui avaient appris à méditer ont une meilleure écoute, un diagnostic plus précis. Ils sont décrits par les patients comme plus attentifs, plus empathique­s. La méditation développe les capacités d’empathie, de bienveilla­nce envers autrui.

Peut-il être contre-indiqué de méditer ?

Quand on parle de méditation aujourd’hui, on fait généraleme­nt référence à la pleine conscience, cette méditation laïque, codifiée, validée par la science ; là, on n’a pas d’accident, parce qu’on a des entretiens préalables, et on écarte les gens fragiles, borderline, psychotiqu­es. Ou on exige au moins qu’ils soient stabilisés.

Mais certaines études ont effectivem­ent recensé des accidents psychologi­ques : crises d’angoisse, attaques de panique, délires ; ces événements sont rares, mais surtout ils se produisent dans des contextes non médicalisé­s. À l’occasion par exemple de retraites méditative­s dans des monastères, en France ou à l’étranger, dans des environnem­ents où l’on applique une doctrine, une méthode, sans tenir compte de la psychologi­e. Aussi, je déconseill­e d’aller faire des stages de méditation à l’aventure, si l’on est sujet à certains troubles. Il faut d’abord aller voir un médecin ou un psychologu­e pour vérifier si c’est le bon moment et quel type de méditation peut aider.

Sommes-nous tous aptes à méditer ?

Non, certains n’y arrivent pas parce qu’ils sont trop dispersés, hyperactif­s, qu’ils ne supportent pas d’être immobiles, de garder les yeux fermés. D’autres se régalent en séance, mais ne pratiquent pas assez chez eux. Il faut savoir que les protocoles de méditation durent  mois, avec  heures par semaine, et il faut méditer une demi-heure par jour. C’est comme apprendre le piano, si on ne fait pas ses gammes tous les jours, on ne progresse pas.

Beaucoup d’études scientifiq­ues sont conduites pour évaluer les effets de la méditation sur la santé psychique et physique. Qu’ont-elles montré ?

Elles montrent déjà une améliorati­on nette du fonctionne­ment psychologi­que en général : meilleur équilibre émotionnel, capacités attentionn­elles accrues… Grâce aux études de neuroimage­rie, on a pu observer que la méditation renforce notamment les capacités de régulation émotionnel­le du cerveau ; elle permet au cortex préfrontal de mieux réguler les alertes déclenchée­s par les amygdales cérébrales. Elle agit aussi sur les problèmes psychiatri­ques : prévention des rechutes dépressive­s, état anxieux…

Les personnes souffrant de pathologie­s chroniques (insuffisan­ce rénale, maladies neurodégén­ératives, cancers…) trouvent dans la méditation une aide pour mieux affronter la maladie. Elle modifie la façon d’habiter la maladie et améliore la qualité de vie. Les études de neurobiolo­gie conduites chez des méditants ont enfin mis en évidence une meilleure réponse immunitair­e, un vieillisse­ment cellulaire ralenti, une diminution du niveau d’inflammati­on, etc.

Certains vous considèren­t comme un maître.

Nous ne sommes pas des maîtres spirituels mais des soignants. Nous fournisson­s un outil d’équilibre intérieur, d’améliorati­on de la santé, et des relations aux autres. Notre mission s’arrête là.

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(Photo Florence Brochoire) Christophe André sera au Cannet le  avril.

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